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CHAPITRE 2  : L’ÉMERGENCE DE REDD+

2.2 Situation des forêts du monde

La déforestation n’est pas un phénomène nouveau et l’exploitation forestière est exercée depuis toujours. Cependant, avant l’avènement de l’ère industrielle, il existait un équilibre entre l’exploitation de la ressource forestière disponible et les besoins des populations. Cependant, l’industrialisation qui débute à ce moment ainsi que l’explosion démographique entrainent une demande accrue en biens de toutes sortes, dont le bois. Selon la FAO, il existe une corrélation positive entre l’augmentation de la population et le taux de déforestation (Voir Annexe 2, Figure 1) (FAO, 2012, p. 11). De ce fait, à cette époque, le taux de déforestation est beaucoup plus important dans les pays développés concernés par ces changements socioéconomiques. Cette situation s’explique par l’accroissement du développement économique et l’expansion de l’agriculture qui sont les principales causes de l’augmentation de la déforestation (FAO, 2012, p. 12). Les pays tropicaux en développement, tout comme les pays développés, ont eux aussi vu leur taux de déforestation augmenter depuis le début du vingtième siècle. Cette situation est aussi le résultat de la croissance économique (Figure 2.3).

Tiré de : FAO (2012). Situation des forêts du monde 2012. In FAO. http://www.fao.org/docrep/016/i3010f/i3010f00.htm (page consultée le 23-09-2013).

2.2.1 Déforestation et dégradation forestière

Historiquement, les forêts couvraient environ 47 % de la surface planétaire (PNUE, 2014, p. 12). Actuellement, la surface forestière mondiale représente environ 4 milliards d’hectares, ce qui correspond à 31 % des terres de la planète (FAO, 2010, p. 11 ; GIEC, 2007 ; La Banque Mondiale, 2015). Cette diminution du couvert forestier est principalement attribuable à la déforestation des forêts tropicales (PNUE, 2014, p. 12). Ainsi, la FAO estime la perte de surface forestière à 13 millions d’hectares (Mha) par an entre 2000 et 2010 et à 16 Mha par an pour les années 1990 (FAO, 2011, p. 3). De ce fait, depuis 1990, la superficie forestière mondiale a diminué de 290 Mha, soit un peu plus que la taille de l’Argentine (277 Mha). Par contre, la FAO observe aussi une diminution des pertes de surface forestière entre 2000 et 2010, soit 3 Mha par année de moins qu’en 1990 :

« En même temps, le boisement et l’expansion naturelle des forêts dans certains pays et zones ont considérablement réduit la perte nette de superficie forestière au niveau mondial. La variation nette de superficie forestière entre 2000 et 2010 est estimée à -5,2 millions d’hectares par an (ce qui correspond à peu près à la taille du Costa Rica), alors qu’elle se situait à -8,3 millions d’hectares par an de 1990 à 2000. » (FAO, 2011, p. 3)

Cependant, l’augmentation des aires de forêt se situe en majorité dans les régions tempérées, boréales ainsi que dans les pays émergents, alors que la déforestation persiste toujours dans les tropiques (FAO, 2010, p. 19 ; FAO, 2011, p. 3). Dans son rapport sur l’évaluation des ressources forestières (2010), la FAO établit un classement des dix pays ayant subi les pertes annuelles nettes de superficie forestière les plus importantes entre 1990 et 2010 (Tableau 2.2). Ainsi, ces dix pays représentent trois régions tropicales importantes, soit l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Asie du Sud et du Sud-est. En Amérique du Sud, une réduction de 9 % de la surface forestière a été enregistrée pour cette période, soit 88 Mha de forêt. Cette région enregistre pour la première fois de son histoire moins de 50 % de superficie forestière sur son territoire. En Afrique, 10 % des forêts auraient disparu et été converties à d’autres usages comme pour l’agriculture et les pâturages. Cela représente environ 75 Mha de superficie forestière. L’Asie du Sud et du Sud-est enregistre aussi des pertes de surface forestière importantes, soit 31 Mha. Or, si la superficie des forêts du monde continue de diminuer de 5,2 % par an, elles auront disparu d’ici 775 ans (FAO, 2010, p. 19 ; FAO, 2012, p. 20).

