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On présentera dans cette section les intérêts de son utilisation pour l’évaluation des exosque-lettes. Les fondements scientifiques de l’analyse musculo-squelettique seront précisés à la section 3.2.1.

2.3.1 Analyse musculo-squelettique pour l’évaluation et la conception

Le modèle musculo-squelettique permet de tenir compte des différentes structures anatomiques d’un sujet sous la forme d’un modèle mécanique composé de segments polyarticulés actionnés par des lignes d’actions musculaires. Des calculs par méthode directe ou par méthode inverse sont alors effectués pour accéder aux variables biomécaniques comme les efforts couples articu-laires et les forces muscuarticu-laires.

Grâce à des hypothèses sur les lois de comportement, on modélise les muscles, représentés par des lignes d’action, qui transfèrent leurs forces aux articulations par l’intermédiaire de bras de levier. Cela permet de calculer des couples articulaires mais aussi des efforts de contact qui té-moignent de la compression des articulations.

FIGURE 2.3.1 – Illustration du principe des méthodes inverses et méthodes directes avec un

modèle musculo-squelettique.

Plusieurs approches sont disponibles pour réaliser une analyse musculo-squelettique. Les mé-thodes directes ou les mémé-thodes inverses permettent d’estimer les variables biomécaniques en mesurant soit l’activité électrique des muscles, soit les données de mouvements (Erdemir et al., 2007), voir figure 2.3.1. Les méthodes directes se proposent de piloter la simulation de la com-mande du muscle. A contrario, les méthodes inverses reposent sur la mesure de données de capture de mouvement et de plateformes de force proposant de remonter à une solution qui sa-tisfait les équations de la dynamique.

Les méthodes inverses sont principalement déployées dans le cadre de l’évaluation en labora-toire car des moyens de mesures tels que des systèmes opto-électroniques et des plateformes de

forces y sont classiquement installées et permettent de mesurer le mouvement et les efforts exté-rieurs appliqués sur un sujet. Ainsi, cette méthode est pertinente pour l’évaluation biomécanique des performances des exosquelettes au cours de leur conception ou après leur commercialisa-tion. Cette manière de faire a aussi l’avantage de permettre de tester le dispositif sur un nombre important de sujets pour vérifier ses performances.

Quant à elles, les méthodes directes permettent de calculer le mouvement d’un modèle musculo-squelettique à partir de l’activation musculaire. C’est ainsi que l’humain actionne son corps pour réaliser une tâche ou un mouvement par l’intermédiaire de son système nerveux central. Cette méthode est moins adaptée pour l’évaluation en laboratoire en raison de temps de calcul plus im-portants que les méthodes inverses et une complexité algorithmique supérieure. Néanmoins, elle est plus adaptée à la simulation de mouvement, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de faire interagir le corps humain avec un système. Ainsi cette méthode est adaptée pour le prototypage virtuel, c’est à dire pour l’évaluation d’exosquelettes en amont de la fabrication. L’approche par simulation présente l’avantage de pouvoir tester différentes configurations ou différents choix de concep-tion sans nécessiter la fabricaconcep-tion de prototypes physiques.

On notera qu’il existe aussi des méthodes hybrides. Il peut s’agir alors de méthodes directes où les activités musculaires sont contraintes par des données de mouvement (Remy and Thelen, 2009; Sartori et al., 2014; Pizzolato et al., 2015) ou bien des méthodes inverses où les activités musculaires contraignent le calcul des forces musculaires (Nakamura et al., 2005).

Quelle que soit la méthode employée, l’évaluation d’un exosquelette d’assistance à la locomo-tion par analyse musculo-squelettique, par methode inverse ou méthode directe, doit permettre de vérifier si une ou plusieurs variables biomécaniques telles que les forces musculaires, les couples articulaires et/ou les forces de contacts sont diminués grâce au port de l’exosquelette. Alors dans ce cas, le port de cet exosquelette présentera un bénéfice pour son utilisateur. Ainsi, l’analyse musculo-squelettique ne sert pas uniquement à l’évaluation. Elle devient un outil pour la conception et le prototypage des exosquelettes et s’intègre pleinement dans le cycle de concep-tion des produits en limitant les coûts et le temps de développement.

