• Aucun résultat trouvé

3.2 Modèle biomécanique spécifique

3.3.1 Caractérisation anthropométrique de population

L’anthropométrie consiste à effectuer des mesures sur un individu. Collecter sur un grand nombre de personnes, cela permet de comprendre les variations physiques humaines. Au travers des don-nées statistiques collectées, la répartition des mesures dans la population fournit une aide pour la conception ou le dimensionnement de produit comme par exemple le choix des tailles de

vête-ments (apparel industry, sizing), les dimensions de véhicules. Pour la conception d’exosquelette, ces mesures sont essentielles pour anticiper les dimensions des dispositifs de contention ou les amplitudes de fonctionnement des actionneurs. Afin de choisir les bonnes dimensions pour la conception, plusieurs étapes sont nécessaires : i) il faut collecter des données sur des populations représentatives ; ii) il faut identifier les variables qui vont servir à dimensionner notre produit ; iii) il faut identifier des groupes dont les mesures sont similaires. Dans les paragraphes ci-dessous, on présentera ces trois étapes.

Il existe des bases de données anthropométriques qui ont été collectées dans différents pays et sur différentes populations. Elles permettent de capturer la variabilité anthropométrique selon l’âge, le sexe, l’ethnie, ou encore selon l’activité professionnelle. On pourra notamment citer les bases de données américaines ANSUR I (Gordon et al., 1989) et plus récemment ANSUR II (Gordon et al., 2014) qui contiennent des mesures sur 8357 sujets de l’armée américaine. On peut citer aussi la base de données internationale CAESAR qui contient 40 mesures sur 4400 sujets pro-venant d’Europe et des États-Unis. Ces bases de données sont composées de mesures dites 1D réalisées à l’aide d’outils classiques de l’anthropométrie (mètre ruban, pied à coulisses, etc..) et pour les plus récentes de mesures d’enveloppes corporelles 3D réalisées à l’aide de scanners. Ces dernières permettent de mieux capturer la variabilité anthropométrique et morphologique des individus par rapport à des mesures unidimensionnelles (Huysmans et al., 2020). Ces bases de données sont mises au service de la conception de produits pour la population visée.

La deuxième étape consiste à identifier les variables d’intérêts pour le dimensionnement et les valeurs qui vont représenter un groupe. Lorsque peu de mesures sont incluses, on peut identifier intuitivement les mesures pertinentes. A l’inverse, lorsqu’un nombre important de mesures est inclus dans la conception, on peut utiliser des techniques de réduction de données pour identifier les variables pertinentes. Dans le cas où l’on identifie les mesures d’intérêt, on peut par exemple choisir de dimensionner un exosquelette grâce à la hauteur de la jambe. Les 5eet 95epercentiles des mesures permettent exclure des indivudus de la conception. Cette méthode est très pratique lorsque l’on s’intéresse à une valeur unique ou lorsqu’on s’intéresse à deux valeurs qui n’ont pas lien entre elles dans le dimensionnement du produit (Robinette, 2012). Lorsque deux me-sures sont nécessaires au dimensionnement, on peut représenter les données sur un graphique en ellipse, voir Figure 3.3.1. L’intersection entre les 5e percentile et 95e percentile permet de représenter 82 % de la population. Plus on ajoute de mesures, plus ce nombre diminue. Ainsi, la combinaison des mesures restreint la proportion de personnes concernées. Lorsque l’on a beau-coup de mesures incluses dans la conception de produit, cette méthode n’est pas adaptée.

Lorsque beaucoup de mesures sont nécessaires pour la conception, on s’intéresse à la variation anthropométrique globale selon toutes les mesures. Une alternative au choix de mesures perti-nentes peut être l’utilisation de l’analyse en composantes principales (Robinette, 2012; Blan-chonette, 2013; Löffler-Wirth et al., 2016; Arunachalam et al., 2020). En effet, cette dernière permet à la fois de comprendre les relations entre les mesures importantes et réduire le nombre de dimension du problème, ce qui peut rendre une base de données de mesures plus maniable selon un nombre réduit de variables. On détaillera plus amplement le principe de l’analyse en

FIGURE3.3.1 – Fréquence de distribution à deux variables (masse, taille) de la base de données CAESAR pour les femmes américaines (Robinette, 2012)

composantes principales par la suite à la section 4.1.2. De plus, l’analyse en composantes prin-cipales permet d’établir des modes de variation. Ces modes sont des combinaisons linéaires des variables, ils peuvent être associés à la taille globale ou à la largeur des individus. Ces modes permettent de manipuler plus facilement les mesures d’une base de données et d’expliquer les variations physiques de la population étudiée.

La troisième étape consiste à définir des groupes dont les mesures sont similaires. Par exemple, cette étape permet d’identifier différentes tailles de vêtements de travailleurs (Stewart et al., 2017) ou de casques pour des cyclistes (Ellena et al., 2017), en fonction des morphologies. Dans le cadre de la conception d’exosquelette, on peut envisager d’avoir besoin de différentes tailles de dispositifs ou différentes formes de contention qui épousent les membres des utilisa-teurs. Pour cela, les méthodes de clustering permettent de séparer des groupes d’individus de manière objective comme le k-means clustering ou la carte auto-adaptative. Ces deux exemples permettent ainsi d’identifier des besoins différents en terme de conception pour ces groupes identifiés. Grâce à ces groupes, on peut alors établir des modèles moyens de ces groupes pour réaliser une conception adaptée.

Grâce à l’anthropométrie, on a vu que l’on pouvait obtenir des modèles moyens représentatifs d’une population qui peuvent être utiles pour la conception. Ces outils peuvent aussi servir à l’établissement de modèles musculo-squelettiques qui représentent des groupes de population

particuliers. Ainsi, les méthodes présentées ici sont essentielles dans le cadre de cette thèse pour établir un modèle musculo-squelettique générique du soldat. Par exemple, Miehling (2019) a proposé des modèles musculo-squelettiques génériques qui reposent sur des données anthropo-métriques de la population allemande. Cet auteur a proposé 200 modèles musculo-squelettiques pour la population allemande (101 hommes et 99 femmes). La masse et la taille ont été calculées selon la distribution dans la population. Cette approche est ainsi particulièrement pertinente pour la conception de produit.

Dans cette section, on a vu que l’anthropométrie pouvait apporter des solutions pour établir des modèles génériques propres à une population. Elle apporte notamment des solutions pour les paramètres géométriques et inertiels des modèles musculo-squelettiques sur la base de données anthropométriques. Pour les paramètres musculaires, Miehling (2019) propose d’utiliser des couples articulaires maximaux issus d’une base de données pour mettre à l’échelle les paramètres musculaires de chacun de ces modèles génériques. Dans la prochaine section, on explore les représentations des efforts articulaires qui permettent de représenter des populations.