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Simulation de l’évolution temporelle de la tension d’actionnement

Comparaisons simulation-mesure

Le modèle donne accès à la localisation de la charge dans toute l’épaisseur du diélectrique en fonction du temps. L’impact de cette charge sur la tension d’actionnement peut donc être estimé lors des simulations. Le calcul est réalisé en sommant toutes les contributions de la charge sur les 𝑁 tranches du diélectrique [13] [40]:

𝛥𝑉 = 1

𝜀0𝜀𝑟∑ 𝜌𝑖 𝑑𝑥 𝑑𝑖

𝑖 (70)

avec 𝑑𝑖 la distance entre l’électrode inférieure et la densité surfacique de charges 𝜌𝑖 (Figure 105). Le modèle étant unidimensionnel, la charge est supposée répartie uniformément dans le plan du diélectrique. Pour les dispositifs étudiés, les mesures montrent que la charge injectée dans le diélectrique est uniformément répartie. Les résultats de simulation peuvent donc être comparés aux résultats de mesures.

Figure 105 : Calcul du décalage de la tension d’actionnement

Lorsque le MEMS est à l’état bas, des électrons peuvent être injectés dans le diélectrique par l’électrode supérieure. Lorsque la tension est coupée, l’électrode remonte, aucun électron ne peut être injecté mais ils peuvent se déplacer dans le diélectrique. On observe sur la Figure 102 que la tension d’actionnement ne diminue pas après la défaillance du dispositif. Le diélectrique ne semble pas se décharger, les porteurs ne peuvent pas atteindre l’électrode inférieure. Ceci est

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confirmé par l’impossibilité d’actionner le composant à 60 V après une journée de repos. La décharge s’effectue très lentement, elle est donc négligée pour les simulations de cyclage d’un MEMS. Seul le temps d’actionnement cumulé est considéré. Mellé et al. [78] utilisent également cette approche en considérant uniquement le temps total de stress du diélectrique pour simuler le décalage de la tension d’actionnement.

Des simulations ont été réalisées afin d’étudier l’évolution de la tension d’actionnement en fonction du temps. Le modèle permet de reproduire les résultats de mesures de tension d’actionnement en fonction du temps pour plusieurs valeurs de champ électrique appliqué (Figure 106). Les valeurs de paramètres sont données dans le Tableau 16.

Figure 106 : Comparaison simulation-mesure du décalage de la tension d’actionnement - Echantillon : 𝑆𝑖3𝑁4 déposé par PECVD à 340°C

132 Paramètre Hauteur de la barrière TAT 𝜙B Hauteur de la barrière Schottky 𝜙0 Densité de pièges 𝑁𝑝 (pour 𝑑𝑧 = 0,5 Å) Energie de pièges 𝜙p Valeur 1,48 eV 1,3 eV 1 × 1016/m2 0,7 eV Section efficace de capture 𝑆𝑝 Permittivité dans le volume Permittivité aux interfaces Masse effective 𝑚 Mobilité 𝜇 0,3 × 10−23m² 6,9 7,5 0,6 m0 1. 10−16m2. V−1. s−1

Tableau 16 : Paramètres utilisés pour les simulations du décalage de la tension d’actionnement en fonction du temps pour les MEMS RF capacitifs - Echantillon : 𝑆𝑖3𝑁4 déposé par PECVD à

340°C

Figure 107 : Courant simulé pour les MEMS RF capacitifs - Echantillon : 𝑆𝑖3𝑁4 déposé par PECVD à 340°C

Discussion

De la même façon que pour l’étude des capacités MIM, certaines valeurs de paramètres utilisées pour les simulations ont été déterminées grâce aux mesures, comme l’énergie moyenne du piège ou la permittivité du diélectrique (Tableau 10 et Tableau 11), ou grâce aux données de la littérature comme la masse effective des porteurs ou la densité de pièges. D’autres ont été

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ajustées avec les mesures de décalage de la tension d’actionnement. Avec ces paramètres, les valeurs de courant obtenues par les simulations sont faibles et diminuent très rapidement (Figure 107). Le courant traversant les MEMS RF capacitifs lors d’une phase de charge semble donc différent de celui dans les capacités MIM. Ceci a précédemment été observé dans la littérature [40].

Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées pour comprendre ces différences entre le courant dans une capacité MIM et le courant dans un MEMS RF. Le modèle ne prend pas en compte certains phénomènes physiques liés à l’interface particulière entre le diélectrique et l’électrode supérieure pour un MEMS RF. Celui-ci a été développé pour des capacités MIM ; le contact entre l’électrode supérieure, électrode d’injection des porteurs dans le cas étudié, et le diélectrique est différent pour une capacité et pour un MEMS. En effet, dans le cas du MEMS, l’électrode supérieure entre en contact avec le diélectrique lors de l’actionnement mais il n y a pas de réaction chimique à l’interface métal-isolant lors du contact comme pour la capacité MIM. De plus, du fait de la rugosité, le contact entre les matériaux est ponctuel. L’interface est donc nécessairement différente, les états de surface et mécanismes d’injection ne sont pas les mêmes. Différents effets liés à l’environnement de mesure, à la présence du gap d’air ou aux étapes de fabrication spécifiques aux MEMS RF capacitifs, peuvent impacter la zone d’interface entre la membrane et l’isolant.

La rugosité peut ainsi participer à ces écarts de comportement pour les deux familles de composants. Pour les capacités MIM, le contact entre le diélectrique et les électrodes est parfait au sens où il n y a pas d’air entre le métal et l’isolant. Pour les MEMS, l’aire réelle de contact électrode-diélectrique est plus faible que l’aire du film diélectrique du fait de la rugosité. Aux points de contacts entre le diélectrique et l’électrode supérieure il peut y avoir injection de porteurs dans le diélectrique par des effets tunnel ou thermique, équivalents aux mécanismes Schottky ou TAT, si le contact est suffisamment proche d’une interface de type MIM. Dans les zones où le métal est en contact avec de l’air, les modes de transport de charges sont différents. Selon les travaux de Taleb et al. sur le contact métal-polyéthylène dans une capacité [58], plus la rugosité augmente, plus l’injection de porteurs augmente. La rugosité aux interfaces perturbe le champ électrique, elle peut entraîner une augmentation locale du champ électrique dans le diélectrique par effet de pointe, et donc une augmentation de l’injection de porteurs. Pour un contact de type MEMS, c’est-à-dire avec un gap d’air, la rugosité induit une augmentation du champ électrique dans l’air et une diminution du champ électrique dans le diélectrique [93]. Cette augmentation du champ électrique peut déclencher une décharge dans l’air. De fortes décharges électrostatiques causent en général des dégâts irréversibles sur la membrane [157]. Dans ce cas, le composant se dégrade et entre en défaillance pour des raisons mécaniques ; la membrane n’est plus fonctionnelle. Cet effet n’a pas été observé pour les composants testés durant ces travaux. Une décharge partielle peut aussi se produire dans l’air, des particules sont alors ionisées et dérivent entre le métal et le diélectrique sous l’effet du champ électrique [158].

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Ces charges peuvent alors se déposer à la surface du diélectrique et être injectées dans le matériau. Les charges injectées dans le diélectrique proviennent en partie du métal de l’électrode mais aussi de l’air.

Différentes étapes de fabrication sont nécessaires à l’obtention de l’électrode mobile. Une couche de résine sacrificielle est notamment utilisée pour le dépôt de cette électrode puis éliminée pour libérer la membrane. Durant ces étapes de fabrication, des contaminants peuvent s’accumuler à la surface du diélectrique [54]. La structure en pont du MEMS RF capacitif le rend sensible à l’humidité, ceci modifie les phénomènes de transport de charges à l’interface supérieure du diélectrique. Une étude réalisée par Peng et al. [159] montre que la charge accumulée dans cette zone de l’isolant augmente avec l’humidité ambiante; ces résultats dépendent aussi du type de matériau diélectrique. Les composants peuvent être encapsulés pour limiter cet effet lors de leur utilisation [152].

Finalement, le modèle permet de reproduire l’évolution de la tension d’actionnement des MEMS en fonction du temps sans prendre en compte certains phénomènes physiques spécifiques aux interfaces. Ceux-ci pourraient être considérés dans le modèle de transport de charges par l’introduction d’un milieu effectif comprenant du diélectrique et de l’air à l’interface entre le diélectrique et l’électrode mobile.