dans le larynx une sonde élastique et, pressantd'autre partsur
le thorax pour empêcher l'entrée de l'air dans
la poitrine, il
souffle violemment dans la sonde. Les mucosités ne peuvent alors, dit-il, s'échapperque par
la seule voie libre, c'est-à-dire
remonter et être chassées des voies respiratoires. Une telle
affirmation nous paraîtun peu gratuite, etnousdoutons
fort
quela simple pression manuelle puisse ainsi
suffire à empêcher
l'entrée de l'air dans le thorax.
La critique que nous venonsde faire àproposde
l'expulsion
des mucosités s'adresse plus spécialement à l'insufflationprati¬
quée bouche à bouche, et onconçoit facilementque ce
procédé
commode échouera complètement dans le cas d'obstruction
des voies respiratoires parlesmucosités. Dans
l'observation de
Budin citée plus haut, bien que pratiquée pendant trois quarts d'heure, elle a été impuissante
à faire pénétrer l'air dans les
poumons.
Enfin si l'insufflation est une méthode par elle-même effi¬
cace et puissante, elle n'est peut-être pas une
méthode aussi
simple qu'on l'a bien voulu dire, etl'emploi des tubes
insuffla-teurs exige encore une certaine habileté, une certaine
pratique
de la part deceux qui s'en servent. La
théorie
etl'exercice
même sur le cadavre ne sont pas toujours suffisants, et ce reproche, nous l'avons entendu
formuler
pardes médecins
ayant cependantune pratiqueassez grande des
accouchements.
L'étroitesse de la fente glottique, la flaccidité des parties cons¬
tituantes, l'épiglotte qui vients'appliquersur l'orifice
expliquent
suffisament la difficulté de la manœuvre. «Ceux qui ont
in-— 43 —
troduit dit M. Budin, le doigt dans le pharynx d'un enfant,
savent combienest grande alors la flaccidité des organes ; on
ne reconnaît qu'avec la plus grande difficulté l'épiglotte et
l'ouverture supérieure du larynx. Les tissus très mous ne sont pas comme chez l'adulte maintenus rigides par la présence de cartilages résistants, d'où il résulte que pendant
l'insufflation bouche à bouche les parois refoulées s'appliquent
lesunes contre les autres et s'opposent a l'entrée de l'air. » Dans l'insufflation àl'aide d'instruments, cemanque de rigidité
rend difficile la reconnaissance de l'orifice supérieur et l'in¬
troduction de l'insufflateur. Personnellement l'introduction du tube nous a toujours semblé chose très délicate et souvent difficile. Nous sommes allés plus loin, et sur des cadavres de
fœtus,nous avons fait répéterla même manœuvreparplusieurs
étudiants et sage-femmes, et leurs tentatives ont presque
toujours été aussi peu heureusesd'emblée que les nôtres. Le
tableau suivant montre après combien de fois chacun estparvenu à introduire dans le larynx le tube de Ribemorit.
jM.M. B Etudiant 6fois
M » |fois
Mlle D Sage-femme 4 fois
M » i2fois
Ainsi donc ce n'est qu'après plusieurs tentatives variant de 2 à 12 que le tubea pu être convenablement placé à chaque expérience; deux fois même il n'a pu être introduit. On nous
objectera peut-être que nos expériences ont été faites par des
— 44 —
élèves, mais au point de vue qui nous
occupe,combien de
mé¬decins et de sages-femmes ne sontencore que des èlèves. Dans
les maternités,étudiants et sages-femmes sont rarement,pour
ne pas direjamais,exercés à l'introduction du tube
insufflateur
et versés dans la pratique, ils se retrouvent pour la plupart
devant un débutopératoire. Et d'ailleurs dans la pratiquejour¬
nalière les cas graves d'asphyxie sont encore chose assez
rare et l'on fait d'autant moins bien que l'on fait moins sou¬
vent. — N'est-il pas à craindre dès lors qu'une telle méthode
ne donne pas entre les mains de ceux qui l'emploient tout ce
qu'on serait en droit d'attendre d'elle?— N'est-ce pas là la principale source des accidents observés avec l'insufflation : traumatisme, emphysème, fausses routes— sans parler d'une perte de temps quelquefois précieux ?— Sans doute il faut plus
incriminer ici la maladresse de l'opérateur que la défectuo¬
sité de la méthode; n'importe, au point de vue pratique le
résultat est encore le même et la critique subsiste toujours.
