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CHAPITRE I. Contraindre la vitesse de glissement long terme des failles

I.4. Les outils permettant l’étude de la dynamique du relief

I.4.3. La quantification des vitesses d’érosion et des vitesses tectoniques par l’analyse

I.4.3.2. Exemples de détermination des taux d’érosion moyens

Stock et al. (2009) mesurent des taux de dénudation moyens des bassins versants qui

se développent le long des segments Weber et Salt Lake City de la faille normale de Wasatch (Basin and Range) en utilisant la méthode des radionucléides cosmogéniques (10Be). Les auteurs mesurent des taux de dénudation variant de 0,07 à 0,79 mm/a pour une échelle de temps courte (1-10 ka). Le taux de dénudation moyen pour l’ensemble des bassins versants est de 0,2±0,2 mm/a. Ce taux court terme est proche des taux d’exhumation long terme obtenus par thermochronométrie (e.g., Willet et Brandon, 2002 ; Stock et al., 2009) et semble corrélé au taux de glissement vertical court terme (Stock et al., 2009). En effet, le taux d’exhumation moyen long terme est de 0,2-0,5 mm/a pour une échelle de temps de 5 Ma (e.g.,

Ehlers et al., 2003 ; Armstrong et al., 2004) et le taux de glissement vertical de la faille de

depuis la fin du Pléistocène (~250 ka). Stock et al. (2009) conclut que dans le cas où le relief est à l’équilibre et où la dénudation est contrôlée majoritairement par le signal tectonique et/ou eustatique, le taux de dénudation doit être proportionnel au taux de glissement vertical long terme sur la faille. En effet, le taux de dénudation est proportionnel à la vitesse de surrection du foot-wall par rapport au niveau de base (elle-même proportionnelle à la vitesse de glissement vertical). La comparaison entre ces mesures significatives sur plusieurs échelles de temps suggère donc un état stationnaire depuis environ 5 Ma. Le taux de dénudation court terme semble corrélé au taux de surrection long terme et il paraît insensible aux variations de la vitesse de glissement court terme (~1 ka). En effet, le temps de réponse caractéristique du paysage (incision dans les rivières, processus de versants) aux sollicitations externes est supérieur (~100-1000 ka) à l’intervalle de récurrence de séismes individuels ou de clusters (~1-10 ka ; e.g., Wallace, 1978 ; Whipple, 2001).

Densmore et al. (2009) effectue une analyse similaire à celle de Stock et al. (2009)

pour deux autres failles normales situées dans le Basin and Range. Une faille jeune (Sweetwater fault, Montana) donne des taux de dénudation moyens des bassins versants de 0,01-0,04 mm/a. Ces taux sont plus élevés (0,1-0,6 mm/a) pour une faille mature (Wassuk fault, Nevada) dont le relief pourrait être à l’équilibre dynamique. Le taux moyen de dénudation des bassins versants pour cette faille est équivalent à celui de la faille de Wasatch (0,2 mm/a). Son taux de glissement vertical moyen est de 0,5±0,05 mm/a depuis 13 ka (e.g.,

DePolo et Anderson, 2000) et de 1 mm/a depuis 4 Ma (e.g., Krugh, 2008). Dans ce cas, les

taux de dénudation court terme sont trop faibles par rapport au taux de glissement vertical long terme, mais globalement cohérents avec le taux de glissement court terme. Cependant,

Krugh (2008) estime un taux moyen d’exhumation de 0,6±0,2 mm/a en déterminant l’âge de

refroidissement des apatites à partir du rapport (U-Th)/He. Ce taux semble cohérent avec la vitesse de glissement long terme de la faille de Wassuk. Densmore et al. (2009) attire l’attention sur le fait que les taux de dénudation court terme des bassins versants à partir d’analyses sur les isotopes cosmogéniques peuvent être surestimés, à cause de processus gravitaires aléatoires. Ces auteurs pensent donc que la comparaison entre les taux de dénudation court et moyen terme doit être faite avec précautions.

