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Pour confirmer que le préplasma est la cause de la pénétration diluée des électrons dans la cible, et donc de la température réduite, des simulations PIC collisionnelles ont été menées au CEA par Laurent Gremillet. Nous avions vu dans le chapitre3que ces simulations sont les plus complexes qui existent dans notre domaine, ainsi que celles qui consomment le plus de temps de calcul. Ici, elles apparaissent nécessaires car ce sont les seules capables de reproduire l’accélération des électrons par le laser, et non leur transport uniquement. De plus, étant donnée la taille réduite des cibles et la courte durée de ce laser, le cadre est particulièrement adapté à de telles simulations PIC.

5.4.1

Description des simulations

Le code particulaire CALDER a été utilisé pour simuler les cibles les plus petites. Les simulations sont bidimensionnelles en espace et tridimensionnelles en vitesse. La cible a un diamètre de 50 µm et une profondeur de 10 µm, entièrement constituée de cuivre dans un état d’ionisation 15+. Initialement à une température de 10 eV et une densité de 400 nc (trois fois moins que la densité solide), elle ne

reproduit pas les conditions expérimentales exactes. Cependant le chauffage numérique et le long temps de calcul imposent de limiter ses caractéristiques à des valeurs ne reproduisant pas parfaitement la réalité. Le choix de l’état d’ionisation 15+ assure toutefois une résistivité du même ordre que celle que l’on peut prédire théoriquement [Lee1984]. On pourrait critiquer que, l’ionisation n’étant pas calculée en temps réel, une bonne mesure de la température est impossible (les électrons perdent leur énergie dans l’énergie d’ionisation). Il est vrai que (dans le pire des cas) un facteur 2 sur la température finale est plausible. Cependant, nous n’espérions pas bien reproduire la valeur de la température car une simulation bidimensionnelle la surestime grandement : c’est sa répartition spatiale qui nous intéresse en premier lieu et non sa valeur absolue. Étant donné que ce sont des valeurs relatives que nous cherchons à calculer, une estimation trop grossière de la valeur absolue de la température ne nous chaut guère.

Le pas du maillage spatial vaut ∼ 0.01 µm. Le temps est compté à partir du maximum de l’impul- sion laser (t = 0).

✄ À ω, le laser possède un profil temporel en sin2de durée 350 fs, et un profil spatial gaussien de diamètre 12 µm. L’intensité maximale atteinte est 1.8 × 1019W · cm−2. Le préplasma est tiré

directement de la simulation DUED présentée dans la figure5.1.

✄ À 2ω, la durée est légèrement réduite à 250 fs en raison de la conversion de fréquence, ainsi que le profil spatial (8 µm de diamètre). Le préplasma est très court : longueur de gradient de 0.1 µm. L’énergie laser est réduite de moitié.

5.4. Comparaison aux simulations PIC 97 Les collisions sont incluses dans ces simulations selon la méthode décrite dans la section3.3.3.

5.4.2

Température simulée

Pour estimer la température électronique dans un code PIC, il suffit de mesurer l’énergie cinétique moyenne des électrons, sans oublier d’éliminer la contribution des électrons suprathermiques qui ne sont pas représentatifs de la température du plasma. Nous avons choisi une borne arbitraire à 10 keV pour des raisons numériques. Pour affirmer le caractère thermique de cette population “froide”, nous avons vérifié que sa vitesse de dérive était négligeable par rapport à sa vitesse thermique. Mesurer l’énergie moyenne de ces électrons permet donc bien une estimation de la température.

Insistons sur le fait que cette mesure surestime la température réelle. En effet, un code PIC bidi- mensionnel néglige l’expansion électronique dans la direction transverse et ainsi surestime la densité électronique. D’autres phénomènes accentuent cet effet : l’ionisation est négligée, et la densité initiale est trois fois plus faible que le solide. Il faut prévoir environ un ordre de grandeur de différence avec la mesure expérimentale de la température. Cependant, les variations spatiale et temporelle sont tout à fait pertinentes, et on peut légitimement les comparer à l’expérience.

