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Les séismes sont depuis longtemps associés aux éruptions volcaniques. Pline le Jeune donna une première description scientifique de l’éruption du Mont Vésuve en 79 A.D. qui conduisit à la destruction des citées romaines de Herculanum et Pompei et à la mort de milliers de personnes. Lorsque Pline l’Ancien observa l’éruption depuis Misenum, à une distance de 30 km, il réalisa la première expédition dédiée à l’étude des processus volcaniques. Il mourut lors de cette tentative. Pline le Jeune resta à domicile, où il avait une vue spectaculaire sur l’éruption, et écrivit le premier compte-rendu visuel du phéno-mène [Sigurdsson et al., 2000]. Dans ce compte-rendu, Pline le Jeune parla des nombreux

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GENERALE

séismes reliés à cette éruption [Zobin, 2003]. Le volcan Vésuse joua un rôle majeur dans l’histoire de l’étude des signaux sismiques associés à l’activité volcanique. Il s’agit du premier volcan dont les séismes ont été mentionnés dans la littérature scientifique, le pre-mier à disposer d’un observatoire volcanologique en 1848, et ce fut le prepre-mier volcan à être surveillé à l’aide d’équipement sismologique. Le sismographe électronique Palmieri, construit en 1862, fut le premier instrument sismique à enregistrer la sismicité volcanique. La sismologie volcanique est apparue comme une science lorsque le sismologue japonais Fusakichi Omori commença à étudier les signaux sismiques associés aux éruptions de 1910 des volcans Usu-San et Asama (Omori [1911] ; Omori [1912]), ainsi que l’éruption de 1914 du Sakurajima [Omori, 1914]. Omori définit le séisme volcanique comme "une perturba-tion sismique, due à l’acperturba-tion directe de la force volcanique, ou dont l’origine se trouve sous ou à proximité immédiate du volcan, dans un état de repos, actif ou bien éteint" [Omori, 1912]. Omori disposait d’une station sismique trois composantes, installée près du cratère de l’Usu-San. Cette station lui permis d’enregistrer les séismes volcaniques et des micro-tremors. Les micro-tremors étaient observés uniquement durant l’activité vol-canique. En particulier, Omori [1911] montra une bonne corrélation entre l’apparence du micro-tremor et l’occurrence des explosions volcaniques. il observa également que beau-coup des éruptions sur les volcans japonais étaient précédées par un nombre important de séismes. A partir de ce constat, il écrivit que "dans ces cas là, les observations d’un sismographe près du centre de l’activité volcanique pourrait fournir aux gens un avertis-sement sur l’éruption à venir". L’analyse des séismes volcaniques est dès lors devenue le principal instrument de surveillance de l’activité volcanique [Zobin, 2003]. Par la suite, d’autres observatoires volcanologiques furent créés au Japon, au Kamchatka, à Hawaii. Les observations provenant de sismographes enregistrant de façon continue ont permis à Minakami [1960] de proposer une classification des séismes volcaniques en quatre types principaux, étant donné la localisation de leur hypocentre, leur relation avec l’éruption, et la nature du mouvement engendré. Bien que certains critères de la classification proposée

par Minakami [1974] aient été abandonnés ou changés au fil des ans, cette classification a été la base de la sismologie des volcans jusqu’à nos jours. Les différents types de signaux enregistrés sur les volcans sont listés ci dessous (figure 1.2) :

– les séismes haute fréquence ou volcano-tectoniques (VT) : ils sont associés à la rup-ture ou au déplacement sur des failles. Leur contenu fréquentiel est typique de celui des séismes tectoniques, et présente des arrivées d’onde P et S clairement définies (e.g. Minakami [1960] ; Chouet [1996] ; Rubin and Gillard [1998] ; McNutt [2002]). Ils sont considérés comme le signe d’une réactivation de l’activité volcanique, puisqu’ils accompagnent généralement les processus volcaniques, apparaissant généralement sous la forme d’essaim ou de crise sismique [McNutt, 2002].

