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3.2 Modèle biomécanique spécifique

3.2.1 Simulation musculo-squelettique

La simulation musculo-squelettique trouve son intérêt dans de nombreux domaines afin d’analy-ser et d’affiner la compréhension de la contribution à des mouvements, de différentes structures biologiques (géométrie articulaire, ligaments, tendons, muscles...) dans le cadre de l’étude cli-nique de pathologies, de l’étude de gestes sportifs ou encore de l’ergonomie au travail. Dans le contexte de la conception d’exosquelette, cet outil permet de fournir des quantités bioméca-niques, des informations utiles et pertinente pour établir le cahier des charges. En revanche, son utilisation requiert encore une expertise non-négligeable. Des outils pour la simulation musculo-squelettique ont été largement déployés comme Opensim (Delp et al., 2007), Anybody (Dam-sgaard et al., 2006), BoB (Shippen and May, 2016), FreeBody (Cleather and Bull, 2015), Pyo-meca (Michaud and Begon, 2018) ou CusToM (Muller et al., 2019b).

Pour mettre en œuvre ces analyses, on a besoin de modèles musculo-squelettiques qui repré-sentent les structures anatomiques du corps humain, voir figure 3.2.1. Globalement, le modèle musculo-squelettique est un système mécanique qui repose sur une structure arborescente de segments rigides reliés par des articulations et actionnés par des muscles. Un tel modèle pré-sente donc trois niveaux descriptifs de paramètres couplés entre eux. Premièrement, le niveau géométrique (longueurs des segments, centres articulaires...) correspondant au modèle ostéo-articulaire, aussi appelé chaîne cinématique. Deuxièmement, on trouve le niveau inertiel pa-ramétré par les masses, les inerties et les positions des centres de masse des segments. Enfin le niveau musculaire, ce dernier mélange les paramètres géométriques (origine / insertion des

Modèle

Géométrique ModèleDynamique ModèleMusculaire

Modèle Musculo-Squelettique

FIGURE3.2.1 – Illustration des trois niveaux de modélisation musculo-squelettique représentant

les structures anatomiques du corps humain.

chefs musculaires, points de passage) et les paramètres de génération de force des modèles mus-culaires (force isométrique maximale, longueur du tendon...). Les valeurs des paramètres des trois couches doivent être représentatives du sujet en cours d’étude pour effectuer les étapes de calcul de la simulation musculo-squelettique.

Comme présenté dans la section 2.3.1, différentes méthodes sont employées pour traiter des problèmes de biomécanique à savoir les méthodes inverses et les méthodes directes. Leurs utili-sations dépendent des données expérimentales disponibles et de la question de recherche asso-ciées.

Méthodes inverses

Les méthodes inverses s’appliquent lorsque des données du mouvement et d’efforts extérieurs ont été collectées. Les méthodes inverses permettent d’aller jusqu’à l’estimation des efforts mus-culaires. Des données de capture de mouvement opto-électroniques permettent d’obtenir des positions 3D de marqueurs Xexpqui varient au cours du temps. Ces données permettent de réa-liser une première étape de cinématique inverse qui consiste à calculer les positions articulaires et leurs dérivées temporelles associées q, ˙q, ¨q. Cette étape repose sur une optimisation qui mi-nimise l’erreur quadratique entre les positions expérimentales Xexp et les positions modélisées Xmod calculées par géométrie directe (Lu and O’Connor, 1999; Andersen et al., 2009), voir Figure 3.2.3. Ce problème peut être traité grâce à l’utilisation de matrices jacobiennes (Muller et al., 2017b) ou de filtres de Kalman (Bonnet et al., 2017). Les positions articulaires et ses déri-vées temporelles associées q, ˙q, ¨q peuvent être aussi estimées à partir de données de captures de mouvement issues de systèmes à bas coût comme des caméras RGB ou des centrales inertielles (Samy et al., 2019).

