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dynamique du système, temps et entropie. De plus, elle permet aussi de relier structure et propriétés rhéologiques, comme le montre l’étude de Toplis (2001b) qui a relié les variations des viscosités des silicates de sodium fondus aux variations de la taille z et de la barrière d’énergie ∆µ des sous-systèmes permettant le réarrangement visqueux en fonction de la température et de la composition chimique res-pectivement. Ceci est possible car la théorie d’Adam et Gibbs est duale. En effet, elle permet d’expliquer les variations de viscosité d’un liquide d’une manière macroscopique, de par les variations d’entropie et de capacité calorifique de configuration du liquide, ou d’une façon microscopique, via le réarrangement de sous-systèmes dans le liquide, séparés par des barrières de potentiels. En caractérisant mieux la structure et les propriétés (taille, barrière énergétique) des sous-systèmes permettant le réarrangement visqueux des silicates fondus, il semble donc possible de modéliser leur viscosité en fonction de leur structure et de leurs propriétés thermodynamique à partir de la théorie d’Adam et Gibbs.

2.4 Du silicate fondu simple au magma

La viscosité apparente d’un magma va être fonction de la viscosité du silicate fondu intersticiel qu’il contient, et des effets des bulles et des cristaux sur cette dernière. De plus, la présence d’inclusions solides ou gazeuses en forte proportion peut induire un comportement non newtonien de la viscosité, qui va alors dépendre de la contrainte appliquée. On peut résumer ceci à l’aide de l’équation suivante : ηr= η0(T, X, P ) + Kbulles+ Kcristaux+ Kσ, (2.40) avec ηrla viscosité « apparente » du magma ; η0(T, X, P )la viscosité du silicate fondu interstitiel en fonction de la température T , de sa composition chimique X (incluant la teneur en éléments volatils) et de la pression P ; Kbulles l’effet des bulles ; Kcristaux l’effet des cristaux et Kσ l’effet de la pression. Nous avons vu dans la partie précédente qu’avec des mesures de viscosité, ou à défaut avec un modèle global comme celui de Giordano et al. (2008), nous pouvons connaitre η0.

Les cristaux et bulles présents dans un magma sont à traiter comme des inclusions solides s’opposant ou facilitant le mouvement du fluide. Ces inclusions influente indirectement la viscosité du silicate fondu, donnant lieu à une viscosité observée « apparente » comme décrite par l’équation 2.40. Leur effet va être décrit brièvement dans la partie suivante.

La présence de cristaux induit à toute température une augmentation de la viscosité apparente du silicate fondu (Fig. 2.14), qui est fonction de la quantité d’inclusions ajoutées. Les mesures effectuées sur des inclusions de forme sphérique (Mg3Al2Si3O12) ou éllispsoïdale (Li2Si2O5) ne montrent pas une forte dépendance de la viscosité à la forme des inclusions d’après les mesures en compression de Lejeune (1994, Fig. 2.14). Cependant, les données récentes de Carrichi et al. (2007) acquises sur un haplogranite contenant des cristaux de quartz de tailles et de formes différentes (tabulaire, triangulaire, carré...) montrent que la forme des cristaux influence la façon dont varie la viscosité en fonction de la quantité d’inclusions ajoutées (voir aussi l’étude comparative deCosta et al. , 2009).

L’effet de la présence des cristaux sur la viscosité apparente d’un magma peut être prise en compte à l’aide de l’équation d’Einstein-Roscoe :

Figure 2.14: Viscosité relative (η/η0, avec η0 la viscosité du silicate fondu sans inclusions) en fonction de la proportion d’inclusions critallines ou gazeuses présente dans différents silicates fondus et fluides. Ca70.15 : CaAl2Si2O8; FV : émulsion à base de fongicide. ηo pour le Ca70.15 de ∼ 1011Pa.s et pour le FV de ∼ 10−3 Pa.s. Les données reportées proviennent deSibree (1934); Lejeune (1994); Lejeune & Richet (1995); Lejeune et al. (1999).

