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CHAPITRE 2  : L’ÉMERGENCE DE REDD+

2.1 Rôle des forêts

Les forêts contribuent de plusieurs façons à l’équilibre naturel de la planète et elles procurent de nombreux services à la population mondiale. Par exemple, elles jouent un rôle dans la régulation du climat, elles offrent un milieu de vie à des milliers d’espèces de tout le règne du vivant, en plus de fournir des ressources essentielles pour notre survie (ex. matières premières). Ces bénéfices que nous procurent les forêts sont des services écosystémiques rendus par celles-ci qui fournissent bon nombre d’avantages pour l’humanité (PNUE, 2014, p. 23 ; Millennium Ecosystem Assessment, 2005, p. vi).

Or, un des rôles importants joués par les forêts est la régulation du climat grâce à la capacité des végétaux à fixer le carbone atmosphérique via le processus de la photosynthèse. Ainsi, les forêts sont des acteurs-clés dans la régulation du climat grâce à leurs rôles dans le cycle du carbone et leur capacité à

fixer le CO2 excédentaire provenant des activités humaines (GIEC, 2013b, p. 96). Selon le dernier rapport du GIEC, les océans et les écosystèmes terrestres fixent environ la moitié du CO2 atmosphérique anthropique à presque égalité de parts. Par exemple, des 555 GtC10 accumulés entre 1750 et 2011, 155 GtC ont été absorbés par les océans et 160 GtC par les écosystèmes terrestres (GIEC, 2013b, p. 12).

Cependant, les puits de carbone terrestres que constituent les forêts peuvent aussi devenir des émetteurs de CO2. En effet, les activités forestières contribuent à la libération du CO2 emmagasiné dans la biomasse et place ce secteur d’activité au rang de deuxième émetteur de CO2, tout juste derrière l’utilisation des combustibles fossiles (GIEC, 2013c, p. 11 ; GIEC, 2014, p. 9). C’est pourquoi, depuis les vingt dernières années, on s’intéresse de près au potentiel d’atténuation des forêts dans la lutte aux changements climatiques. En effet, depuis 2005, les forêts sont considérées comme un moyen d’atténuer les changements climatiques et des mécanismes sont mis en place suite aux décisions adoptées lors des Conférences des Parties de la CCNUCC. Par exemple, le mécanisme REDD+ est le résultat de plusieurs années de négociation et se trouve actuellement un des mécanismes d’atténuation élaborés par la CCNUCC afin de réduire la libération de CO2 résultant de la déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en développement.

Par conséquent, et afin de bien comprendre l’importance des forêts dans la lutte aux changements climatiques, il faut prendre en compte plusieurs aspects, dont la notion de services écosystémiques, le cycle du carbone ainsi que les impacts de la déforestation et de la dégradation forestière.

2.1.1 Services écosystémiques

Bien que la notion de service écosystémique (aussi appelé services environnementaux ou écologiques) apparaisse en 1970 dans le Study of Critical Environmental Problems, il faut attendre près de trente ans pour que celle-ci soit bien définie et apportée au programme politique international (PNUE, 2014, p. 23 ; Méral, 2012, p. 4-5). C’est pour faire suite au rapport d’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire effectué par le World Resources Institute en 2005 que cette notion est finalement intégrée au programme politique internationale (PNUE, 2014, p. 23). Ainsi, selon l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, les services écosystémiques se définissent comme les bénéfices procurés aux hommes provenant des écosystèmes. Ces services se divisent en quatre catégories soit : support, culture, approvisionnement et régulation. La catégorie « support » comprend la formation des sols, le cycle des nutriments et la photosynthèse. La catégorie « culture » inclut des bénéfices d’ordres spirituel, récréatif et esthétique. La catégorie « approvisionnement » comprend l’utilisation des ressources comme la nourriture, l’eau et le bois. La dernière catégorie, « régulation », englobe plusieurs aspects, dont la qualité de l’air et la régulation du climat (Millenium Ecosystem Assessment, 2005, p. v; PNUE, 2014, p. 23) (Tableau 2.1).