Nous voudrions encore adresser une autre critique moins à
la méthode qu'à l'instrumentation. L'un des insufflateurs les plus communément employés est celui de
Ribemont-Dessai-gnes. Or il nous semble que la courbure de ce tube est plutôt
une courbure anatomique qu'une courbure physiologique et
que les mouvements d'abaissement de la langue modifient sen¬
siblement les conditions d'introduction du tube, en particulier
chez les fœtus prématurés ou chétifs. Sous une autre forme
n'est-ce pas le reproche que lui adresse Ollivier. (Annales Policlinique, Paris 1892) : « La partie buccale, dit-il, est
cour-» bée de telle sorte que l'instrument à une hauteur de 47
mili-» mètres,ce qui en rend l'introduction dffficile chez les enfants
» chétifs et nés avant terme. » Une autre critique que lui
adresse cet auteur et qui nous paraît également juste,est « la
» situation de l'œil au niveau de la gorge qui précède le bout
» terminal'et qui rend l'aspiration peu fructueuse et
quelque-)> fois négative. »
Ainsi donc, danger d'introduction des mucosités dans les bronches, difficulté pratique d'application, telles sont les deux grandes critiques dontnous semble passible l'insufflation. On a pu objecter encore que la méthode, surtout dans les cas d'in¬
sufflation bouche abouche, étaitquelque peu dégoûtante; nous laisserons de côté un tel argument; le médecin n'en est plus à compter les pratiqueset les examensplus ou moins répugnants auxquels ilest obligé de selivrer. Quant aux dangers de conta¬
mination tant pour le fœtus que pour l'opérateur, ils ne nous semblent pas constituerune objection sérieuse, car d'une part
il est aujourd'hui démontré que l'air expiré est absolument aseptique,et d'autre part les dangers d'une contaminationpeu¬
vent facilement être évités par quelques précautions.
Pournousrésumer, nousconcluerons quel'insufflation cons¬
titue la méthode de choix dans les formes d'asphyxie blanche,
mais que ses dangers dans la forme asphyxique avec muco¬
sités et sa difficulté pratique d'application la font avantageuse¬
ment remplacer dans cette forme pard'autres méthodes suf¬
fisamment efficaces et dépourvuesdes mêmes inconvénients.
Quoiqu'il en soit, et malgré les quelques critiques précéden¬
tes, nous convenons que l'insufflation possède par elle-même
une efficacité incontestable, qu'elle garde encore la priorité
sur les autres procédés, et qu'elle constitue la méthode de choix, laméthode héroïque par excellence dans lescas graves, de quelque forme qu'ils relèvent.
— 46 —
Méthodes de respiration artificielle.
Avant d'entrer dans l'étude et la critique de chacun des principaux procédés nous voudrions examiner à un point de
vue plus général les indications auxquelles sont susceptibles
de répondre les méthodes de respiration artificielle,et quelles
conditions elles doivent réaliser pour être réellement efficaces.
L'exposé decesconsidérations généralesnouspermettramieux déjuger ensuite chaque méthode.
Nous avons vu à propos de l'insufflation que des deux
formes de mort apparente, la forme blanche était une contre-indication en général absolue à l'emploi des méthodes de res¬
piration artificielle. — La pathogénie de cette forme,presque
toujours liée à des troubles cérébraux ou bulbaires,consécutifs eux-mêmes à des lésions plus ou moins profondes du sque¬
lette ou de la substance nerveuse elle-même, explique suffi¬
samment le rejet de ces méthodes facilement traumatisantes.
