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1 Introduction : pourquoi analyser la dynamique des cycles de nutriments des systèmes agro-sylvo-

1.4 Choix méthodologiques

1.4.4 Simulation de SASP variés dans une même zone d’étude

Pour répondre à la problématique, des SASP contrastés doivent être analysés. En Afrique de l’Ouest, les SASP présentent un ensemble de caractéristiques communes telles que leur organisation en terroir villageois (cf. §1.1.3), cependant ils différent notamment dans leurs structures paysagères et pratiques d’élevage. Les pratiques de gestion de flux de biomasses actuelles sont généralement assez bien décrites qualitativement ou quantitativement pour les différents SASP, ex. au Burkina Faso (Diarisso et al., 2015). Toutefois, l’évolution de ces pratiques sur le temps est beaucoup plus rare. Le choix du terrain de cette thèse, le bassin arachidier du Sénégal, a été motivé par l’existence de données historiques riches, avec en particulier une description relativement complète de l’évolution temporelle des pratiques et des systèmes étudiés, en référence à des périodes clefs de la transition agraire étudiée ex. Lericollais (1999) et Pélissier (1966).

Dans le bassin arachidier du Sénégal, en 1962, un observatoire « Population, Santé et Environnement » a été mis en place par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) à Niakhar (Delaunay, 2017; Delaunay et al., 2013). Cet observatoire se situe à 135 km à l’Est de Dakar et couvre 203 km² (Figure 9). Les chercheurs y ont suivi 65 puis 30 villages sur la période 1962-2017. L’observatoire a servi de base pour la conduite de différentes études pluridisciplinaires, autant sur la santé des populations, la démographie et les migrations que sur les pratiques agricoles et le climat. Il s’agit d’une zone particulièrement dynamique en termes de croissance démographique et de diversification des activités agricoles. La zone a aujourd’hui atteint un niveau élevé de densité de population (150 à 300 habitants/km2 selon les terroirs). Elle est aujourd’hui caractérisée par un paysage largement dominé par les cultures, les parcours représentent moins de 10% du paysage (Ndiaye et al., 2016). Différents SASP sont présents :

(i) des SASP « traditionnels », construits autour de systèmes d’élevage mobiles et de jachères gérées collectivement (correspondant au SASP traditionnel décrit en §1.1.3) ;

(ii) des SASP pratiquant la transhumance saisonnière des troupeaux, ce derniers ont davantage de têtes de bétail que les troupeaux sédentaires ;

(iii) des SASP plus intensifs, pratiquant l’élevage d’embouche6 avec une gestion individuelle des résidus de cultures et des fumiers.

Ce terrain était particulièrement pertinent pour comprendre le rôle de l’évolution du paysage et des systèmes d’élevage sur la réorganisation du cycle de l’N.

6 L’élevage d’embouche vise à engraisser les animaux pour approvisionner les marchés en viande animale. Les animaux embouchés sont généralement des bovins et moutons. Ils sont parqués à l’étable, au sein des concessions qu’ils ne quittent que pour rejoindre le marché.

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Figure 9. Localisation de l'observatoire de Niakhar au Sénégal

La croissance démographique à Niakhar, similaire à la croissance nationale, est de presque +3%/an depuis le début des années 2000 (Delaunay et al., 2013). Davantage de données sur la démographie (ex. caractéristiques, indicateurs de pauvreté, migrations, fécondité, mortalité, scolarisation) sont disponibles dans le rapport dirigé par Delaunay (2017). Le climat est sahélo-soudanien avec une pluviosité très variable de 590±170 mm (Figure 10 ; ISRA-CERAAS, communication personnelle).

Figure 10. Evolution de la pluviosité de 1920 à 2016 à Bambey

Le site de Bambey est localisé à environ 15 km au Nord de l’observatoire de Niakhar

Pélissier (1966) et Lericollais (1999) décrivent, dans le bassin arachidier et dans la zone de Niakhar, les mêmes contraintes et évolutions que celles décrites précédemment pour l’Afrique de l’Ouest. Ils observent une diminution des surfaces dédiées aux animaux, une réorganisation et individualisation des pratiques (récolte accrue des résidus, augmentation des pratiques d’embouche et de maraîchage). On s’intéresse ici à la transition

agraire de ces systèmes, entendue au sens de Mazoyer et Roudart (1997) comme une succession de systèmes distincts décrits afin de situer l’évolution des systèmes agraires.

La période précoloniale des 18e et 19e siècles, est une période à faible densité de population pendant laquelle les villages s’établissent. Les cultures sont implantées sur les sols sableux (appelés dior en langage Sereer), plus faciles à cultiver que les sols argileux (appelés dek en Sereer). Des rotations biennales sont pratiquées entre le mil à cycle long et les jachères destinées au parcage des animaux en hivernage. Une auréole arborée entoure les villages (issus de défriches). Elle constitue également des zones de parcours pour les animaux.

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Peu de temps après la mise en place du protectorat français, en 1891, l’arachide se développe comme culture de rente. Cette nouvelle production s’intercale alors dans le système de rotations culturales qui devient triennal : mil à cycle long, arachide, jachère. Le défrichement continu et les surfaces cultivées s’étendent sur les sols argileux dont la culture est rendue plus aisée par le développement de la traction animale. Les surfaces de parcours disponibles pour les animaux diminuent. Au début du 20e siècle, les densités d’habitants sont estimées entre 50 et 80 habitants au kilomètre carré. Les surfaces disponibles varient entre 1 et 1,5 hectare par habitant. Dans les années 1950-1960, le système entre en déclin, le Sénégal devient indépendant. Le marché de l’arachide n’est plus protégé, les prix chutent, les rendements stagnent et le marché s’effondre. Les sécheresses de la fin des années 1970 jusqu’aux années 1980 participent à la détérioration du système. L’Etat tente de mettre en place une politique de développement des céréales qui montre peu de résultats (Lericollais, 1999). De plus, la mise en disponibilité de nouvelles terres cultivables n’est plus assez rapide par rapport à la croissance démographique. Les surfaces disponibles deviennent inférieures à un hectare par habitant. Les parcs arborés deviennent quasi absents du paysage et les surfaces et périodes de jachères sont fortement diminuées. Les espaces pastoraux ne suffisent plus à couvrir les besoins des animaux. Pélissier(1966) évoque la saturation du territoire d’un point de vue humain, Lericollais(1999, 1970) utilise le terme de détérioration du terroir et conclut son ouvrage sur l’agriculture en Pays Sereer sur un constat de crise.

Dans les villages de l’observatoire, le bétail est la principale source de fertilisation et a permis d’épandre du fumier sur 25% des terres cultivées dans les années 2010 (Audouin et al., 2015). L’activité d’embouche des ruminants s’est développée dans la zone depuis les années 1990, avec des niveaux d’importance différents selon les villages (Garin et al., 1990; Sow et al., 2004).

Trois villages ont été choisis pour ce travail de thèse, du fait de leurs fonctionnements et pratiques agricoles contrastés (cf. les trois types de SASP en début de §1.4.4) :

• Diohine, un village de type « traditionnel » avec présence d’une jachère collective et une forte propension à l’élevage extensif et à l’agriculture de subsistance ;

• Sob, un village pratiquant la transhumance saisonnière et tourné vers les cultures de rente, en particulier, l’arachide ;

• Barry Sine, un village plus intensif, où les activités de rente sont très développées, notamment l’embouche de ruminants.

Les connaissances disponibles sur les SASP présents dans les 3 terroirs ont notamment été utilisées pour la construction du modèle TERROIR, développé dans le cadre de cette thèse.

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