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CHAPITRE 2  : L’ÉMERGENCE DE REDD+

2.3 L’apparition de REDD+ dans les travaux de la CCNUCC

2.3.1 Le rôle du Protocole de Kyoto dans l’émergence de REDD+

Suite à la Conférence de Rio, le débat sur la gestion durable des forêts est lancé et des études du GIEC viennent appuyer scientifiquement cet enjeu. Effectivement, ce groupe d’experts vient démontrer scientifiquement le rôle que jouent les forêts dans l’augmentation des GES, mais aussi l’importance de celles-ci comme moyen d’atténuation.

Lors du deuxième rapport du GIEC (1995), celui-ci mentionne que l’évolution du climat, c’est-à-dire l’augmentation des GES atmosphériques, serait en partie imputable aux activités humaines telles que l’utilisation des combustibles fossiles, la modification de l’occupation des sols et l’agriculture (GIEC, 1995, p. 4). En effet, une des solutions proposées afin de diminuer les émissions de GES est la gestion des forêts, des terres agricoles et des prairies (GIEC, 1995, p. 41). D’ailleurs, selon le Rapport spécial du GIEC : utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie, publié en l’an 2000, 20 % des émissions de CO2 seraient dues aux changements d’affectation des terres et la capacité de fixation des écosystèmes terrestres serait de 30 %.

Prenant conscience du rôle crucial des forêts dans la lutte aux changements climatiques comme moyen d’adaptation et d’atténuation, les Parties au Protocole de Kyoto se lancent dans un débat sans précédent par rapport à cet enjeu. À ce moment, les négociateurs réalisent que les forêts ont le potentiel de réduire

les émissions de GES. C’est alors que les pourparlers s’amorcent par rapport à l’adoption d’activités visant la réduction des émissions liées à l’utilisation des terres, aux changements d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) via le mécanisme de développement propre (FAO, 2011, p. 65). Le mécanisme de développement propre est un mécanisme de réduction des émissions mis en place afin d’aider les pays en développement (pays non annexe 1 de la CCNUCC) à mettre en œuvre un développement durable sur leur territoire afin de contribuer à l’objectif ultime de la CCNUCC et d’aider les pays développés (pays de l’annexe 1 de la CCNUCC) à atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions (Protocole de Kyoto, 1997, art.12) :

« L’objectif ultime de la présente Convention et de tous les instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable. » (CCNUCC, 1992, art.2)

Les pays en développement peuvent participer aux réductions d’émissions (UTCATF) du mécanisme de développement propre via trois activités : boisement-reboisement, déboisement et gestion des forêts (FAO, 2011, p. 65).

L’inclusion de l’UTCATF dans le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto est la première disposition prise visant la réduction des émissions liées à la déforestation (FAO, 2011, p. 64-65). Les éléments que constitue l’UTCATF sont négociés lors des Conférences des Parties entre 1997 et 2001 et sont adoptés par la suite lors de la Conférence de Marrakech en 2001. Cela comprend des projets de boisement16 et reboisement17, mais n’inclut pas les forêts naturelles ainsi que la déforestation, la principale source responsable des émissions (Schlamadinger et autres, 2007, p. 272).

Par contre, l’inclusion de l’UTCATF n’est pas une tâche simple lors des négociations et fait place à un vif débat. En effet la position des parties prenantes par rapport à l’inclusion des forêts est divisée. Certains ne veulent pas l’inclusion des forêts dans le mécanisme de développement propre, d’autres sont en faveur, mais pour les plantations et l’agroforesterie seulement et certains sont pour l’adoption d’un mécanisme de déforestation évitée (Voir Annexe 1, Tableau 2,). Ainsi, cette situation ralentit le processus de négociation et mène presque à un échec des négociations pour cet enjeu (Pistorius, 2012; Besten,

16 Boisement : conversion anthropique directe en terres forestières de terres qui n’avaient pas porté de forêts pendant au moins

50 ans par plantation, ensemencement et/ou promotion par l’homme d’un ensemencement naturel (FCCC/CP/2001/13/Add.1, projet de décision -/CMP1, ANNEXE : définitions).

17 Reboisement : conversion anthropique directe de terres non forestières en terres forestières par plantation, ensemencement et/ou

promotion par l’homme d’un ensemencement naturel sur des terrains qui avaient précédemment porté des forêts, mais qui ont été converties en terres non forestières. Pour la première période d’engagement, les activités de reboisement seront limitées au seul reboisement de terres qui ne portaient pas de forêts à la date du 31 décembre 1989 (FCCC/CP/2001/13/Add.1, projet de décision - /CMP1, ANNEXE : définitions).

2014). Il existe plusieurs raisons qui expliquent ces différentes prises de position, mais celle qui est soulevée par de nombreux auteurs est la difficulté de mesurer les émissions de GES liées à la déforestation et la complexité d’inventorier les stocks de carbone forestiers (Fearnside, 2001 ; FIELD, 2013 ; Schlamadinger et autres, 2007 ; Wainwright et autres, 2008). Ainsi, en 1997, le texte du Protocole de Kyoto n’établit pas de règles sur la façon dont l’UTCATF sera incorporé dans le marché du carbone. Il faudra attendre la Conférence des Parties de Marrakech, en 2001, pour voir un cadre de mise en œuvre de l’UTCATF s’implanter qui inclut les activités de boisement et reboisement, mais pas la comptabilisation des stocks de carbone forestiers (Accord de Marrakech, FCCC/CP/2001/13/Add.1 projet de décision /CMP1, art (1) (d) ; FAO, 2011, p. 65 ; Schlamadinger et autres, 2007, p. 272). Ainsi, comme il a été discuté, la difficulté d’inventorier les stocks de carbone forestiers explique en partie l’exclusion d’un mécanisme de déforestation évitée dans le Protocole de Kyoto et va stimuler la recherche de solutions pour les pays en développement. Cette réflexion va mener la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Costa Rica, en 2005, à faire la première proposition d’un mécanisme de réduction des émissions liées à la déforestation (RED) en 2005, lors de la Conférence des Parties de Montréal (FIELD, 2013; FCCC/CP/2005/MISC.1).

2.3.2 L’évolution des négociations de la Conférence des Parties au titre de la CCNUCC :