Telle n'estcependant pas l'opinion du professeur Grynfellt qui
« considère la forme blanche comme fournissant indication
» à y recourir d'emblée. » Nous verronsàproposde la méthode
de Schultze que des auteurs ont attribué à l'emploi de cette
méthode un certain nombre [de lésions trouvées à l'autopsie;
nous essaierons de montrer que ces critiques sont peut-être exagérées, étant donné surtout la forme particulière à laquelle
on avait affaire. Mais bien que l'expérimentation fasse ici dé¬
faut,et que nous ne puissions fournir d'observation à l'appui,
— 47 —
ils nous paraît rationnel d'admettre à priori que de telles
méthodes ne peuvent avoir qu'un retentissement fâcheux sur des éléments déjà traumatisés, d'unesusceptibilité aussi grande
que celle des centres cérébraux et bulbaires, et en tous cas, que la respiration artificielle peut ici être avantageusement remplacée par l'insufflation, de pratique moins commode sans
doute, mais d'action tout aussi efficace, et qui présente l'avan¬
tage de ne déterminer aucune réaction du côté des autres
organes.
Si nous considérons la forme blanche comme une contre-indication générale à l'emploi des procédés de respiration arti¬
ficielle, nous croyons au contraire que les formes d'asphyxie
bleue en général relèvent essentiellement dece mode de traite¬
ment. Mais ici la respiration artificielle ne conserveratous ses
avantages qu'à certaines conditions. Dans cette forme, presque
toujours résultante de deux ordres decauses, défaut d'oxygène
et obstruction laryngée ou trachéale, l'évacuation des muco¬
sités constitue l'indication première de toute méthode de res¬
piration artificielle.
Le procédé idéal serait doue celui qui à une respiration
artificielle énergique,joindrait l'expulsion des mucosités et la
méthode de choix serà celle qui combinera le plus heureuse¬
ment ces deux indications.
Dans quelle mesure maintenant les principaux procédés de respiration artificielle employés aujourd'hui répondent-ils à
ces conditions ? Nombreuses sont les méthodes et nous n'en¬
trerons pas ici dans le détail où la critique de chacune d'elles.
Sylvester, Marshall-Hall, Pacini, Schultze, Schrœder, Devv, Nunn, Howard, Prochownick, etc... ont tour à tourpréconisé
le procédé idéal à leur avis. De tous ces procédésqui ne dif¬
fèrent souvent entre eux que par de simples modifications de détail, la plupart sont aujourd'hui tombés dans l'oubli ou ont
vu leur pratique limitée à celle de leurs auteurs, et nous vou¬
lons seulement retenir ici ceux de Sylvester et surtout de Schuitze qui restent actuellement les seuls communément em¬
ployés.
Méthode de Sylvester. — Il semble ressortir des faits
publiés que la méthode de Sylvester n'a pas toujours donné
chez l'enfant les mêmes résultats que ceux observés chez l'adulte. Champneys (Expérimental researces in artificial respiration in stillhorn children) attribue les insuccès de lu méthode à la flaccidité des organes et des muscles de l'enfant, augmentée encore ici par le fait de la mort apparente. A un
autre point de vue, il nous semble que cette méthode ne réa¬
lise que la première des deux conditions que nous avons ét
-blies, et qu'elle néglige l'expulsion des mucosités,qui doit faire
ici l'objet d'une manœuvre préalable. « Ce procédé, dit Budin,
n'enlève pas, lui non plus, les mucosités adhérentes. »
Examinons plus en détail la méthode de Schulize.
Méthode de Schuitze. —L'enfant est d'abord maintenu en
bas par les deux mains de l'opérateur, l'index engagé en arrière sous les aisselles, le pouce ramené en avant sur ies
épaules, et les trois autres doigts appliqués sur les côtés de la région dorsale. C'est la position d'inspiration par laquelle il faut toujours commencer. L'opérateur le soulève alors et lui fait décrire une courbe en arc de cercle qui renverse la tête en
bas et porte le siège plus haut que l'extrémité céphalique, la figure du fœtus regardant en arrière. Dansce mouvement, les
mucosités de l'arrière-gorge seraient chassées, et l'expiration
faite par la compression des viscères abdominaux.
