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Simulation des spectres d’émission résolus en vibration (VRES)

Chapitre 2 : Théorie et méthodes

2.9 Simulation des spectres d’émission résolus en vibration (VRES)

considère que l'état émissif est totalement relaxé sur sa SEP et qu'il n'y a aucun mouvement des noyaux durant la désactivation radiative de l'électron. De plus, la ZPE n’est pas prise en compte. Durant un transfert électronique très rapide, les noyaux restent immobiles. Ceci constitue l'approximation Franck-Condon classique. En réalité, après la transition électronique, les noyaux des complexes vibrent autour de leurs positions d'équilibre. Selon la température, la désactivation radiative se produit depuis un des premiers états vibrationnels de l'état excité vers les différents états vibrationnels de l'état fondamental. Le spectre d'émission global d'un échantillon va être composé de toutes ces transitions. La formulation quantique du principe de Franck-Condon est que l'intensité de la transition vibronique va être proportionnelle au carré de l'intégrale de recouvrement entre les fonctions d'ondes vibrationnelles des deux états impliqués dans la transition et pour lesquels les moments dipolaires sont approximés comme étant identiques. On nomme cette intégrale de recouvrement le facteur de Franck-Condon. Outre la proportionnalité aux facteurs de Franck- Condon, l'intensité d'une transition dépend surtout des règles de sélection spectroscopique de spin, de celles de Laporte, ainsi que de l’importance du module des composantes du moment dipolaire de transition électrique entre l’état fondamental et l’état excité (absorption) ou entre l’état excité et l’état fondamental (émission).

Dans l’ensemble de nos travaux, nous ne considérons que des phénomènes de phosphorescence, interdits par le spin. Ceci ne présente pas de problème car nous ne discutons pas des intensités absolues des spectres obtenus. En revanche, nous nous intéressons à leur forme et celles-ci ne sont pas dépendantes du module du moment dipolaire de transition

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électrique mais uniquement des vibrations. Nous fixons chaque composante de ce moment comme étant égale à un. Toutefois, si besoin était, nous pourrions calculer le couplage spin- orbite de l’état excité triplet pour obtenir son moment dipolaire et quantifier l’intensité des transitions.

Pour déterminer les VRES de nos systèmes, nous avons employé les programmes FCclasses [42] et Orca_asa [43] qui travaillent dans le cadre de l'approximation harmonique. Ces programmes sont conçus pour calculer les facteurs de Franck-Condon et donc les transitions vibroniques qui couplent un état initial à un état final. Nous avons calculé des VRES à partir de couples 3MLCT/EF ou encore 3LC/EF. Pour pouvoir procéder à de tels calculs, il est nécessaire de connaître : (i) les coordonnées cartésiennes de chaque atome et leur masse atomique (ii) la différence d’énergie adiabatique entre les deux états étudiés (iii) les fréquences qui leur sont associées (iv) les moments dipolaires de transition électrique.

En pratique, nous n'utilisons le programme FCclasses que pour déterminer les « déplacements chimiques adimensionnels ». Ces déplacements sont déterminés à partir des coordonnées cartésiennes et des fréquences de chaque état. Il s'agit de projeter la structure de l'état initial sur celle de l'état final en suivant les modes normaux. On emploie ensuite ces déplacements dans le fichier input du programme Orca_asa. On vérifie systématiquement que l'énergie de réorganisation calculée par ces programmes est proche de celle que l'on obtient en DFT en calculant la différence d'énergie entre l'état fondamental et l'état singulet à la géométrie de l'état excité triplet. On s’assure ainsi que l’on peut bien travailler dans le cadre de l’approximation harmonique. Si celle déterminée par le programme est absurde, il se peut que celui-ci ait rencontré des difficultés pour projeter la structure d’un état à l’autre avec des coordonnées cartésiennes. Pour palier ce problème, il est possible de passer en coordonnées internes. Une fois qu’un nouveau jeu de coordonnées est établi, les programmes calculent les facteurs de Franck-Condon à partir desquels il est possible de tracer les VRES.

Il est indéniable que le programme FCclasses prend en compte plus de paramètres que le programme Orca_asa mais il en résulte que les temps de calcul sont considérablement plus importants. En effet, contrairement à FCclasses, le programme Orca_asa travaille dans l’approximation parallèle dans laquelle les coordonnées des modes normaux de vibration Qx

de l’état initial sont considérés comme étant identiques aux coordonnées Q’x de l’état final.