– les séismes basse fréquence ou longue période (LP) : ils présentent un signal émergent, où l’arrivée de l’onde S n’est pas clairement définie. Le mécanisme qui les engendre n’est pas encore bien compris [Neuberg, 2000], mais la plupart des études dédiées à la source de ce type d’événement les relient à des modèles de résonateurs remplis de fluide (Aki et al. [1977] ; Chouet [1986] ; Neuberg [2000] ; Kumagai et al. [2005]). On considère donc qu’ils sont générés par des processus de pressurisation tels que la formation de bulles ou des effondrements gravitaires (Neuberg et al. [1998] ; McNutt [2002]). Le contenu fréquentiel des LP est généralement compris entre 0.2 et 5 Hz, et il est caractérisé par des pics spectraux étroits [O’Brien and Bean, 2004].

– les explosions : elles accompagnent les éruptions explosives, et sont caractérisées par la présence d’une phase d’onde de pression sur les sismogrammes, puisque l’énergie libérée se répartit entre l’onde sismique et l’onde acoustique (Minakami [1974] ; Mc-Nutt [2002] ; Zobin [2003]). Typiquement, le champ d’onde généré par des explosions volcaniques est constitué d’un signal basse fréquence (1-3 Hz) suivi par un champ d’onde à plus haute fréquence (5-10 Hz) [Ripepe et al., 2001].

– le trémor volcanique : c’est un signal continu harmonique ou spasmodique dont la durée va de quelques minutes à quelques jours ou plus. La forme d’onde est

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milaire à celle des LP, pour lesquels la partie principale consiste en des ondes de surface. Plusieurs auteurs ont en effet conclu que le tremor était en réalité une série d’événements LP consécutifs (Neuberg [2000] ; McNutt [2002]). Le trémor est com-munément relié à des transferts de fluides, soit de magma, soit de gaz. Différentes caractéristiques spectrales sont observées, suivant le volcan, ou sa période d’activité. Les tremors volcaniques accompagnent toujours les coulées de laves sur les volcans basaltiques tels que le piton de la Fournaise (Aki and Ferrazzini [2000] ; Battaglia et al. [2005]), le Kilauea [Fujita et al., 1995], ou l’Etna (Gresta et al. [1991] ; Alpa-rone and Privitera [2001]). Battaglia et al. [2005] proposent un modèle de tremor volcanique au Piton de la Fournaise, où les hautes fréquences seraient directement générées sur le lieu de l’éruption, tandis que les basses fréquences seraient reliées à des processus localisés plus en profondeur dans le système magmatique. Les tremors contiennent généralement les mêmes composantes temporelles et spectrales que les LP, indiquant par là que le mécanisme source pourrait être commun, la différence résidant dans sa durée [Chouet, 1988].

– les événements hybrides : ils se partagent les attributs des événements haute et basse fréquences. En particulier, ils présentent une première arrivée impulsive, un début de signal haute fréquence précédant une coda basse fréquence [Miller et al., 1998]. Ils pourraient résulter d’un endommagement fragile dans une zone de faiblesse qui recoupe une faille remplie de fluide, et ainsi présenter des composantes source à la fois double-couples et volumétriques [Lahr et al., 1994].

– les événements très longue période (VLP) : leur contenu fréquentiel est encore plus bas que celui des LP, i.e. avec des périodes de l’ordre de 3-20 sec, et ils présentent des amplitudes assez faibles. Ils sont associés soit aux éruptions, soit à une activité fumerolienne intense (e.g. Neuberg et al. [1994] ; Aster et al. [2003]).

– les séismes superficiels : ce sont des signaux locaux générés par des processus superfi-ciels, qui inclus des processus non volcaniques (mouvements de glace, effondrements)

ou volcaniques (lahars, flux pyroclastiques, éboulements dus à l’effondrements de dômes de lave).

Les objectifs de la volcano-sismologie sont l’étude des processus physiques qui entrent en jeu sur les volcans, la compréhension de la dynamique qui contrôle ces processus, la dé-termination des propriétés physiques des systèmes magmatiques actifs. Cette perspective nécessite la compréhension des comportements éruptifs et l’évaluation des risques volca-niques. Les avancées majeures de la volcano-sismologie sont liées aux tentatives de relier les différents types de séismes volcaniques listés ci-dessus à des phénomènes volcaniques spécifiques [Sparks, 2003].