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L’interaction du piédestal avec la cible provoque l’expansion d’une partie du plasma avant que l’impulsion principale n’arrive. Ce piédestal est suffisamment peu intense et long pour décrire ses effets par une approche hydrodynamique. Nous allons voir succinctement quels sont les mécanismes sous-jacents, et la façon de les simuler.

3.1.1

Hydrodynamique

Voyons d’abord comment se comporte un élément fluide de densité ρ, de vitesse −→u , et soumis à la pression p [Drake2006].

✄ S’il perd de la matière d’un côté plus que de l’autre, sa densité change. Cela se traduit par l’équation de conservation de la masse ∂ρ/∂t = −−→∇ · (ρ−→u ).

✄ Si la pression est plus forte d’un côté que de l’autre, sa vitesse change. Cela se traduit par l’équation de conservation de l’impulsion ∂−→u /∂t +&−→u ·−→∇'−→u =−&−→∇p'/ρ.

✄ Si le transfert d’énergie via les forces de pression est plus important d’un côté que de l’autre, son énergie interne change. Cela se traduit par l’équation de conservation de l’énergie

∂ ∂t , ρε +ρu 2 2 - =−→∇ · 0 ρ−→u , ε +u 2 2 - + p−→u 1

où ε est l’énergie interne de la particule fluide.

On peut déjà remarquer que la première équation donne l’évolution de u0 en fonction de u1, puis la

seconde donne l’évolution de u1en fonction de u2et la troisième donne l’évolution de u2en fonction de

u3. On pourrait continuer ceci indéfiniment, mais une résolution pratique nécessite de tronquer cette

suite infinie. On choisit ici de s’arrêter aux trois équations d’Euler précédentes. Elles permettent en théorie de calculer l’évolution des quatre paramètres ρ, −→u , p et ε mais il faut une quatrième équation de fermeture.

Pour calculer l’évolution d’un fluide, les équations de conservation ne suffisent pas. Nous allons voir que les équations d’état complètent la résolution.

3.1.2

Équations d’état

Pour fermer le système des trois équations d’Euler, une équation d’état doit relier au moins deux des quatre paramètres ρ, −→u , p et ε. Certains modèles (gaz polytropique, plasma radiatif, Thomas- Fermi, etc.) donnent des relations plus ou moins simples que nous ne développerons pas. La complexité et la vastitude de ce problème stimulent de nombreuses études depuis plus de deux siècles et révèlent de plus en plus d’obstacles à mesure que l’on cherche des états extrêmes de la matière. Il reste que l’on doit souvent supposer un équilibre local et faire appel au concept de température, notions parfois illusoires mais raisonnables dans notre cas.

Les équations d’état dépendent des effets microscopiques et sont forcément différentes d’un matériau à un autre. Les modèles théoriques ne peuvent donc pas être appliqués dans beaucoup de cas. Il faut y associer des tables de valeurs simulées ou mesurées. Ces tables donnent par exemple p (ou même la température, le degré d’ionisation, etc.) en fonction de ε et ρ. Elles sont simples d’utilisation, mais de nombreux cas sont toujours peu connus, à l’image des plasmas très denses, des états hors-équilibre et des mousses.

3.1.3

Couplage avec le laser

Les trois équations d’Euler pourraient être complétées par des termes de viscosité, de contraintes, de conduction thermique, de transfert radiatif ou de sources extérieures, selon le degré de raffinement du code. Contentons-nous d’introduire la méthode pour y intégrer l’effet du piédestal du laser.

✄ Dans l’équation de conservation de l’impulsion, il faut ajouter la force de Lorentz appliquée par le champ électromagnétique à un élément fluide.

✄ Dans l’équation de conservation de l’énergie, il faut ajouter le flux du vecteur de Poynting et la perte d’énergie par effet Joule.

La force de Lorentz, et a fortiori la pression de radiation n’ont qu’un rôle limité sur le mouvement global du plasma.

3.1. Simulations sans électrons 41 À bas flux laser, ce sont principalement les collisions qui, via l’effet Joule, chauffent le plasma et l’ionisent. La température élevée provoque son expansion.

Pour simuler complètement ces effets du laser, il faudrait calculer les équations de Maxwell et la résistivité en temps réel, en déduire le chauffage, puis modifier les courants et densités grâce aux équations d’Euler, et réitérer ce procédé à chaque pas de temps. Ce processus est très coûteux en temps de calcul et on lui substitue souvent une technique de tracé de rayons combinant optique géométrique et coefficients d’absorption. On peut ainsi connaître approximativement la propagation du piédestal du laser et son influence sur la matière.

3.1.4

Fonctionnement, résultats et limites.

Résumons les explications précédentes. Un code hydrodynamique doit calculer l’évolution d’un fluide soumis au chauffage par un laser. Ce fluide est discrétisé selon un maillage, et chaque maille est considérée comme une particule fluide. Les équations précédentes sont alors appliquées successivement sur chaque maille, et réitérées à chaque pas de temps. L’approche indiquée ici est basée sur un point de vue lagrangien, c’est-à-dire en suivant les particules fluides. Le maillage se déforme au cours du temps en fonction de la vitesse du fluide, et chaque maille contient toujours la même quantité de matière. Lorsqu’une maille s’élargit, sa densité et sa température changent. Ces deux quantités sont les plus importantes pour comprendre l’influence du piédestal.

Figure 3.1: Simulation hydrodynamique d’un préplasma par le code DUED. Le piédestal possède un éclairement de 1013

W · cm−2 pendant 1.5 ns. La cible est composée uniquement de

nickel à la densité solide.

Un exemple de simulation du préplasma, engendré par un piédestal d’éclairement 1013W · cm−2

pendant 1.5 ns, est donné sur la figure3.1. La matière est éjectée au-delà de 100 µm et la limite de la densité critique s’est avancée vers le laser d’une dizaine de microns. Sur ces dix microns, il existe un gradient de densité important, passant de 1021 à plus de 1023 cm−3. La partie sous-dense du

préplasma a été chauffée à plusieurs centaines d’eV et la partie dense n’a subi que très peu d’élévation de température. Toutes ces caractéristiques sont cruciales pour comprendre l’accélération des électrons rapides par l’impulsion principale (ultérieure).

Cet état du préplasma, simulé par les codes hydrodynamiques, est utilisé par la suite comme situation initiale pour les codes de transport électronique. Son effet sur la création des électrons rapides est considérable.

Quelques limites notables des simulations hydrodynamiques doivent être indiquées. D’abord, les modèles d’équation d’état et d’absorption du laser sont souvent approximatifs et peuvent se révéler inutilisables dans certaines conditions. La résistivité à faible température, notamment, est mal connue et est une source importante d’incertitudes. Ensuite, une modélisation suffisamment complète des effets radiatifs impose un temps de calcul long, ce qui restreint souvent la simulation à deux dimensions (que l’on peut améliorer avec une symétrie supposée cylindrique par exemple). Pour finir, le maillage déformable interdit la résolution de certains phénomènes turbulents, mais surtout empêche d’observer le glissement entre deux matériaux.