Pour vérifier si nous pouvons travailler dans cette approximation, nous avons choisi de comparer les VRES obtenus par chacun de ces programmes. Nous avons optimisé et calculé les fréquences de l’état fondamental de symétrie D3 ainsi que de l’état 3MLCT de symétrie C2

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figure 2.1. Comme nous pouvons le constater, ces deux spectres sont similaires. Cependant, sur un monoprocesseur, une dizaine de jours ont été nécessaires pour obtenir le VRES avec FCclasses contre quelques secondes avec Orca_asa. Pour ce type de système, il semble que le programme Orca_asa est amplement suffisant et que l’on peut travailler sans crainte dans l’approximation parallèle. Pour cette raison, nous n’utiliserons que celui-ci par la suite.

Nous avons employé Orca_asa dans sa version Independent Mode Displaced Harmonic Oscillators with Temperature (IMDHOT) qui s’appuie sur une distribution de Boltzmann pour simuler les effets de la température. On présente sur la figure 2.2 un exemple de spectre photoélectronique avec ses contributions liées à la température.

Dans la version IMDHOT, le programme continue de travailler dans l’approximation parallèle mais ne considère plus que la différence d’énergie entre les modes normaux Q1 et Q2

de l’état fondamental est la même que celle entre les modes normaux Q’1 et Q’2 de l’état

excité. Comme nous allons le voir à travers l’exemple du complexe [Ru(bpy)3]2+, il est ainsi

possible de simuler les effets de la température de manière très satisfaisante. A partir du couple EF/3MLCT déterminé précédemment pour ce complexe, nous avons tracé les VRES à 100 K, 170 K et 300 K. Ces VRES, présentés sur la figure 2.3, sont remarquables puisqu’ils reproduisent bien les spectres d’émission obtenus expérimentalement par Harrimann et al [44] à ces mêmes températures.

Lorsque la température augmente, il a été observé expérimentalement une perte de la structure du spectre d’émission. Cette déstructuration est bien modélisée par le calcul. Par ailleurs, les énergies obtenues sont proches des valeurs expérimentales. A 300 K, notre modélisation indique une légère structure résiduelle. Celle-ci n’est vraisemblablement pas détectable expérimentalement.

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Figure 2.2 : contribution de la température à un spectre photoélectronique. Avec χ’ et χ’’ les

fonctions d’ondes vibrationnelles, ΔQ le déplacement de la géométrie d’équilibre de l’état ciblé selon la coordonnée normale Q, <χ’|χ’’> le facteur de Franck-Condon, Ei l’énergie des

niveaux vibrationnels, IE la différence d’énergie adiabatique. Figure extraite de [45].

Figure 2.3 : comparaison entre les spectres d’émission expérimentaux du complexe

[Ru(bpy)3]2+ réalisés à 100 K, 170 K et 300 K [44] (en bas, de gauche à droite, enveloppe

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Au cours de nos travaux, nous avons systématiquement conservé les mêmes paramètres de demi-largeur de bande à mi-hauteur pour simuler les VRES (200 cm-1).

Souhaitant tester la simulation de VRES pour un état de nature 3LC, nous nous sommes intéressés au complexe [Rh(bpy)3]3+ qui possède un spectre d’émission très

caractéristique [46, 47]. Nous avons donc optimisé et calculé les fréquences de l’état fondamental de symétrie D3 et de l’état 3LC de symétrie C2 de ce complexe. Encore une fois

la comparaison entre le VRES obtenu et le spectre d’émission expérimental présentée sur la figure 2.4 est très satisfaisante, que ce soit pour la forme ou les énergies des bandes calculées. Nous avons ajouté sur cette figure la différence d’énergie adiabatique E00 entre l’état 3LC et

l’état fondamental ainsi que l’énergie d’émission déterminée à partir de l’état 3LC par un calcul ΔSCF. De cette manière, on remarque que le E00 ne contribue pas au VRES du

complexe [Rh(bpy)3]3+ et que la modélisation de ce VRES permet d’améliorer l’accord

théorie expérience sur l’énergie d’émission par rapport au calcul ΔSCF.