Les m´ethodes de Mont´e Carlo visent `a calculer num´eriquement des int´egrales
en utilisant des proc´ed´es al´eatoires. Leurs applications sont tr`es diverses, et leur
utilisation ne se limite ´evidemment pas `a la physique statistique. Nous pr´esentons ici
leur principe, l’objectif n’´etant pas d’en donner une revue exhaustive (se r´ef´erer pour
cela `a [Binder et Heermann, 1988; Krauth, 1996]). Les probl`emes de ralentissement
critique seront par la suite abord´es et nous d´etaillerons quelques proc´ed´es permettant
de limiter leurs effets.
15.2.1 Int´egration Mont´e Carlo
Soitxune variable al´eatoire dans un espaceEde dimension donn´e, sa probabilit´e
de pr´esence ´etantP(x). Nous d´esirons calculer la moyenne d’une observableOd´efinie
par :
hOi=
R
EO(x)P(x)dx
R
EP(x)dx (15.23)
o`u le terme au d´enominateur est n´ecessaire si la distribution de probabilit´e n’est
pas normalis´ee. L’observable O est alors ´evalu´ee par la m´ethode de Mont´e Carlo en
tirant un certain nombre N de points x
ldans l’espace des phases :
hOi ≃
P
Nl=1
O(x
l)P(x
l)
P
Nl=1
P(x
l) , (15.24)
tout en prenant N aussi grand que possible. Nous nous int´eresserons par la suite `a
des syst`emes de spins classiques, dont le comportement est d´ecrit par une statistique
de Maxwell-Boltzmann, pour laquelle P(x) = exp −βE(x)
, o`uE(x) est l’´energie
totale du syst`eme pour une configuration de spins xde l’espace des phases, et β =
1
15.2.2 Algorithme de M´etropolis et d´etail des simulations
En pratique, il existe deux diff´erentes approches pour ´evaluer (15.24). L’´
echantil-lonnage directconsiste comme d´ecrit pr´ec´edemment `a tirer al´eatoirement un grand
nombre de points dans l’espace des phases, correspondants `a diff´erents ´etats du
syst`eme. Cette proc´edure est cependant tr`es lente et peu efficace. En effet, seule une
petite partie de l’espace des phases donne en g´en´eral une contribution importante
dans la somme (15.24), et il n’est pas n´ecessaire, en pratique, de l’´echantillonner
compl`etement.
D’autres types d’´echantillonnages sont g´en´eralement utilis´es, bas´es sur des
pro-cessus markoviens. L’espace des phases est alors explor´e en partant d’un certain
´etat, qui, partiellement modifi´e de fa¸con al´eatoire, permet d’arriver `a un nouvel ´etat
voisin du pr´ec´edent. Cette approche est justifi´ee par le fait que les termes ayant une
forte contribution dans (15.24) sont souvent proches dans l’espace des phases. Le
nouvel ´etat est alors accept´e ou non, de mani`ere `a ce que la probabilit´e de pr´esence
tende vers la distribution d’´equilibre (distribution de Maxwell-Boltzmann) lorsque
N → ∞. Il suffit pour cela de v´erifier la relation de bilan d´etaill´e :
P(x
l)W(x
l→x
l+1) = P(x
l+1)W(x
l+1→x
l), (15.25)
o`uW(x
l→x
l+1) est la probabilit´e de transition de l’´etatx
l`a l’´etatx
l+1.
L’algorithme utilis´e dans nos simulations est l’algorithme de M´etropolis
[Metro-poliset al., 1953]. Dans ce dernier, la probabilit´e de transition est d´efinie par :
W(x
l→x
l+1) = min (1,e
−β∆E) (15.26)
o`u ∆E =E(x
l+1)−E(x
l) est la variation d’´energie qu’entraˆıne ce mouvement dans
l’espace des phases. En pratique, ce mouvement consiste `a modifier al´eatoirement
l’orientation d’un des spins du syst`eme. La nouvelle configuration est alors accept´ee
si elle est favorable ´energ´etiquement (∆E < 0). Dans le cas inverse (∆E > 0), la
nouvelle configuration est accept´ee avec une probabilit´e e
−β∆E. On appelle alorstaux
d’acceptation le rapport entre le nombre d’´etats accept´es et le nombre d’´etats test´es,
et pas Mont´e Carlo le tirage de N spins (N ´etant le nombre de spins du syst`eme),
choisis al´eatoirement ou non.
Thermalisation du syst`eme
Nos simulations partent toujours des hautes temp´eratures (r´egime
paramagn´e-tique) pour aller vers les plus basses temp´eratures. Si l’on d´esire thermaliser le
sys-t`eme `a des temp´eratures tr`es basses, nous nous trouvons confront´e `a un probl`eme :
le poids de Boltzmann e
−β∆Eli´e au taux d’acceptation des configurations devient
proche de z´ero, et les nouvelles configurations g´en´er´ees sont tr`es rarement
accep-t´ees. Le syst`eme devient donc quasiment fig´e et tr`es long `a thermaliser. Diff´erents
algorithmes existent pour ´eviter ce ph´enom`ene. Lors de nos simulations, nous avons
utilis´e la m´ethode de recuit simul´e : partant des hautes temp´eratures, nous faisons
un certain nombre d’´etapes `a des temp´eratures interm´ediaires pour atteindre la
tem-p´erature finale d´esir´ee. La loi de d´ecroissance de la temtem-p´erature utilis´ee est du type :
T
i+1= XT
i, o`u X est un facteur compris entre 0 et 1. A chaque ´etape, on attend
alors que le syst`eme soit `a l’´equilibre thermodynamique avant de diminuer de
nou-veau la temp´erature. De cette mani`ere, la thermalisation du syst`eme est beaucoup
plus efficace.