ηr= η0(1 − Rφ)−n, (2.41)

avec ηr et η0 les viscosités apparentes et du silicate fondu homogène initial, R une constante cor-respondant à l’empilement compact maximum des solides, φ la fraction volumique solide et n une constante empirique égale à 2.5 dans le cas de sphères indéformables (Roscoe, 1952) . Les études sur les suspensions cristallines ont montré qu’à des teneurs inférieures à ∼30-40 vol% de cristaux, l’équa-tion 2.41 permet d’estimer la viscosité relative du silicate fondu, qui est newtonienne (Pinkerton & Stevenson, 1992; Lejeune, 1994; Lejeune & Richet, 1995; Costa et al. , 2009). On pourra alors prendre φ = 0.6 et n = 2.5 comme valeurs à utiliser pour cette équation (Lejeune & Richet, 1995). La taille et la forme des particules peuvent cependant influencer le facteur φ, qui est de plus corrélé au facteur n (Lejeune & Richet, 1995; Caricchi et al. , 2007; Costa et al. , 2009). Lorsque l’on excède ∼30-40% de cristaux, les particules forment un réseau 3D interconnecté. Deux phénomènes semblent apparaître alors. Le premier intervient pour des contraintes très faibles, auxquelles la déformation serait nulle. Le magma possèderait alors un seuil de plasticité (Ryerson et al. , 1988; Nguyen & Boger, 1992; Pinkerton & Stevenson, 1992). L’existence d’un tel seuil peut cependant être discuté car il pourrait provenir d’un manque de sensibilité des appareils de mesures (Lejeune, 1994). Le deuxième effet est un fort accrois-sement de la viscosité qui n’est alors plus newtonienne (Lejeune & Richet, 1995; Caricchi et al. , 2007; Champallier et al. , 2008). Elle va dépendre de la contrainte appliquée de façon complexe (voir discus-sion de Costa et al. , 2009), et il est alors difficile de prédire la viscosité d’une suspension magmatique (Champallier et al. , 2008). De plus, la viscosité peut être dépendante d’une orientation préférentielle des cristaux (Champallier et al. , 2008).

À des teneurs supérieurs à 50-60 vol%, les cristaux isolent progressivement des parties encore liquides, et forment une charpente cristalline continue. L’échantillon adopte alors un comportement semblable à

2.4 Du silicate fondu simple au magma

Figure 2.15: Viscosité en log Poises d’un silicate fondu en fonction de la teneur en cristaux. De (1) à (3), les cristaux sont minoritaires et la viscosité est Newtonienne. Entre (3) et (4), les cristaux interagissent entre eux, formant un réseau tridimensionnel s’opposant au mouvement visqueux. Une forte augmentation de la viscosité est observé, celle-ci devenant de plus fonction de la contrainte appliquée. De (4) à (5), l’échantillon est majoritairement constitué de cristaux, quelques poches de liquides subsistent. Il semble alors se comporter comme un solide polycristallin.Lejeune & Richet (1995).

celui d’un solide polycristallin, pouvant aller jusqu’à la rupture fragile (Lejeune, 1994). On peut donc distinguer trois domaines en fonction de la teneur en cristaux, comme présenté dans la figure 2.15.

La présence de bulles créées pendant le dégazage d’un magma semble jouer de façon complexe sur sa viscosité. En effet, les bulles jouent un rôle différent à haute ou basse température. On observe sur la figure 2.14 que lorsque la viscosité du liquide est basse, la viscosité apparente de l’émulsion (liquide et bulles) augmente en fonction de la fraction de bulles (composition FV). À hautes viscosités, proche de la T g, les données de Lejeune et al. (1999) sur un aluminosilicate de calcium montrent que la viscosité apparente diminue lorsqu’on augmente la teneur en bulles dans le liquide. L’effet des bulles sur la viscosité d’un fluide dépend du nombre capillaire Ca, défini comme le rapport des forces tendant à déformer les bulles (forces appliquées sur l’échantillon) aux forces qui tendent à maintenir leur sphéricité (tensions de surface) :

Ca = ˙εηR/α, (2.42)

avec ˙ε la vitesse de déformation, α la tension à l’interface liquide-vapeur, R le rayon de la bulle et 49

η la viscosité du liquide homogène (Spera et al. , 1988; Lejeune, 1994). Lorsque Ca > 1, les forces de déformation visqueuse l’emportent sur la tension de surface et on observe alors une diminution de la viscosité (Manga et al. , 1998; Lejeune et al. , 1999; Manga & Loewenberg, 2001). Expérimentalement, ceci correspond au domaine des hautes viscosités 108-1012 Pa.s (Lejeune et al. , 1999). Les mesures effectuées à haute température dans l’intervalle 10-106 Pa.s confirment qu’à faibles viscosités, lorsque Ca < 1, les forces de surfaces s’opposent à la déformation des bulles et provoquent une augmentation de la viscosité de la suspension (voir par exemple Sibree, 1934; Bagdassarov & Dingwell, 1992; Stein & Spera, 1992). Toutefois, l’effet des bulles que ce soit à haute ou basse viscosité n’affecte que très peu la viscosité de la mousse magmatique : de l’ordre de 0.5 à 1 log Pa.s pour 50 vol% de bulles (Fig. 2.14 ; Lejeune et al. , 1999; Manga & Loewenberg, 2001). Il est donc négligeable à la vue des très fortes variations induites par la température, la composition chimique ou encore la fraction cristalline. Toutefois, la présence de bulles dans un magma implique plusieurs phénomènes affectant sa viscosité et sa mobilité qu’il faut prendre en compte :

