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5 Chapitre 4 : Discussion générale

5.1 Dynamiques du cycle de l’azote et identification de propriétés écologiques persistantes dans les

5.1.1 Intensification des flux d’azote et réorganisation du cycle de l’azote

L’évolution de la structure paysagère et des pratiques agricoles a modifié l’organisation des flux de biomasses et donc d’N. Cette évolution est représentée en Figure 39 , dans laquelle chaque SASP simulé (i.e. étape de transition agraire) est représenté par un cercle dans lequel les compartiments agricoles s’échangent des flux d’N. L’encadré décrit davantage la figure et le détail par compartiment est fourni en Annexe 4.

5. Discussion générale

La densité de population passe de 50 dans les années 1920 à 300 habitants/km² en 2010 pour le terroir le plus peuplé. Les SASP doivent augmenter leur production pour répondre à la demande locale. Aux différentes étapes simulées sur la période 1920-2010, et pour les trois trajectoires étudiées, on observe une intensification des flux

d’N. C’est-à-dire qu’il y a une augmentation de l’intensité de flux circulant par unité de surface cultivée (l’hectare),

particulièrement à partir des années 1960-1980 avec un passage de 50 en 1960 à 63 et 77 kgN/ha, respectivement pour les trajectoires « traditionnelle-transhumance » et « embouche » en 1980.

Figure 39. Evolution des flux d'azote entre les compartiments agricoles des SASP dans les 7 scénarios simulés avec le modèle TERROIR (1920 à 2010)

Voir encadré ci-dessous pour plus d’informations

Description de la Figure 39 :

• Chaque cercle correspond à une étape des trajectoires simulées (« traditionnelle », « transhumance » et « embouche »). Cela correspond à un scénario simulé : un SASP avec une structure paysagère et une répartition des types de ménages propres (sc1920, sc1960, sc1980a, sc1980b, scTrad, scTran, scFat).

• La trajectoire « traditionnelle » mène à la situation scTrad, la « transhumance » mène à scTran et « l’embouche » mène à scFat.

• La taille des cercles est relative au système le plus dense en flux d’N (i.e. scFat). Le pourcentage affiché correspond à la quantité de flux totale du système par rapport au système le plus dense (124kgN/ha circulant). • Ce schéma se base sur le modèle stock-flux entre activités (cf. Figure 4). Chaque compartiment (humain, grenier,

tas de fumier, troupeau, sol-plante, marché et biophysique) est représenté par un arc de cercle coloré.

• La taille de l’arc de cercle est proportionnelle à la contribution du compartiment aux échanges dans le système (flux entrants et sortants). Chaque flèche représente le cumul des flux d’N circulant dans le système. Leur épaisseur est proportionnelle à l’importance du flux (en kgN/ha). La bordure des flèches (noire ou grise) marque la différence entre les flux les plus intenses (> 12kgN/ha) et les moins intenses.

5. Discussion générale

Dans les SASP, trois principaux compartiments fonctionnels ont besoin d’être alimentés pour fonctionner et produire : les hommes (la main d’œuvre), les troupeaux et le compartiment sol-plante (Landais, 1992). Depuis les années 1920, le principal fournisseur de biomasses pour l’alimentation humaine représenté est le grenier9 en zone d’habitat (Annexe 4). Le grenier est lui-même entièrement approvisionné par le compartiment sol-plante, localisé en zones cultivées. L’intensité des flux correspondants à ces échanges est proportionnelle à l’augmentation de surface.

Dans les années 1920, tous les troupeaux sont conduits en extensif. Ils alimentent le compartiment « sol-plantes » et réciproquement. Dès les années 1960 se développe la traction animale, et le compartiment fumier est intégré au système (Figure 39). Cela correspond au tas de fumier, accumulant les bouses et refus alimentaires produits à l’étable. Dans les évolutions telles que nous les décrivons entre 1920 et 2010, les animaux sont davantage nourris à partir de fourrages stockés dans les greniers ou achetés au marché (aliments concentrés). La part des déchets domestiques augmente dans les trois trajectoires, notamment dû à l’augmentation de la densité de population. Dans la trajectoire « embouche », on observe une diminution de la fertilisation par dépôt directs des animaux (déjections) au profit d’une augmentation des apports azotés sous forme de fumier (Annexe 4). La contribution des zones d’habitat aux approvisionnements en biomasses des troupeaux augmente à travers les stocks de fourrage et les importations de concentrés. Elle augmente également vis-à-vis de l’approvisionnement des sols, à travers les fumiers et les déchets domestiques épandus sur les champs. L’habitat devient une zone de transit pour la biomasse et donc le principal fournisseur en biomasses au sein des SASP, du fait de sa fonction de regroupement, stockage et redistribution.