L'opérateur abaisse ensuite l'enfant en décrivant un grand
arc de cercle à l'inverse du précédent. Ce double mouvement d'élévation et d'abaissement serait reproduit douze à quinze
fois par minute.
— 49 —
Les oscillations de Schultze ont été tour à tourtrop prônées
ou trop attaquées. En Allemagne, ellessont restées la méthode
de choix ; en France, elles ont été l'objet de nombreuses critiques etleur usage est aussiplus restreint.
Sans insister sur une série de critiques plutôt extra-scienti¬
fiques adressées à la méthode: impression péniblesur l'entou¬
rage,possibilité d'une chute de l'enfant, fracture de la clavicule,
de l'humérus, etc., nous nous placerons encoredans l'examen
de cette méthode au double point de vue indiqué plus haut.
Réalise-t-elle une respiration artificielle énergique en même temps que l'expulsion des mucosités ?
Les faits observés permettent de répondre que la première
indication estabsolument remplie. Sans doute certains auteurs,
Hoffmann et après lui Nobiling et Ahlfeld, ont mis en doute
l'efficacité de la méthode au point de vue de l'introduction de
l'air dans les poumons; mais de telles assertions, résultat d'expériences physiologiques peut-être discutables, sont con¬
tredites parles faits observés, et d'ailleurs aux expériences de
ces auteurs, on pourrait opposer cellesde Schauta, Sommer, Fritsch, Runge qui ont partaitement observé l'aération du
poumonaprès les oscillations de Schultze. Certainsauteurs ont
Schauta. —Experimentelle Studien iiber der Effekt der Schutzs'chen Schwingungen zur Wiederlebung asphyktischer Neugeborener (Wiener
médical Blâtter, 1881-2930,
Sommer. — Ein neuer Beitrag zur Frage von der Stichaltigkeit der Lungenschwimmprobe.
Hoffmann. — Wiener médical Blatt (1884n° 34). Wienermédical Wo-chenschrift. (1885-10).
Nobiling. —Wiener medkal Wochenscbrift. (1885-8).
Alhfeld.— Deutsche meuizmische Wochenscbrift. (1885-28).
Torgler. — Experimeuielle Studien uber den Werth der verscbiedenen metboden kùnstlicberAtbmungbei asphyktischenNeugeborenen (Wiener
médical Blâtter, 1885-8-9-10.)
V D
— 50 —
même étéplus; loin ils ont trouvé cette premièrecondition trop
bien remplieet ils ontattribué à une introduction tropviolente
de l'air par la méthode de Schultze certains accidents observés
à l'autopsie ; déchirure du poumon, perforation de la plèvre, etc., (Runge).
Nous verrons plus loin ce qu'il faut penserde bon nombre
de ces accidents attribués à la trop grande violence de la mé¬
thode. Mais il nous semble d'ores et déjàque les oscillations de
Schultzene réalisent qu'imparfaitement la seconde indication : à savoirl'expulsion des mucosités. Sans doute dans lecas par¬
ticulier la position déclive estd'autant plus efficace qu'elle est
associé au mouvementexpiratoire agissant dans le même sens maisd'autre part, dans la position de l'inspiration, les mucosités
ne subissant pius l'action de la pesanteur peuvent très bien
redescendre vers les poumons, sérieux inconvénient que ne
présentepas la méthode de M. Rivière et qui exige dans lescas où les mucosités sont en abondance ou ont pénétré dans les premières voies respiratoires, soit une aspiration
préalable,
soit l'emploi concomitant d'une autre méthode.
D'autres critiquesont été faitesau procédé de Schultze. En
1892 Koffercommuniquait à la Société d'obstétriqueet de gyné¬
cologie de Vienneles résultats de l'autopsie d'un
enfant de
septmois né en état de mort apparente et ranimé par le procédé
de Schultze. Le fœtusprésentait un hématome sous-séreux du
foie rompu dans lacavitéabdominale. Un fait analogue est rap¬
porté par Korber-Dorpat dans le