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A. Partie bibliographique

A.4 Comment mettre en place une filière d’assainissement durable dans un contexte de grande

A.4.3 Durabilité d’une filière d’assainissement

A.4.3.2 Retour d’expérience sur l’assainissement par TLB dans les PED

A.4.3.2.1 Retour d’expérience de l’ONG GiveLove

La démarche de GiveLove est intéressante car elle insiste beaucoup sur la formation et l’implication des acteurs, notamment en mettant en place des systèmes de gestion communautaires.

GiveLove à Léogâne, Haïti

GiveLove est intervenu en 2012 sur le secteur de Santo, Léogâne, après le séisme de 2010,

pour remplacer un dispositif de latrines simple fosse à déshydratation et diversion d’urine, rendu inutilisable du fait du climat trop humide. Ils ont formé des charpentiers locaux, des techniciens au compostage, et aménagé un site pilote de compostage. De 30 ménages au départ, ils sont passés à 300 ménages en 2013 après vote de la communauté pour ce mode d’assainissement. Le principe se base sur l’apport des résidus deux fois par semaine par les ménages vers des plateformes de compostage tenues par des professionnels. Plus de 15 tonnes de compost ont été produites la première année, environ 20 m3 de résidus sont apportés chaque mois et un peu plus de 13 m3 de litière de bagasse sont nécessaires (JENKINS, 2015).

Le contenu des toilettes est recouvert de bagasse puis composté dans des bacs, à l’écart des toilettes et des maisons. L'urine n'est pas séparée, pas plus que le papier toilette. Les déchets alimentaires, lorsqu’ils sont disponibles sont également utilisés comme co-substrats pour le compostage. Les températures des piles de compost sont mesurées régulièrement. Le système de compostage ne nécessite aucun retournement. Les bacs sont murés à l'aide de palettes d'expédition en bois recyclé. Ils mesurent environ 2,4 mètres de large sur 3,2 mètres de long sur 1,2 mètre de profondeur. Le système de traitement des résidus repose sur la biodégradation et l’hygiénisation sous l’effet de la montée en température, l’objectif étant de créer les conditions pour atteindre une température d’au moins 55 °C, ce qui est effectivement le cas ici pendant des mois, beaucoup plus que la période requise. L'utilisation de la bagasse de canne à sucre comme matériau de couverture dans les bacs minimise la surface exposée du compost et maximise la rétention de chaleur. Ce système de confinement élimine également les odeurs et les mouches et aide à empêcher les animaux nuisibles tels que les chiens et autres animaux d'accéder au compost. Le savon et l'eau utilisés pour nettoyer les récipients de toilette sont ajoutés aux piles de compost, créant

ainsi un système fermé. Le processus repose sur la gestion locale par des Haïtiens, une formation au compostage, une équipe de gestion du compost dédiée, l'éducation du public, l'accès aux matériaux de couverture à base de carbone et leur transport vers les toilettes, ainsi qu'une utilisation du compost fini.

Au-delà de ces aspects techniques, l’absence d’indications financières sur ce projet (coût pour les ménages ? coût par tonne de compost produite ? etc.) rendaient difficile l’analyse approfondie de la filière proposée en termes de pérennité.

Une visite effectuée sur place en octobre 2018 nous a malheureusement permis de constater que le dispositif n’était plus utilisé (Figure 6). Plusieurs raisons nous ont été données par l’ancien responsable local du projet. D’une part, l’approvisionnement en poudre de bagasse (litière), qui était fait par camion venant de l’usine sucrière locale de DarBonne, moyennant indemnisation pendant le projet, s’est arrêté lorsque le financement s’est lui-même arrêté. De même, le personnel a cessé de travailler sur la plateforme de compostage après 3 mois sans salaire. Enfin, les utilisateurs ont été déçus par la qualité du compost, qui leur avait été présenté comme pouvant remplacer l’engrais qu’ils achetaient auparavant.