Figure 5.14 – Énergie moyenne des électrons thermiques (< 10 keV) à t = 400 fs après le maximum du laser, (a) à ω et (b) à 2ω. Les pointillés délimitent la cible à la densité maximale (sans le préplasma). Le laser arrive depuis la gauche.

La figure5.14montre la répartition spatiale de la température à ω et 2ω. On constate clairement deux comportements totalement différents.

✄ L’énergie des électrons thermiques est principalement située dans le préplasma à ω, et dans la cible dense à 2ω. Cela confirme les résultats expérimentaux vus plus haut : dans la partie dense, une température plus importante est obtenue à 2ω malgré l’énergie laser deux fois moins grande. On retrouve même que la température moyennée dans toute la partie dense est deux fois plus faible à ω (cf. figure5.10).

✄ Il existe une forte non-uniformité de température à 2ω, peu visible à ω. En effet, La partie fortement chauffée, de diamètre ∼ 35 µm, présente une température quatre fois plus forte que sur les bords. Ces variations sont très similaires à celles obtenues expérimentalement (cf. figure

5.9).

La répartition de la température dans la cible est reproduite par le code PIC. On retrouve une température plus forte et moins uniforme à 2ω.

D’aucuns critiqueraient la non-uniformité à 2ω, estimant qu’un plasma uniforme est plus approprié pour des mesures expérimentales. Cependant, malgré sa non-uniformité transverse, le chauffage à 2ω

se fait dans un matériau de densité uniforme. Au contraire, à ω, le chauffage est en grande partie présent dans le préplasma, et pas dans la partie dense. Par conséquent il vaut mieux s’affranchir du préplasma pour éviter de très forts gradients en densité et température.

5.4.3

Électrons rapides simulés

Tentons maintenant de comprendre pourquoi la température est répartie de cette façon. Pour cela, nous devons observer la répartition des électrons rapides dans la cible.

Figure5.15 – Énergie moyenne des électrons rapides (> 10 keV) en échelle log10à t = 400 fs après le maximum du laser, (a) à ω et (b) à 2ω. Les pointillés délimitent la cible à la densité maximale (sans le préplasma). Le laser arrive depuis la gauche.

La figure5.15montre l’énergie moyenne contenue dans les électrons rapides. Une distinction frap- pante apparaît entre ω et 2ω. Lorsqu’un préplasma existe, le laser est forcément arrêté proche de la densité critique. Ici, il s’agit d’environ 5 µm de décalage par rapport à la surface initiale de la cible. On voit alors que les électrons sont produits très tôt devant la cible, c’est-à-dire entre 5 et 10 µm avant la partie dense. Leur propagation initiale présente des filaments, preuves de diverses instabilités existant dans la partie peu dense. Ils possèdent donc une divergence importante et sont fortement dilués. Leur propagation semble alors peu affectée par le changement de densité entre le préplasma et la partie dense : ils recirculent dans un volume bien plus grand. Ils sont dilués dans le plasma à densité solide, et c’est pourquoi ils chauffent moins.

D’autre part, à 2ω, l’injection des électrons rapides dans la cible se fait de façon quasiment per- pendiculaire à la surface. L’effet moins prononcé des instabilités de filamentation à cette interface leur permet de rester collimatés dans un premier temps, puis de s’étaler transversalement au-fur-et- à-mesure de leur recirculation. Étant donnée l’absence de préplasma étendu, ils sont confinés dans un volume deux fois plus petit qu’à ω, ce qui assure un chauffage plus important de la partie dense. Ce chauffage est principalement dû au courant de retour lors du premier passage des électrons rapides.

Avec préplasma, les électrons rapides sont injectés loin de la surface solide et de façon plus divergente. Ils recirculent dans un volume deux fois plus grand.

Ces effets géométriques sont la cause des phénomènes expérimentalement observés : une température plus faible mais plus uniforme à ω.

Une deuxième contribution doit être prise en compte pour expliquer l’efficacité réduite des électrons pour chauffer la cible à ω. Il s’agit des champs magnétiques intenses régnant dans le préplasma. Ceux-ci piègent une partie significative des électrons rapides. La figure 5.16 montre que les champs