Evaluation de l’autocorr´elation
Lorsque le syst`eme est `a l’´equilibre thermodynamique et que nous d´esirons
´eva-luer une observable, il est n´ecessaire d’avoir une id´ee de l’autocorr´elation entre chaque
pas Mont´e Carlo. Ceci nous permet d’estimer l’efficacit´e de notre ´echantillonnage,
et ainsi d’obtenir des mesures significatives. Pour que ce dernier soit acceptable,
il est n´ecessaire que les configurations s´electionn´ees pour ´evaluer notre observable
soient suffisamment d´ecorr´el´ees les unes des autres. Nous d´efinissons alors la fonction
d’autocorr´elation :
c(l) = 1
N −l
N−lX
k=11
N
sp NspX
i=1S
i(k)·S
i(k+l)
, (15.27)
o`uN est le nombre de pas Mont´e Carlo effectu´es,N
spest le nombre de spins, etS
i(k)
est le spin i au pas Mont´e Carlo k. Lors de nos simulations, nous avons consid´er´e
que deux configurations ´etaient ind´ependantes lorsque c(l
0).0.5. Ceci nous fournit
donc le nombre de pas l
0`a effectuer entre chaque mesure. Pour donner un ordre
de grandeur, ce nombre de pas peut varier de 1 `a tr`es haute temp´erature (dans le
r´egime paramagn´etique), `a environ 70 000 `a plus basse temp´erature (T = 10
−4J),
dans le cas du r´eseau kagome.
Am´elioration de l’ergodicit´e
Dans l’utilisation de processus markoviens, toute la difficult´e r´eside dans le fait
d’obtenir un algorithme ergodique : en partant d’un pointx
0de l’espace des phases,
tout autre point x
1doit pouvoir ˆetre atteint en un nombre fini de pas. Ceci devient
tr`es difficile `a basse temp´erature, puisque les corr´elations entre spins deviennent
suffisamment ´elev´ees pour que chaque nouvelle configuration soit syst´ematiquement
rejet´ee : c’est le ralentissement critique. En pratique, il n’existe `a notre connaissance
aucune mani`ere g´en´erique de contourner ce probl`eme, et il peut ˆetre n´ecessaire, dans
ce cas, de faire appel `a des algorithmes plus compliqu´es comme les algorithmes de
blocs [Krauth, 1996]. Ces algorithmes consistent `a retourner des blocs massifs de
spins, plutˆot qu’un seul spin `a la fois, comme c’est le cas dans la m´ethode de
M´etro-polis. Ils sont particuli`erement efficaces pour des syst`emes tr`es corr´el´es ou proches
d’une transition de phase. Cependant, dans notre cas, le syst`eme reste
suffisam-ment fluctuant pour que certaines «ruses» puissent limiter efficacement les effets
du ralentissement critique.
Deux am´eliorations simples ont alors ´et´e utilis´ees. La premi`ere am´elioration
consiste `a tourner syst´ematiquement le spin que l’on d´esire modifier autour de son
champ mol´eculaire dans le cas o`u la nouvelle configuration n’est pas accept´ee. Cette
rotation d’un angle choisi al´eatoirement ne coˆute aucune ´energie au syst`eme, ´etant
donn´e que l’angle entre le spin et son champ mol´eculaire reste inchang´e (Fig. 15.2).
Cela permet ainsi au syst`eme de ne pas rester fig´e dans une configuration donn´ee.
Fig. 15.2 – (gauche) Lorsque la modification d’un spin n’est pas accept´ee, une
rotation de ce dernier autour de son champ mol´eculaire d’un certain angle al´eatoire
Ω est effectu´ee. (droite) Pour garder un taux d’acceptation `a peu pr`es constant, la
nouvelle orientation du spin modifi´e n’est pas choisie al´eatoirement sur une sph`ere,
mais dans un certain angle solide autour de sa position initiale.
La seconde am´elioration consiste `a garder un taux d’acceptation `a peu pr`es
constant. En effet, le taux d’acceptation, li´e au poids de Boltzmann e
−β∆E, diminue
avec la temp´erature. Ainsi, `a tr`es basse temp´erature, le poids devient trop faible
et les nouvelles configurations sont syst´ematiquement rejet´ees. En pratique, un des
moyens que l’on a pour ´eviter ce ph´enom`ene est de diminuer la variation d’´energie
∆E. Cette action est effectu´ee en limitant l’amplitude des angles lors de la
modifica-tion de l’orientamodifica-tion des spins (Fig. 15.2). L’angle«critique»est alors fix´e `a chaque
temp´erature en fonction du taux d’acceptation que l’on d´esire obtenir. Ce proc´ed´e
entraˆıne donc des temps de calculs plus longs, mais le taux d’acceptation ´etant
su-p´erieur, l’espace des phases sera parcouru plus efficacement. Le taux d’acceptation
minimum `a ´et´e fix´e lors de nos simulations `a environ 40%.
15.3 Calcul du facteur de structure magn´etique
Dans le document
Systèmes magnétiques à frustration géométrique: approches expérimentale et théorique
(Page 181-185)