Tableau 2.2

Tableau représentant les dix pays ayant subi la perte annuelle nette de superficie forestière la plus élevée entre 1990 et 2010.

Tiré de : FAO (2010). Évaluation des ressources forestières mondiales 2010 : Rapport principal. Étude FAO : Forêts 163. In FAO.

FAO. http://www.fao.org/docrep/013/i1757f/i1757f.pdf (page consultée le 3-10-2013).

Ainsi, comprendre les causes et les mécanismes des facteurs de déforestation et de dégradation forestière est essentiel afin de mettre en place un mécanisme de réduction de la déforestation et de la dégradation forestière intégré dans les décisions de la Convention. La REDD+ est un mécanisme d’atténuation mis en place afin d’atteindre, entre autres, ces objectifs (FCCC/CP/2010/7/Add.1, décision 1/CP.16 ; IFDD, 2014a, p. 76).

2.2.2 Contribution de la déforestation et de la dégradation forestière dans les

changements climatiques

Bien que les forêts tropicales constituent des puits de carbone importants, les activités forestières sont responsables d’une partie des émissions du CO2 anthropique. Ainsi, le changement d’affectation14 des terres est la deuxième cause de libération de CO2 après l’utilisation des combustibles fossiles (GIEC, 2013b, p. 11). Dans son cinquième rapport, le GIEC établit que 10 % des émissions totales de CO2 anthropique y sont attribuables. Le bilan cumulatif du carbone émis par le changement d’affectation des terres, principalement la déforestation pour la période allant de 1759 à 2011, est de 160 PgC15 soit 30 PgC de plus que la capacité des écosystèmes terrestres (GIEC, 2013a, p. 486, 487). Le tableau 2.3 démontre que les puits de carbone terrestres et océaniques ont une limite d’absorption, ce qui explique l’accumulation de 240 PgC atmosphériques pour cette période.

14 Conversion d’une terre boisée en terre non boisée (GIEC, 2000, p. 5).

Tableau 2.3

Bilan global de l’accumulation du CO2 atmosphérique anthropique depuis la révolution industrielle (1750) jusqu’en 2011

Tiré de : GIEC (2013). Carbon and Other Biogeochemical Cycles. In GIEC, The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (chapitre 6, p. 465-570). Cambridge et New York, Cambridge University Press.

Par conséquent, la déforestation et la dégradation des forêts tropicales sont un obstacle au rôle que jouent les forêts dans la séquestration du carbone atmosphérique. En effet, le changement d’affectation des terres transforme ces réservoirs en source de carbone (GIEC, 2013b, p. 96) puisque la combustion et la décomposition des végétaux entrainent la libération du carbone emmagasiné dans la biomasse. Les impacts sont importants sur le cycle du carbone, puisque ces conversions des forêts entrainent la libération du carbone, une diminution des surfaces forestières et donc une diminution des puits de carbone. Ce qui a pour résultat une augmentation du CO2 atmosphérique et une diminution de la quantité de carbone séquestrée dans la biomasse (GIEC, 2013b, p. 96 ; PNUE, 2014, p. 12).

« La concentration du dioxyde de carbone a augmenté de 40 % depuis l’époque préindustrielle. Cette augmentation s’explique en premier lieu par l’utilisation de combustibles fossiles et en second lieu par le bilan des émissions dues aux changements d’utilisation des sols. Les concentrations de CO2, CH4 et N2O dépassent désormais fortement les plus hautes valeurs de concentrations enregistrées dans les carottes de glace pour les 800 000 dernières années. » (GIEC, 2013c, p. 11)

Aussi, le CO2 est le principal responsable de la hausse des températures (GIEC, 2013c, p. 28) et l’augmentation de sa concentration atmosphérique nécessite une plus grande capacité des puits de carbone à le séquestrer. Par contre, les surfaces forestières tropicales sont en constante diminution et cette situation est particulièrement préoccupante dans les tropiques où les taux de déforestation et de dégradation sont plus importants. Comme le démontre la figure 2.4, une baisse de carbone dans la biomasse est enregistrée pour les régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. En effet, comme mentionné à la section 2.2.1 (Tableau 2.2), ceux-ci font partie des endroits les plus touchés par la déforestation.

Tiré de : FAO (2010). Évaluation des ressources forestières mondiales 2010 : Rapport principal. Étude FAO : Forêts 163. In FAO.