Tableau 2.1 Services écosystémiques.

Services écosystémiques : Bénéfices

Régulation Support Approvisionnement Culture

Régulation du climat Qualité de l’air Régulation de l’eau Érosion des sols Pollinisation

Régulation des maladies

Habitat Photosynthèse Cycle des nutriments Formation des sols

Nourriture Eau Matière première Combustible Fibre et bois Éducation Spirituel Esthétique Récréatif Science

Inspiré de : FAO (2014). Situation des forêts du monde : mieux tirer parti des avantages socioéconomiques des forêts. In FAO. FAO. http://www.fao.org/forestry/sofo/fr/ (Page consultée le 20-6-2015) ; Millennium Ecosystem Assessment (2005). Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. In Millennium Ecosystem Assessment, Évaluation des écosystèmes pour le millénaire : aperçu des

rapports. http://www.millenniumassessment.org/fr/index.html (Page consultée le 6-3-2015) ; PNUE (2014). Forest in changing

Climate: A Sourcebook for Integrating REDD+ into Academic Programme. In UNEP. UNEP Knowledge Repository. http://www.unep.org/Training/docs/Forest_in_a_Changing_Climate.pdf (page consultée le 01-06-2015).

Afin de maintenir ces services écosystémiques, la mise en place d’une gestion durable des écosystèmes et la préservation de la biodiversité est essentielle. Pour y parvenir, il existe plusieurs options possibles, dont la certification forestière, la conservation des forêts, le mécanisme de développement propre et de REDD+, pour ne nommer que ceux-là.

Ainsi, depuis la Conférence des Parties de Bali en 2007, on reconnait que la mise en place de REDD+ peut avoir d’autres retombées positives sur la protection des forêts (décision 2/CP.13). Par contre, on ne précise pas quelles sont ces retombées positives, mais l’objectif principal de REDD+ est de conserver ou d’améliorer les surfaces forestières dans les pays en développement. Ainsi, il est possible de déduire que certaines des activités de REDD+ ont le potentiel de maintenir ou d’améliorer les services écosystémiques. En effet, selon les auteurs Dickson et Osti, les services écosystémiques sont des bénéfices potentiels apportés par la mise en place d’un mécanisme de REDD+ (Dickson et Osti, 2010, p. 2). Toujours selon ces auteurs, les principaux bénéfices résultant de la mise en œuvre d’un mécanisme de REDD+ sont : la biodiversité, la régulation du climat, l’approvisionnement et la régulation de l’eau, la conservation des sols ainsi que les produits forestiers du bois et ceux ne provenant pas du bois (Dickson et Osti, 2010, p. 3-4).

Donc, comme mentionné précédemment, le principal objectif de REDD+ est de contribuer à l’atténuation des changements climatiques en maintenant ou en augmentant les surfaces forestières dans les pays en développement. Ainsi, le rôle que jouent les forêts dans la régulation du climat est un service écosystémique rendu par celle-ci, et c’est justement sur cet aspect précis qu’intervient le mécanisme REDD+ (PNUE, 2014, p. 23). En effet, grâce au rôle des végétaux dans le cycle du carbone, il est possible d’accroitre la séquestration de CO2 anthropique par l’augmentation ou la préservation des surfaces forestières.

Par ailleurs, la compréhension du cycle du carbone est essentielle pour comprendre l’émergence, le fondement et le fonctionnement de REDD+. Ce processus ainsi que le rôle des forêts dans la lutte aux changements climatiques sont expliqués à la section suivante.

