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Similitudes et non-similitudes entre morphologies des modèles et morphologies

CHAPITRE I. Contraindre la vitesse de glissement long terme des failles

II.2. Expériences avec subsidence uniforme du hanging-wall

II.2.1. Similitudes et non-similitudes entre morphologies des modèles et morphologies

Les premières expériences ont été concluantes en terme de développement d’une topographie qui ressemble à celle observée dans la nature. Les figures morphologiques telles que les bassins versants, les rivières, les lignes de crête, les facettes triangulaires et les cônes alluviaux sont bien reproduites (figure II.5). La hauteur et la largeur des facettes triangulaires varient entre 0,3 et 2 cm et 1,5 et 10 cm, respectivement. Toutefois, leur surface est souvent de forme concave alors que, dans la nature, elle est souvent convexe. Nous remarquons aussi que leur pente moyenne est plus faible (8° à 20°) que les pentes mesurées dans la nature (10° à 35°). Parfois, la base des facettes triangulaires peut être éloignée de la trace de la faille en surface. Le réseau de drainage est constitué par des rivières perpendiculaires à la faille, comme dans la nature, et des cônes alluviaux se forment à partir de leur exutoire. Les bassins versants sont très allongés. Les vallées sont larges : 2 à 3 cm au niveau de leur exutoire. Leur pente moyenne aux stades finaux des expériences est comprise entre 8° et 12°. Leur profil perpendiculaire est en forme de U, à l’inverse de la nature, où l’incision des rivières en climat interglaciaire est très marquée, donnant parfois des profils perpendiculaires en forme de verre à vin. Cette différence avec la nature est due au comportement d’avulsion des rivières dans les modèles expérimentaux. En effet, l’avulsion haute fréquence ne favorise pas le maintien de la position des rivières pour obtenir une incision marquée. Nous remarquons que la trace de la faille en surface marque bien la transition entre les rivières et les cônes alluviaux. L’espacement entre les drains est régulier comme dans les cas naturels. La sinuosité de la trace de la faille est faible, ce qui est une caractéristique des failles normales naturelles. La ségrégation granulaire due aux différences de densité et de taille des particules se retrouve dans les dépôts. Les particules les plus denses (poudre de silice et microbilles de verre) se déposent sous la forme de couches grisâtres et translucides en alternance avec les particules les moins denses qui sont la poudre de PVC blanche et la poudre de graphite noire (figures II.5d et II.6c,d). Les particules les moins denses sont transportées en moyenne plus loin. La sédimentation donne des strates dans les cônes alluviaux mais aussi au front des facettes

triangulaires où une différence concernant la nature des dépôts est observée (figures II.5d et II.6b). En effet, la sédimentation au front des facettes est caractérisée par une prédominance des dépôts moins denses et plus fins (poudre de PVC blanche et poudre de graphite noire), caractérisant des zones de dépôt d’énergie plus faible que dans les cônes alluviaux. Pour ces derniers, on remarque que l’avulsion des rivières est visible dans la géométrie des dépôts. Les cônes alluviaux sont très allongés par rapport aux cônes alluviaux naturels. Leur pente moyenne aux stades finaux des expériences est comprise entre 7° et 11°, ce qui correspond à la pente moyenne des rivières en amont. Enfin, la forme des dépôts en coupe perpendiculaire à la faille ne ressemble pas à la géométrie en éventail observée dans la nature en raison de l’absence de flexure dans le hanging-wall.