Enfin, comme expliqué en introduction (chapitre 1), les modèles musculo-squelettiques repré-sentent des utilisateurs (Rassmussen et al., 2005). Dans le cadre de l’évaluation personnalisée d’un exosquelette après fabrication, il faut donc un modèle personnalisé associé à cette analyse. L’ajustement des paramètres du modèle (géométriques, inertiels et musculaires) a une influence sur les calculs par méthode inverse et directe (Muller et al., 2017b). Ainsi, disposer de méthodes performantes de mise à l’échelle des modèles musculo-squelettiques est essentiel pour l’évalua-tion d’un exosquelette. Ces aspects seront plus précisément développés dans les secl’évalua-tions 3.2.2, 3.2.3 et 3.2.4.

Par ailleurs, il est important de disposer de modèles musculo-squelettiques génériques et repré-sentatifs de la population à assister dans le cadre d’un usage en conception. Par exemple, il est important de pouvoir simuler le fonctionnement d’un exosquelette sur différentes tailles de

su-jet, masses de sujet ou différentes capacités de génération d’efforts articulaires, pour s’assurer que les prototypes virtuels d’exosquelette prévus puissent répondre au cahier des charges de sa conception pour l’ensemble d’une population. C’est la raison pour laquelle on développera un état de l’art sur les modèles biomécaniques génériques pour représenter une population à la section 3.3.

2.3.2 Prototypage virtuel - exemples d’évaluation d’exosquelette

L’analyse musculo-squelettique a déjà permis d’évaluer les effets du port d’un exosquelette. Par exemple, elle a été utilisée pour montrer que le moment d’abduction du genou était significati-vement réduit par le port d’un exosquelette durant la phase d’appui de la marche. L’exosquelette exploité dans cette étude permettait alors d’apporter une assistance favorable lors de la marche (McGibbon et al., 2017).

Dans la pratique, les études pour la conception d’exosquelette se sont principalement basées sur des données enregistrées lors d’expériences de capture de mouvement sans exosquelette (Dem-bia et al., 2017; Kim et al., 2017; Nguyen et al., 2018). Reposant sur une méthode inverse, ces études font alors l’hypothèse que l’ajout d’un exosquelette ne modifie pas significativement la cinématique du sujet (Sawicki and Ferris, 2008; Zhao et al., 2019) pour aller jusqu’au calcul des efforts musculaires. L’assistance apportée par l’exosquelette est ainsi virtuellement ajoutée au niveau des articulations pour évaluer son effet sur la tâche mesurée.

Dans un exemple récent d’usage de la simulation musculo-squelettique pour le prototypage, des auteurs (Dembia et al., 2017) se sont basés sur 7 sujets portant des sacs de 38 kg pour évaluer les effets d’une assistance articulaire virtuelle et ainsi fournir des consignes de conception pour les exosquelettes pour le port de charge. Dans cette étude, les dispositifs de flexion de la hanche, de flexion du genou et d’abduction de la hanche ont principalement réduit les efforts muscu-laires. L’assistance de l’abduction de la hanche présentait le plus grand bénéfice de puissance gagnée par rapport à la puissance apportée. Les auteurs ont aussi rapporté que l’assistance au ni-veau d’une articulation avait une influence sur les activités musculaires qui participent à d’autres articulations. D’où la nécessité de considérer un membre entier lors de la conception d’un exos-quelette. Ainsi, cette étude permet de déterminer quels sont les articulations les plus importantes à assister lors du port de charge.

Dans un autre exemple, l’analyse musculo-squelettique a permis d’ajuster le choix des action-neurs en faisant un compromis poids-puissance tel qu’ils permettent de limiter la force muscu-laire développée par son utilisateur (Kim et al., 2017). Les auteurs se sont basés sur des tâches de manutention et de marche d’un unique sujet pour adapter le choix de l’actionneur tout en ajoutant la masse des différents actionneurs aux calculs de dynamique. Ils ont pour cela utilisé une régression polynomiale pour obtenir une expression qui fournit la puissance en fonction de la masse de l’actionneur à partir de quelques références de moteurs plats. Ce type d’étude est particulièrement pertinent pour optimiser le rapport poids-puissance des actionneurs dans le cadre de la conception d’un exosquelette.

Ainsi, ces quelques exemples non-exhaustifs permettent de montrer que la simulation musculo-squelettique est un outil extrêmement utile pour l’évaluation et la conception des exosquelettes. La présente section a permis de montrer les enjeux de santé, les enjeux opérationnels et les en-jeux de prototypage autour du port d’exosquelette du soldat. Au regard de ce contexte général, on définira dans la section suivante, les enjeux scientifiques de la thèse en lien avec la modélisation musculo-squelettique.