2.1.2 Le cycle du carbone et le rôle des forêts dans la lutte aux changements

climatiques

La partie du cycle du carbone effectuée par les végétaux comprend les processus de la photosynthèse et de la respiration cellulaire qui permettent le mouvement du CO2 entre l’atmosphère et le milieu terrestre (Figure 2.1). Lors de la photosynthèse, les végétaux absorbent le CO2 par de minuscules pores (stomates) et l’assimilent dans leur biomasse (Campbell, 1995, p. 1142). Grâce à la capacité des végétaux à fixer le carbone atmosphérique, les forêts contribuent à réduire sa concentration et aussi à diminuer les émissions de GES (GIEC, 2013b, p. 96). Aussi, les jeunes forêts en croissance constituent des puits de carbone importants, car elles ont la capacité d’absorber le carbone tandis que les forêts matures agissent plutôt comme réservoirs étant donné leur capacité d’accumuler et de libérer le carbone11 (Campagna, 1996, p. IV ; Angelsen et autres, 2013, p. 445). Selon le Rapport spécial du GIEC, Utilisation des terres, changements d’affectation des terres et foresterie, le carbone séquestré dans les puits terrestres (ex. forêt) représentait environ 1,9 Gt C/an12 entre 1980 et 1998, et 1,6 Gt C/an entre 1989 et 1998 (GIEC, 2000, p. 5).

Tiré de : Campagna, M. (1996). Le cycle du carbone et la forêt : de la photosynthèse aux produits forestiers. In Gouvernement du Québec. Forêts, faune et parcs Québec : publications. http://www.mffp.gouv.qc.ca/guichet/publications/index.jsp (Page consultée le 27-8-2015).

Figure 2.1 Réservoirs et mouvement du carbone qui constituent son cycle global

11 Cinq types de réservoirs forestiers de carbone sont reconnus par l’accord de Marrakech : la biomasse aérienne, la biomasse souterraine, le bois mort, la litière et le carbone organique des sols (Angelsen et autres, 2013, p. 445).

De plus, la capacité de fixation du carbone varie selon le type de forêt (figure 2.2). Par exemple, les forêts tropicales fixent le carbone plus rapidement et en plus grande quantité que les autres écosystèmes. Elles sont responsables d’environ 33 % de la productivité primaire nette13 de la planète (Bonan, 2008, p. 1445), ce qui représente plus du tiers de la croissance végétale mondiale. Ainsi, la forte croissance présente dans les forêts tropicales explique sa grande capacité à séquestrer le carbone (PNUE, 2014, p. 10-11).

Tiré de : PNUE (2014). Forest in changing Climate: A Sourcebook for Integrating REDD+ into Academic Programme. In UNEP.

UNEP Knowledge Repository. http://www.unep.org/Training/docs/Forest_in_a_Changing_Climate.pdf (page consultée le 01-06-

2015).

Figure 2.2 Séquestration du carbone par type de forêts

De ce fait, les forêts tropicales constituent des puits de carbone importants pour la planète ayant un grand potentiel d’atténuation et sont actuellement une des solutions envisagées en développement à travers les travaux de la Conférence des Parties de la CCCNUCC et du protocole de Kyoto (REDD+ et le Mécanisme de développement propre) dans la lutte aux changements climatiques. En effet, les forêts tropicales jouent un rôle important dans la régulation du carbone total, car elles assimilent 50 % plus de carbone par unité de surface que les régions tempérées et les forêts boréales (CCNUCC, 2006, p. 7 ; PNUE, 2014, p. 33).

Ainsi, le rôle des forêts dans la lutte aux changements climatiques est principalement la séquestration d’une partie du carbone atmosphérique d’origine anthropique, ce qui entraine une diminution de la concentration de CO2 et permet ainsi de stabiliser la température.

13 « La productivité primaire nette correspond à l’accumulation de matière organique que nous appelons croissance végétale. » (Campbell, 1995, p. 1136).

Par contre, le rôle des forêts est actuellement menacé par la déforestation et la dégradation qui sévit dans les pays tropicaux. Un portrait de la situation est abordé à la section suivante afin de comprendre toute l’importance et la pertinence de la mise en place de REDD+.