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Chapitre 2 : La sensibilisation des jeunes générations à la protection du patrimoine

2. La singularisation de l’enfant et de son lien au patrimoine

2.1. Qui est l’enfant, le jeune ?

2.1.1. L’enfance : une notion mouvante

L’origine du mot enfant se retrouve dans le latin infans, composé du suffixe privatif in et de farer signifiant ainsi « s’exprimer par la parole ». L’enfant est donc celui qui ne parle pas. Dans son acceptation la plus large, l’enfance est souvent abordée en opposition à l’âge adulte. Cependant d’autres périodes de transition peuvent venir nuancer cette affirmation, lorsque l’enfant devient un adolescent, puis un jeune adulte. Le Centre d’Observation de la Société rassemble d’ailleurs ces trois catégories sous celle de la « jeunesse » 30

Il n’existe cependant pas de définition précise qui fasse consensus pour caractériser ce stade de la vie (Lavorata, 2017, p. 4). Les approches sociale et culturelle ne permettent

28DGPC. Circulaire 77-300 du 29 août 1977 [en ligne]. Disponible sur : https://media.eduscol.education.fr/file/EEDD

/21/8/circulaire1977_115218.pdf (consulté le 10-6-2020).

29Ministère de l’Education Nationale. Circulaire N°2004-110 DU 8-7-2004 [en ligne]. Disponible sur : https://www.edu

cation.gouv.fr/bo/2004/28/MENE0400752C.htm (consulté le 10-6-2020).

30 Centre d’Observation de la Société. Jeunes [en ligne]. Disponible sur : http://www.observationsociete.fr/defi ni-

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pas non plus d’y apporter un cadre globale puisqu’en fonction de l’époque, de l’aire géogra- phique ou encore des classes sociales son acceptation est différente et ne cesse d’évoluer (Court, 2017, p. 7).

Autrefois considéré simplement comme un « homme en miniature », en devenir, l’en- fant est aujourd’hui pris en considération comme un être humain à part entière (Gablin, 2007, p. 16) doté de sensibilité, d’instinct et de logique. Il est également établi que le terme « en- fance » rassemble plusieurs réalités, et que l’homme, au cours de cette période de son exis- tence évolue rapidement et traverse plusieurs phases.

2.1.2. Une multitude de catégories de description de l’enfance et de la jeunesse

Que l’on délimite l’enfance à l’âge de la majorité, ou encore celui de l’adolescence, il n’en reste qu’il s’agit d’une période au cours de laquelle l’être humain évolue et se cons- truit plus rapidement qu’à l’âge adulte. Un enfant de 2 ans n’a par exemple pas les mêmes habilités, la même compréhension du monde ou même le niveau de langage qu’un de 13 ans. Pour cette raison, des tranches d’âges, bien que non généralisées, ont été attribuées par des scientifiques, notamment en médecine ou en psychologie en rassemblant les étapes de déve- loppement des enfants sous forme de catégories. Jean Piaget, psychologue suisse, fait figure de référence dans ce domaine avec ses quatre étapes du développement cognitif de l’en- fant31 :

- Le stade sensori-moteur (de 0 à 2 ans) centré sur le développement des capacités sensorielles et motrices du petit enfant ;

- Le stade pré-opératoire (de 2 à 7 ans) au cours duquel la fonction symbolique est développée (par exemple avec le langage) ;

- Le stade opératoire concret (de 7 à 12 ans) où la réflexion ainsi que les structures mentales sont plus sollicitées ;

31Joly Vincent. Développement cognitif de l’enfant : les stades chez J. Piaget [en ligne]. Disponible sur : http://psy-en-

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- Le stade formel (de 12 à 16 ans), pour Piaget le dernier avant l’entrée dans l’adoles- cence ou la vie d’adulte et au cours duquel le raisonnement par l’abstrait et la con- ceptualisation sont acquis.

L’enfant n’est donc qu’un terme généralisateur puisqu’il peut catégoriser des indivi- dus très différents selon leur âge. Re-diviser cette population par tranches d’âge est donc inévitable pour mieux l’étudier et la comprendre.