Enfin, Tucker et al. (2011) étudient le taux d’érosion moyen de l’escarpement de la faille de Magnola (Apennins) à l’aide d’un modèle numérique simple basé sur une estimation de la vitesse de la faille. Ce modèle relie la vitesse moyenne de la faille au taux d’érosion moyen de l’escarpement en fonction de la différence entre le pendage de la faille et la pente topographique de l’escarpement. Les auteurs estiment un taux d’érosion moyen de l’escarpement holocène à l’aide de mesures de la hauteur du matériau dénudé en fonction de l’âge préalablement déduit par une étude de radionucléides cosmogéniques (e.g., Palumbo et

al., 2004 ; Schlagenhauf, 2009 ; Schlagenhauf et al., 2010). Le taux d’érosion holocène de

l’escarpement qu’ils déterminent est de ~0,02 mm/a alors que le taux long terme (~150 ka) est de ~0,2-0,4 mm/a. Les auteurs concluent par un fort impact du climat qui entraine une diminution des taux d’érosion des escarpements de faille en période post-glaciaire. Pour ce cas naturel, le taux d’érosion long terme de l’escarpement (~0,2-0,4 mm/a) est fortement inférieur à la vitesse de glissement vertical court terme de la faille (~1-1,3 mm/a moyennée sur ~7 ka ; Schlagenhauf et al., 2010).

Le tableau I.5 synthétise les estimations des taux de dénudation et d’exhumation issus de ces trois publications et les compare avec les estimations des vitesses de glissement publiées de la faille normale (tableau I.3). Sur la base des exemples les mieux contraints (faille de Wasatch et de Wassuk dans le Basin and Range), cette comparaison permet de constater que le taux de dénudation (court terme) ou d’exhumation (long terme) semblent être au premier ordre environ deux fois plus faibles que la vitesse de glissement verticale long terme de la faille. Ceci paraît logique au regard de la figure I.21 : le taux de dénudation ou d’exhumation doit être représentatif du taux de surrection du foot-wall par rapport au niveau de base. Ce dernier est une fraction de la composante verticale du glissement sur la faille, qui tient compte de la sédimentation. Cependant, il est difficile de faire des constatations similaires pour d’autres failles normales car la vitesse long terme de glissement de la faille et les taux d’érosion sont souvent mal contraints ou leur estimation est inexistante. Il est donc nécessaire de multiplier les études pour mieux contraindre la relation entre la dénudation des bassins versants et la tectonique.

normale

Wasatch (Basin and Range)

0,2±0,2 (1-10 ka) 0,2-0,5 (5 Ma) 0,5±0,3 (moyenne long terme) Stock et al., 2009 Ehlers et al., 2003 Armstrong et al., 2004 Sweetwater (Basin and Range)

0,01-0,04 (1-10 ka) - 0,04-0,1 (6±0,1 Ma) Densmore et al., 2009

Wassuk (Basin and Range)

0,1-0,6 (1-10 ka) 0,6 ± 0,2 (4 Ma) 1 (4 Ma) 0,5 ± 0,05 (13 ka)

Densmore et al., 2009 Krugh, 2008

Magnola (Apennins) 0,02 (holocène)

0,2-0,4 (150 ka) - 1-1,3 (7 ka) Tucker et al., 2011

Tableau I.5. Comparaison des taux de dénudation et d’exhumation estimés des roches du foot-wall

avec les vitesses de glissement publiées de la faille normale. D est le taux de dénudation. Ex. est le taux d’exhumation. V est la vitesse verticale long terme de glissement qui est issue de la littérature (tableau I.3). Pour la faille de Wasatch, la moyenne des estimations de la vitesse de glissement a été calculée pour les intervalles de temps compris entre 0-100 ka et 0-5 Ma. L’intervalle de temps significatif des estimations figure entre parenthèses. Les références sont celles pour les taux de dénudation et d’exhumation.

I.4.3.3. La relation entre la morphométrie des facettes triangulaires et les signaux