FAO. http://www.fao.org/docrep/013/i1757f/i1757f.pdf (page consultée le 3-10-2013).

Figure 2.4 Tendance des stocks de carbone dans la biomasse forestière entre 1990 et 2010

Ainsi, depuis plusieurs années, la communauté internationale est consciente de la contribution des activités forestière dans l’augmentation des GES et de l’importance du rôle que jouent les forêts dans la lutte aux changements climatiques. C’est pourquoi, afin de ralentir le taux de déforestation et de dégradation forestière, il est primordial d’identifier les facteurs qui encouragent le maintien et l’augmentation de ces activités.

2.2.3 Facteurs de déforestation et de dégradation forestière dans les pays en

développement « tropicaux »

Selon la littérature, il parait évident qu’il faut réduire le taux de déforestation et de dégradation forestière, notamment dans les pays en développement tropicaux. Pour ce faire, il est important d’en comprendre les causes, qui sont multiples et différentes selon les régions. En effet, les facteurs de déforestation et de dégradation forestière varient d’un pays à l’autre et dans le pays lui-même. Ainsi, ces facteurs sont locaux puisque la superficie de surfaces forestières, la vitesse de la déforestation et de la dégradation (ex. expansion de l’agriculture, incitation à l’abattage, etc.), les difficultés locales ainsi que les politiques forestières mises en place diffèrent selon le pays, mais aussi selon ses régions (FAO, 2012, p. 19 ; Angelson et autres, 2010, p. 4). Les causes de la déforestation et de la dégradation sont multiples, mais celles qui prédominent surtout sont des facteurs économiques et des politiques institutionnels qui entrainent l’expansion de l’agriculture, l’exploitation forestière et l’expansion des infrastructures (CCNUCC, 2006, p. 3). Par exemple, des incitations économiques, des régimes fonciers complexes ou inexistants, une structure de gouvernance qui ne répond pas aux besoins ou une structure politique faible sont tous des variables qui contribuent à augmenter les taux de déforestation (Angelsen et autres, 2010,

p. 153). La CCNUCC reconnait plusieurs facteurs de déforestation et de dégradation forestière qui sont exposés dans le tableau suivant selon l’importance accordée par les Parties. Aussi, des organisations comme le PNUE et le Forum intergouvernemental sur les forêts identifient d’autres facteurs comme : la croissance et la densité de la population, la pauvreté, l’insécurité de la propriété foncière, la sous- évaluation des produits forestiers, le manque de participation et l’insuffisance des capacités (ONU, 2000, paragr. 58 ; PNUE, 2014, p. 33-39).

Tableau 2.4

Facteurs de déforestation et de dégradation des forêts

Facteurs de déforestation et de dégradation forestière

Conversion des forêts pour l’agriculture Récolte du bois comme combustible (charbon de bois)

Mauvaise gestion des forêts comprenant les coupes sélectives et la surexploitation Feux et combustion de la biomasse

Pression de la population

Expansion de l’urbanisation et des infrastructures (ex. électricité et route), réglementation

Abattage illégal

Politiques et lois qui entrainent la conversion des terres Exploitation des ressources minières

Tiré de : CCNUCC (2006). “Scientific, socio-economic, technical and methodological issues related to deforestation in developing countries.” Background Paper for the Workshop on Reducing Emissions from Deforestation in Developing Countries. In UNFCCC,

UNFCCC. http://unfccc.int/land_use_and_climate_change/lulucf/items/3757.php (Page consultée le 11-8-2015).

Afin de réduire les taux de déforestation et de dégradation forestière, il est possible d’intervenir sur ces facteurs, comme en restructurant les marchés, en développant de nouvelles technologies et en développant les infrastructures et les institutions (Angelson et autres, 2010, p. 127). Cela fait déjà plusieurs années que les discussions et les négociations sont entamées dans les négociations internationales sur la question de la situation des forêts. Dès la Conférence de Rio (1992), les parties prenantes tentent de trouver des solutions afin de réduire la déforestation dans les pays tropicaux. En effet, la Conférence de Rio se trouve être le point de départ du débat international sur la gestion durable des forêts et donnera naissance au principe de gestion durable des forêts ainsi qu’à l’émergence du mécanisme REDD+.