𝑞, ሶ𝑞, ሷ𝑞 Forces musculaires 𝐹𝑚𝑡 Couples articulaires 𝜏 Forces musculaires 𝐹𝑚𝑡 Couples articulaires 𝜏 𝑞, ሶ𝑞, ሷ𝑞

FIGURE3.2.2 – En haut, données lors de simulations de dynamique directe. À chaque pas de

temps, le schéma d’intégration calcule les forces musculaires et la cinématique des articulations en utilisant les états musculaires et cinématiques du pas de temps précédent. En bas, données pour la dynamique inverse. L’historique de la cinématique articulaire et des charges externes est introduit dans des équations algébriques pour résoudre les couples articulaires

FIGURE 3.2.3 – Illustration de la cinématique inverse avec CusToM. Les marqueurs

expéri-mentaux Xexpsont bleus et les marqueurs du modèle Xmodsont oranges. Figure réalisée avec GIBBON (M Moerman, 2018).

La seconde étape repose sur les données q, ˙q, ¨q et la mesure des efforts extérieurs fext. Les efforts extérieurs peuvent être mesurés avec une plateforme de force ou estimés à partir d’un modèle de contact (Muller et al., 2019a). On peut alors appliquer le calcul de dynamique inverse grâce à l’algorithme itératif de Newton-Euler (Featherstone, 2008). Ainsi, les couples articulaires sont calculés et permettent une analyse dynamique du mouvement. Quelle que soit la méthode

employée, les équations de la dynamique d’un système peuvent s’écrire sous la forme suivante :

H ¨q + C = RFmt+ fext+ KTλ (3.1)

Avec, H la matrice de masse généralisée du système, C le vecteur des termes dépendant de la vitesse (forces de d’entrainement et de pesanteurs), RFmt les contributions musculaires géné-ralisées calculées à partir de la matrice des bras de levier R et des forces musculo-tendineuses Fmtvoir section 3.2.4, pour plus de détails. KT la matrice jacobienne des contraintes cinéma-tiques et de corps rigides, λ les multiplicateurs de Lagrange associés aux efforts de cohésion du système. Pour le cas de la dynamique inverse, on peut alors calculer les couples articulaires τDI tel que :

τDI = RFmt+ KTλ = H ¨q + C − fext (3.2)

Enfin la dernière étape consiste à répartir la contribution de chaque muscle dans l’actionnement, i.e., le couple articulaire de chaque articulation. Comme l’actionnement du corps humain est redondant - environ 630 muscles pour 244 degrés de liberté dans tout le corps (Prilutsky and Zatsiorsky, 2002) - il, n’y a pas de solution unique pour ce problème. On résout généralement ce problème à l’aide d’une optimisation qui minimise une fonction de coût qui peut être une modélisation de l’activité musculaire (Crowninshield and Brand, 1981), des efforts musculaires, ligamentaires et contacts articulaires (Dumas et al., 2019) ou de la fatigue (Pereira et al., 2010). Un tel problème est généralement nommé optimisation statique basée sur la dynamique inverse, c’est-à-dire que le calcul est réalisé à chaque instant du mouvement. Pour des systèmes en boucle ouverte, on peut résoudre le problème en posant :

min a J (Fmt(a)) s.t. R(q)Fmt = τDI 0 < a < 1 0 < Fmt< Fmtmax h(Fmt, q) = 0 g(Fmt, q) ≤ 0 (3.3)

Avec a les activations musculaires, J (Fmt(a)) une fonction objectif, soumise à un ensemble de contraintes d’égalité h et d’inégalité g et des valeurs limites inférieures et supérieures. Les bornes sur les forces musculaires Fmtpermettent de garantir que les muscles ne travaillent qu’en traction et les bornes l’activation permettent d’assurer que le niveau de la force ne dépasse pas sa valeur maximale. Enfin, il est à noter que dans le cas des chaînes cinématiques avec des boucles fermées, les étapes de dynamique inverse et de répartitions des forces musculaires doivent être réalisées conjointement (Damsgaard et al., 2006; Moissenet et al., 2014).