Figure II.5. Photographies et leur interprétation représentant : (A) et (B) le stade final de deux

expériences avec rejet final, taux de précipitations et vitesse de glissement de faille différents (expériences 1 et 2 du tableau II.2, respectivement), (C) les premiers stades de développement du relief avec petites facettes trapézoïdales, petits bassins versants et la sédimentation associée, (D) une coupe longitudinale au stade final de l’expérience 1 (figure II.5a), (E) et (F) le relief produit avec l’appareillage simulant la flexure du hanging-wall. Dans le cas (F), la photographie a été prise peu de temps après l’arrêt du système de brumisation, ce qui induit l’incision locale par un réseau de rivières en tresses (sans avulsion). L’échelle spatiale est donnée pour les distances au niveau de la faille sauf pour (D) et (E) où elle indique les distances au premier plan. On remarque le développement de figures morphologiques telles que celles qui sont observées dans la nature : les facettes triangulaires, les bassins versants dont l’axe d’allongement est perpendiculaire à la faille, les cônes alluviaux et les dépôts gravitaires au front des facettes sont bien reproduits. Les tailles et densités différentes des constituants du matériau analogue induisent une ségrégation granulaire pendant le transport : les particules les plus denses (microbilles de verre translucides et poudre de silice grisâtre) se déposent majoritairement dans les zones à forte énergie (les cônes alluviaux) tandis que dans les zones à plus faible énergie la sédimentation des particules moins denses (poudre de PVC blanche et poudre de graphite noire) domine. Les facettes triangulaires modélisées avec la première table à déformation (subsidence uniforme du hanging-wall rigide) ont une pente moyenne relativement faible (8° à 20°, figure II.5d). Celles modélisées avec la seconde configuration de la table à déformation (flexure du hanging-wall imposée) ont une pente moyenne plus importante (8° à 32°, figures II.5e,f).

Figure II.6. Photographies de coupes au stade final de modèles expérimentaux. (A) et (B) Expérience

2 du tableau II.2. Le trait en pointillés indique la position de la coupe de la figure II.6b. (C) Expérience 1 du tableau II.2. (D) Expérience avec simulation de la flexure du hanging-wall. L’échelle sur les photographies équivaut à une distance de 10 cm.

Plusieurs raisons pourraient expliquer les non-similitudes observées entre ces modèles et la nature. Par exemple, la différence de pente (forme et valeur) entre les facettes triangulaires développées dans nos modèles et celles observées dans la nature pourrait résulter de conditions aux limites et/ou initiales différentes, ou de réponses érosives différentes, ou d’une combinaison des trois. Nous pouvons cependant identifier une condition aux limites qui influence de manière importante la réponse érosive des modèles : la chute constante du niveau de base du fait de la subsidence continue et uniforme imposée du hanging-wall semble être directement responsable des fortes pentes au niveau des cônes alluviaux et des rivières. En effet, les cônes alluviaux s’allongent continuellement au cours des expériences pour rattraper le niveau de base. La dynamique des rivières en amont et même l’intégralité de la topographie en sont certainement affectées. Cela entraîne également la formation d’un bassin sédimentaire dont la forme n’est pas réaliste (pas de dépôts en éventail). Il nous semble donc difficile de reproduire un état d’équilibre dynamique dans ces conditions où le niveau de base descend indéfiniment jusqu’à l’arrêt de l’expérience. Pour ces raisons, nous avons choisi de modifier l’appareillage constitué ultérieurement par une plaque flexible pour simuler la déformation

flexurale du hanging-wall pendant la subsidence (cf partie I.1.1.1). Les résultats majeurs de ces expériences sont présentés dans la partie II.3 sous la forme d’un article publié à

Tectonophysics. Les facettes triangulaires formées dans ces expériences ont globalement des

pentes plus fortes (8° à 32° ; figure II.5e,f) que celles issues des modélisations expérimentales précédentes (8° à 20° ; figure II.5d). La figure II.6d montre la géométrie des dépôts obtenus avec cette modification de la cinématique du hanging-wall. Cette géométrie n’est pas en éventail à cause d’un biseau en compression qui tend à déformer le matériau qui s’y trouve en le déplaçant vers le haut. Enfin, on remarque la proximité du niveau de base par rapport à la faille alors qu’avec la subsidence continue du hanging-wall, le niveau de base s’éloignait et descendait continuellement.