Figure 6 : TLB abandonnées à Santo

Les habitants ont semble-t-il été très peu associés à ce projet, où le dispositif d’assainissement leur a été pratiquement imposé. Cela a fonctionné pendant environ 20 mois au total. Depuis, chacun a creusé une fosse pour passer à un système de latrine

traditionnelle, non étanche, ce qui, dans cette région où la nappe d’eau est très proche, n’est sans doute pas sans poser de problèmes.

Cet exemple est très représentatif des projets des ONG dans les pays en développement, qui oublient de co-construire avec les personnes concernées pour garantir la pérennité au-delà de la durée du projet.

GiveLove au Nicaragua

Les TLB ont été introduites par GiveLove au Nicaragua en mai 2015. Le projet initial se déroulait dans une école de 300 élèves qui disposait auparavant d’un système de latrines à fosse, adjacente au puits d’eau potable de l’école, qui a été fermée et remplacée par des toilettes sèches. Le nouveau programme, actuellement en cours, est organisé et géré par une coopérative de femmes locale. Une grande partie de la communauté environnante pratiquait la défécation à l'air libre en raison de l'absence de système d'assainissement, du coût élevé des latrines à fosse et du manque d'eau. Les membres de la communauté ont été formés à l’utilisation des toilettes. Ils ont également participé à la construction les toilettes et les bacs à compost, et intégré les systèmes dans les ménages, 50 à la fois, à un dixième du coût des latrines à fosse (JENKINS, 2018).

Les toilettes peuvent être situées à l'intérieur, où elles sont plus confortables et sécurisées. Elles sont autogérées et utilisent principalement des coques de riz comme matériau de couverture. Avec un taux de défécation à l'air libre de 70% avant le début du projet, les ménages utilisant ces toilettes ont à présent un taux de défécation à l'air libre presque nul. Le compost résultant est utilisé pour produire de la nourriture.

Du retour d’expérience de GiveLove, il ressort que les matériaux de couverture peuvent inclure la sciure de bois, les coques de riz, la bagasse de canne à sucre, des herbes, des feuilles, le coco, le marc de café et d'autres matériaux semi-secs à grains fins dérivés de plantes ou de sous-produits végétaux tels que le papier et le carton. Un matériau de couverture bien utilisé bloque complètement les odeurs et les mouches, permettant ainsi aux toilettes d'être situées presque n'importe où, y compris, par exemple, juste à côté d'un lit. Au Nicaragua, la principale source de matériau de couverture provient d'une usine de riz

locale où des balles de riz ont été mises à la disposition, stockées à l'extérieur et exposées à la pluie pour permettre une hydratation et une augmentation de l'activité biologique.

Il apparaît cependant que certains matériaux de couverture fonctionnent mieux que d'autres. Par exemple, la bagasse de canne à sucre contient des résidus de sucre qui facilitent l’activité microbienne et la montée en température (TØNNER-KLANK et al., 2007). La taille des particules dans le matériau de la couverture de toilette est également importante. Par exemple, les sous-produits du bois comprennent généralement de la sciure de bois et des copeaux de bois. La sciure de bois est un bon matériau de couverture en raison de sa petite taille de particule qui permet une surface maximale sur laquelle les micro-organismes peuvent se développer, en particulier lorsqu'il y a un peu d'humidité dans le matériau, comme lorsque la sciure de bois est fabriquée à partir de bûches avec sève résiduelle. L'humidité facilite le développement des biofilms autour des particules de bois où les bactéries et autres micro-organismes peuvent se multiplier. Les copeaux de bois, quant à eux, se composent de particules de bois nettement plus grosses, qui présentent donc une surface spécifique moindre et sont moins accessibles aux bactéries. Leur grande taille peut augmenter les pertes thermiques et empêcher la montée en température du compost. Dans ce cas, il est nécessaire d’ajouter davantage de matières vertes et de restes de nourriture. GiveLove recommande d’attendre 9 à 12 mois après remplissage d’un bac avant d’utiliser le compost. La température doit être retombée à l’ambiante et des essais de germination de semences doivent montrer l’absence d’inhibition.

Mais là encore, l’absence de données financières et d’informations relatives à la pérennité de cette opération, ne permettent pas de se prononcer sur la durabilité de ce programme.