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7. La Ville de Lausanne

7.2. Le projet de valorisation du bois

7.2.2. La situation des forêts lausannoises

Après ces réflexions générales, il convient de revenir sur la situation forestière lausannoise.

Au moment de la mise en place de l’Agenda 21, le secteur du bois à Lausanne avait un besoin urgent d’être rentabilisé. En effet, comme le disait Daniel Brélaz dans le point précédent, alors que les forêts fournissaient à Lausanne, jusque dans les années 1860, des revenus importants qui exemptaient ses habitants de l’impôt communal, elles conduisent actuellement à un déficit moyen de deux millions de francs par an.

En 2000, lors du premier préavis, les forêts lausannoises s'étendaient sur 1966 hectares, dont 1546 hectares sur le territoire communal (37% de la surface totale). La gestion forestière demandait environ 63'000 heures de travaux par année. Elle occupait une vingtaine d'employés de la Ville et une dizaine de personnes issues d'entreprises privées travaillant sur mandat. Cela impliquait environ 30 équivalents temps plein (ETP).

Image : FoDoVi

Michel Reichard nous explique qu'en 1996, lorsqu'il reprit le Service des forêts, domaines et vignobles (FoDoVi), personne ne parlait d’Agenda 21. On n’était pas encore dans cette problématique. En 1995, René Badan, alors chef du service, avait décidé, juste avant de partir, de faire valider un plan de gestion des forêts lausannoises par la Municipalité et le Conseil d’Etat. Celui-ci garantissait “le respect des exigences légales en matière de rendement soutenu et permettait à la Ville de Lausanne d'exploiter environ 15'000 m3 de bois chaque année”117. Il se rendait compte que les forêts lausannoises étaient avant tout des lieux d’agrément. Selon lui, le fait de ne pas les valoriser n’était donc pas catastrophique mais il fallait en revanche les entretenir parfaitement afin de pouvoir les mettre à disposition du public.

Michel Reichard, à son arrivée à la tête du service, avait une approche un peu différente de la situation. Partisan de la mixité écologie-économie, il considérait qu’il y avait certes des biotopes particuliers à mettre en valeur et laisser tranquilles, mais, juste à côté, des surfaces forestières présentaient un intérêt écologique assez moyen ou faible qu’il était possible d’exploiter normalement sans les massacrer. Il décida, dès lors, de donner une impulsion et d’exploiter au maximum. Lorsqu’on regarde le graphique ci-dessous, on se rend compte que le volume exploité durant cette période ne diminue pas. Il y a, bien sûr, l’événement Lothar, mais si on effectue une régression, on est à la hausse. On arrive presque à 20'000 m3 par an.

Ce sont en revanche les prix qui baissent.

Il est clair que Lothar a favorisé la production mais l’intention de Michel Reichard était d’exploiter les bois valorisables quand ils étaient encore sains et ne pas attendre qu’un ouragan les mette à terre. C’est dangereux pour les ouvriers, la nature n’en profite pas autant qu’on pourrait le croire et l’économie, si on laisse le bois au sol, n’en tire aucun profit.

On remarque très nettement qu’en continuant de cette manière pendant encore dix ans il n'était pas possible de faire des bénéfices; mais cela donnait un signal clair à toute une filière et à toute une région. En effet, il était nécessaire de tenir le coup car, malgré les pertes, cela permettait de maintenir les entreprises de transformation pour garder un savoir-faire local.

Aujourd’hui, avec le prix du pétrole, on se rend compte que le calcul était juste. On commence à se battre pour le bois et les prix remontent.

L’état de la forêt au niveau de sa composition, en vingt ans, a vécu un changement important.

Cela n’est jamais spectaculaire en forêt, parce qu’il faut du temps. Le travail s’effectue toujours sur une centaine d'année (de 80 à 150 ans suivant les essences).

1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Volume (m3)

On peut toutefois dire que Lausanne a toujourd innové en matière de sylviculture. Elle fit ainsi beaucoup d’essais dans ses forêts. Par exemple, de 1898 à 1902, on planta massivement des bois exotiques nord-américains tels que des douglas, des cyprès ou des chamaecyparis qui sont récoltés actuellement. Le Service des forêts s’intéressa aussi beaucoup à la question des résineux et feuillus. A une époque, lorsque la vente de résineux pour les charpentes et la construction rapportait beaucoup d’argent, on ne se demandait pas quelles essences on allait produire. Il était évident qu’on planterait du sapin ou de l’épicéa. En ce temps, la vente de bois permettait même à certaines villes ou villages de ne pas payer d’impôts communaux.

C’était le cas de Vaulion, Montrichez ou Romainmôtier (Lausanne connut le même phénomène au XVIIIe et XIXe siècle). Cependant, dans les années 80, au moment où on arriva dans les chiffres rouges, de nombreuses interrogations se levèrent quant à ce procédé et on commença à réfléchir à la composition des forêts. A Lausanne, cette réflexion commença avec René Badan qui accéda en 1982 à la tête du Service des forêts, domaines et vignobles. Il procéda à une cartographie phytosociologique complète des forêts lausannoises et constata qu’elles n’étaient pas en adéquation avec le modèle “idéal” dans une proportion importante.

En effet, le problème résidait dans le fait qu’il y avait une trop grande proportion de résineux par rapport aux feuillus. Il décida alors de corriger cela par des plantations massives. C’était encore très à la mode à l’époque. Dans les années 80, on plantait entre 50'000 et 70'000 plants par an. Aujourd’hui, on n’en plante que 1'500 et on laisse la nature se rajeunir naturellement.

Les forêts lausannoises regroupent actuellement 50% de feuillus et 50% de résineux alors que la moyenne suisse et de 17% de feuillus et 83% de résineux.

Ce procédé mène peut-être vers une distorsion par rapport au marché, mais il conduit assurément vers des forêts beaucoup plus stables mécaniquement. En mettant l’optimum au niveau du choix des essences sur chaque parcelle, on obtient une meilleure biodiversité et une qualité de bois supérieure car il n’y a rien de pire que la monoculture qui ne peut résister aussi bien qu’une forêt mixte aux attaques de la nature.

Les forêts lausannoises sont donc très différentes mais le corrollaire de cette situation se situe dans le fait que le feuillu n’est plus du tout travaillé dans le canton de Vaud. La plupart du bois est donc exporté et la Ville de Lausanne n'en tire aucune valeur ajoutée.

Graphique : FoDoVi