Méthodes directes

Les méthodes directes sont utilisées pour faire de l’analyse et de la synthèse de mouvement. Les accélérations sont estimées afin d’intégrer ces dernières dans le calcul de l’état du système

qT, ˙qTT

à l’instant suivant. Ainsi, cela peut s’écrire sous une forme générale d’après Feathers-tone (2008) :

¨

q = H−1 RFmt+ fext+ KTλ − C

(3.4) Dans le cas de l’analyse musculo-squelettique, l’activité électrique des muscles est utilisée pour simuler le mouvement. Cette activité est mesurée à l’aide d’électromyogrammes (EMG), souvent placés à la surface de la peau. Ces méthodes peuvent aussi reposer directement sur les contri-butions musculaires généralisées, comme les moments articulaires. Les moments sont souvent utilisés en robotique pour la dynamique directe mais dans le cadre de la biomécanique, il est difficile d’accéder à ces quantités facilement. Reposant principalement sur l’activité musculaire, les méthodes directes fournissent une estimation des efforts musculaires qui respectent la phy-siologie musculaire. En revanche, il n’y a pas de garantie que le mouvement généré soit réaliste. Par conséquent, les méthodes directes sont généralement dites assistées. La cinématique q, ˙q, est obtenue par intégration numérique et comparée à des données expérimentales obtenues par ciné-matique inverse. Un processus d’itération met à jour les données d’entrée (activités musculaire, forces musculaires ou moments articulaires) afin que la cinématique soit la mieux reproduite possible (Thelen, 2003). Ces méthodes présentent des limitations. Le calcul requiert des intégra-tions numériques multiples qui introduisent une instabilité numérique importante. Cela introduit une incertitude importante dans le calcul.

Dans le cas de la synthèse de mouvement, aucune donnée expérimentale n’est disponible. Une stratégie sous forme de contrôleur ou de commande optimale peut être employée pour générer un mouvement. Tous les calculs sont basés sur la dynamique directe. Ce type de stratégie est une simulation sans données expérimentales de référence. Le but est donc de prédire un mouvement plutôt que de l’analyser. Ces simulations ont l’avantage de pouvoir tester des modifications d’un modèle musculo-squelettique pour une tâche donnée. C’est la raison pour laquelle la synthèse de mouvement par contrôle optimal est prometteur pour l’optimisation de conception de dispositifs tel que les exosquelettes (Serrancoli et al., 2019) ou les fauteuils roulants (Hybois, 2019).

Enfin, les méthodes directes nécessitent un modèle de contact qui est indispensable pour estimer les forces extérieures et qui introduit des incertitudes supplémentaires. Ces méthodes sont très gourmandes en temps de calcul du fait des intégrations multiples à chaque pas de temps et le résultat reste sensible à la solution initiale choisie en entrée et aux fonctions de coût choisies.

Limites des modèles musculo-squelettiques en terme de mise à l’échelle

La plupart des modèles musculo-squelettiques issues de la littérature, en analyse ou synthèse de mouvement sont généralement fournis avec des jeux de paramètres "par défaut". Ces paramètres sont estimés sur la base d’études cadavériques (Arnold et al., 2010) ou par imagerie (Rajagopal et al., 2016). Ces modèles sont importants surtout pour leurs mesures de la topologie muscu-laire et leurs paramètres de génération de force. La plupart de ces modèles sont construit sur la base d’un unique cadavre (Brand et al., 1982; Klein Horsman et al., 2007; Carbone et al., 2015). Seulement deux études revendiquent des modèles basés sur des cohortes de 21 sujets cadavériques (Arnold et al., 2010) et 24 sujets par imagerie (Rajagopal et al., 2016), cependant

le mécanisme qui permet d’en faire un modèle moyen reste peu clair. Un modèle moyen étant un modèle qui est censé représenter en moyenne la population sur laquelle les mesures ont été effectuées. De plus, ces modèles résultent de données agrégées principalement sur des sujets ca-davériques âgés. Ainsi, ces modèles ne sont pas représentatifs d’une population de soldat, mais des individus utilisés pour construire ces modèles.

C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’utiliser des méthodes de mise à l’échelle (dites de calibration) des modèles pour que les modèles puissent être représentatifs d’un individu pour la simulation et analyse musculo-squelettique personnalisée. Ainsi, on présentera successive-ment dans les prochaines sections, les méthodes de mises à l’échelle personnalisées des modèles musculo-squelettiques pour les paramètres géométriques dans la sous-section 3.2.2, pour les paramètres inertiels dans la section 3.2.3 et pour les paramètres musculaires dans la sous-section 3.2.4.