2.2. Une pédagogie valorisant l’enfant dans son environnement

2.2.1. L’enfant-acteur

Comme évoqué plus haut, l’éducation au patrimoine, comme la majorité des éduca- tions à, se différencie fortement de la forme scolaire traditionnelle. Elle l’est notamment par ses méthodes pédagogiques qui privilégient une approche active de l’enseignement, dans laquelle l’enfant n’est pas considéré comme un réceptacle passif de savoirs, mais bien comme l’acteur du procédé. Cette approche place l’importance de l’enfant dans la décision au cœur du processus éducatif (Lavorata, 2017 p. 3) et se caractérise par le terme de « péda- gogie active ». Cette dernière peut être mise à l’œuvre à travers des mises en situation, l’im- plication dans un projet, le jeu ou encore la résolution de problèmes (Boyer et Pommier, 2005, p. 30), et permet de responsabiliser davantage les jeunes sur la thématique abordée (UNESCO, 2014, p. 7). À travers ces activités, il s’agit donc de laisser plus de place à la liberté et un plus grand pouvoir de décision individuel pour que les savoirs se développent avec l’action, le geste, l’erreur ou l’expérience. Pour cela, les activités doivent tenir compte des intérêts, des motivations et des aptitudes de chacun.

A. Ross caractérise cette méthode organisée autour de l’acquisition de procédés (« process driven ») de progressiste puisqu’elle fait découvrir le monde à l’enfant par ses propres moyens et en menant ses propres enquêtes (Ross, 2000, p. 137). Elle se distingue donc effectivement du type « content driven » qui priorise les contenus organisés en disci- pline et du « objectives driven » ou le primat des performances.

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2.2.2. Un lien rétabli avec le contexte territorial

La pédagogie active, valorisée au travers de l’éducation au patrimoine, modifie le rapport aux savoirs, particulièrement en amenant l’éducation en dehors des murs et du cadre de l’école (Barthes et Blanc-Maximin, 2017, p. 101). En effet, dans le milieu scolaire, depuis les années 1980, le terme de « patrimoine » est de nouveau associé à celui de « local », en- courageant notamment les professeurs d’histoire à « utilisez les traces visibles autour de l’école pour construire chez les élèves une base culturelle » (Barthes, 2017, p. 3).

De fait l’évolution de la forme scolaire à la fin du XIXème siècle a entraîné « l’éra- dication des particularismes locaux » au profit de la promotion de la modernité et de « l’exaltation du sentiment national » (Barthes et al, 2014, p. 60). A cette époque, les ensei- gnements s’uniformisent et un éloignement avec le contexte territorial s’opère donc.

L’éducation au patrimoine, tout comme d’autres « éducations à » restaure ce lien entre l’acquisition de connaissances et le local avec la rencontre entre les jeunes et les élé- ments réels qui constituent la richesse de leurs territoires. De même, une nouvelle relation entre l’apprenant et son environnement s’établit par l’attachement, la curiosité, le désir de protection ou de connaissance qui peut se créer au moyen de ce contact direct.

2.2.3. L’apprentissage expérientiel

Les bases pédagogiques de l’éducation au patrimoine évoquées précédemment pré- sentent une dimension expérientielle forte qui la différencie de la forme scolaire tradition- nelle et des méthodes plus classiques de transmission de connaissances. Le concept d’ap- prentissage expérientiel peut alors être employé pour caractériser ces méthodes.

L’apprentissage expérientiel désigne un processus « durant lequel les participants façonnent leurs connaissances et leurs conceptions par le biais de transactions affectives et cognitives avec leurs milieux biophysique et social » (Pruneau et Lapointe, 2002, p. 243). La prise en compte de la subjectivité des individus est un élément central de cette approche, tout comme la notion de plaisir suscité qui favorise leur implication et leur participation. Le con- tact direct avec le milieu ou l’objet étudié, la transmission au fil des rencontres, l’implication

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personnelle et affective, l’importance de l’action ou encore l’expression d’opinions sont tout autant d’indices de la qualité de ce type d’apprentissage (Pruneau et Lapointe, 2002, p. 245).

Le contact alors établi entre les apprenants et la réalité étudiée présente des bénéfices quant à leur développement psychologique (autonomie, estime de soi, raisonnement mo- ral…) mais aussi intellectuel et social (résolution de problèmes, sentiment de responsabi- lité…) (Pruneau et Lapointe, 2002, p. 245). L’expérience, en prenant en compte la subjecti- vité de l’enfant et en faisant appel à ses émotions ou encore à ses sens, est ici envisagée comme une condition de la sensibilisation de l’individu aux enjeux du patrimoine avec le- quel il entre en contact. Au travers de mises en situations cognitives et affectives en contact direct avec les biens patrimoniaux, les jeunes se les approprient progressivement et établis- sent leurs propres représentations.

3. L’éducation au patrimoine à travers le tourisme et les