Cette évolution correspond à une transition des systèmes d’élevage au pâturage vers des systèmes d’embouche, comme observée dans la zone d’étude par Lericollais (1999) et Sow et al. (2004). Dans les simulations, elle correspond à l’apparition de la pratique d’embouche dans les années 1980, praticable par tous les ménages, sauf les ménages vivriers orientés élevage qui conservent un système d’élevage extensif. Les ménages spécialisés dans cette pratique, i.e. les ménages rentiers orientés élevage gagnent également en importance à cette période. Les animaux embouchés ont un besoin élevé en aliments concentrés et leur introduction participe à l’augmentation de la contribution du « marché » aux flux totaux (Annexe 4 et Annexe 5). De même, les ménages pratiquant l’embouche récoltent une plus grande part de résidus de récolte que ceux qui la pratiquent pas ou peu. Cela correspond aux observations d’Audouin (2014) dans le terroir de Barry et de Dugy (2015) et Saunier-Zoltobroda (2015) dans le terroir de Sob. L’usage des fourrages stockés augmente, et particulièrement les fanes d’arachide (Annexe 4, Annexe 6 et Annexe 8).

Les simulations montrent que la part de résidus de récolte laissée pour la vaine pâture devient insuffisante pour alimenter l’ensemble des troupeaux conduits en extensif. Dans les différentes situations simulées, on observe une adaptation des pratiques d’élevage dues à la pression sur les ressources pâturables. Alors que les ménages modélisés ont pour objectif de répondre aux besoins alimentaires de leurs troupeaux, ils s’orientent vers la complémentation fourragère. L’émondage des arbres se pratique en plus grandes quantités, notamment dans le système traditionnel où la contribution des feuilles d’arbre émondées à la ration des troupeaux passe d’environ 2% entre 1920 et 1980, à 3 - 11% en 2010, selon la trajectoire (Annexe 6). Cela s’observe effectivement sur le terrain par un émondage plus précoce et des ressources plus rapidement épuisées (données d’enquête personnelle). De par leur phénologie, les Faidherbia albida sont en végétation durant la saison sèche ce qui permet d’alimenter les troupeaux en saison sèche, période difficile, durant laquelle leurs feuilles constituent la majorité de la ration10. Ils permettent également d’améliorer la qualité de la ration des troupeaux, du fait de la qualité nutritive de leur feuillage (Friot and Guérin, 2005).

9 Le grenier stocke les produits vivriers à destination de la consommation humaine (e.g. céréales sous forme de grains) mais également les combustibles (bois et bouses) et les fourrages stockés pour l’alimentation des troupeaux (pailles et fanes).

5. Discussion générale

Le développement de l’élevage d’embouche modifie également la gestion de la matière organique. Dans le système traditionnel, les animaux de traction (équidés) ainsi que les petits ruminants sont gardés auprès des habitations (Audouin et al., 2015; Lericollais, 1999). Seuls les équins mâles demeurent la totalité du temps dans les concessions, i.e. en zones habitées, tandis que les autres animaux sont laissés libres la journée. Ainsi, très peu de fumier est produit dans les concessions, en comparaison avec le système d’embouche où l’ensemble des ruminants à l’embouche est gardé dans les concessions. Dans ce dernier cas, les bouses des bovins sont accumulées dans les tas de fumier et non plus déposées directement dans les champs par les animaux. La gestion de la matière organique change. Via la production de fumier, les retours de matière organique ne sont plus directs depuis les animaux vers le sol mais passent par le compartiment tas de fumier. L’homme devient un acteur majeur de la gestion de ce fumier, avec des charges de travail, liées à la gestion de ce fumier, plus importantes (Annexe 7 et §5.3.2).

Ces manipulations et étapes supplémentaires augmentent le risque de pertes d’N vers l’environnement sous forme gazeuse et par lixiviation augmente. Une partie de l’N circulant s’accumule dans les tas de fumier des ménages, localisés dans les zones d’habitat (Annexe 9). Cette accumulation au niveau des ménages se répercute au niveau des terroirs. En conséquence, les systèmes perdent en efficience. Dans les systèmes embouche, seule la bouse est récupérée avec les refus alimentaires. L’urine est laissée sur place dans les étables et l’N s’y volatilise en majorité étant donné la teneur importante en N ammoniacal. Le stockage du fumier est une étape dans laquelle les pertes azotée peuvent être élevées (cf. §5.3.2). Dans les années 1920, les pertes d’N liées à la volatilisation (sous forme de NH3) lors du dépôt des excréments étaient compensées par la fixation d’N (sous forme de N2) des légumineuses et particulièrement des Faidherbia albida. Dans les différents scénarios étudiés, la densité d’arbres diminue entre 1920 et 2010. Le développement de légumineuses telles que l’arachide dans la rotation culturale ne suffit pas à compenser la perte liée à la diminution de densité des arbres concomitante avec l’augmentation des pertes d’N liée à la gestion du fumier. Au cours des trois trajectoires étudiées, les pertes vers l’environnement sont croissantes et de moins en moins compensées par la fixation des légumineuses (Annexe 4).