– le dégazage des éléments volatils, formant les bulles, mène à des variations de plusieurs ordres de grandeurs de la viscosité. Par exemple, la diminution de la concentration de volatile de 1.5 à 1% dans une rhyolite augmente sa viscosité d’environ 3 à 4 ordres de grandeurs (Dingwell et al. , 1996, voir aussi section 9.1) ;

– la présence de bulles dans un magma cause une diminution de sa densité et de sa résistance mécanique de la mousse magmatique (Manga & Loewenberg, 2001) ;

– les volatils présents dans les bulles peuvent excercer une surpression diminuant la résistance mé-canique de la mousse magmatique.

Ces phénomènes peuvent favoriser la fragmentation d’une colonne magmatique dans un conduit vol-canique en diminuant sa résistance mévol-canique, et la présence de bulles peut ainsi jouer un rôle clé lors des éruptions pliniennes par exemple (Zhang, 1999; Papale, 1999).

Pour résumer les points développés ci-dessus, nous pouvons dire que pour prendre en compte l’effet des cristaux et des bulles nous pourrons utiliser l’équation 2.41 avec des coefficients adaptés : -i) en fonction de la température et donc de l’effet variable des bulles ; et -ii) pour des teneurs en cristaux inférieures à environ 40 vol%. Il faudra de plus prendre en compte les changements de la composition chimique du silicate fondu résiduel induit par le phénomène de cristallisation fractionné. En effet, le liquide résiduel a tendance à s’enrichir en silice et en éléments alcalins. Comme nous le verrons au cours de cette thèse, ceci peut dans certains cas conduire à une augmentation non négligeable de sa viscosité (voir aussiMarsh, 2006). Si l’on associe à ce phénomène l’effet du dégazage des volatils, jusqu’à environ 10 ordres de grandeurs de viscosité à une température équivalente peuvent séparer le silicate fondu homogène initial de la lave cristallisée et éruptée.

2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus

Au cours de cette thèse nous nous sommes principalement focalisés sur les propriétés structurales et rhéologiques des aluminosilicates d’alcalins fondus et vitreux. Ceux-ci présentent un intérêt très important pour l’industrie, qui les utilisent notamment comme base de fabrication des céramiques et vitrocéramiques (aluminosilicate de lithium), mais aussi pour les sciences de la terre. Nous présente-rons dans cette partie tout d’abord leur intérêt pour les sciences de la terre, puis nous décriprésente-rons les connaissances actuelles que nous avons sur leur propriétés.

2.5.1 Importance volcanologique

L’utilisation traditionnelle du diagramme de Harker (1909) (ou diagramme TAS, Total Alkali-Silica), où la proportion d’éléments alcalins Na2O + K2O est représentée en fonction de la teneur en silice SiO2, montre que, lors de la cristallisation fractionnée, les magmas s’appauvrissent en éléments alcali-noterreux et fer et s’enrichissent en éléments alcalins et en silice. La figure 2.16 montre un exemple de ce diagramme, établi pour la série magmatique du volcan Erebus (Antarctique). On observe très bien sur cette figure l’enrichissement en silice et en éléments alcalins ayant lieu lors de la différenciation magmatique.

Figure 2.16: Diagramme de Harker (1909, aussi appelé diagramme TAS) représentant la teneur en alcalins (Na2O+K2O) en fonction de la silice (SiO2) de la série magmatique du volcan Erebus, Antarctique. La flèche rouge montre l’évolution du magma de sa source à son extrusion dans le lac de lave. D’aprèsKelly et al. (2008a).

Ceci peut conduire dans des cas extrêmes à des magmas contenant presque exclusivement SiO2, Al2O3, Na2O et K2O. On aura alors des rhyolites alcalines ou des granites alcalins, très riches en silice, visqueux, et potentiellement très dangereux si le magma contient une proportion non négligeable de gaz. Ce scénario a donné lieu à l’éruption de 3.1 Ma B.P. du Mont-Dore (France). Celle-ci a émise une ignimbrite très riche en silice et éléments alcalins (tableau 2.1). Lors de cet évènement qui a formé une caldeira de 5 km de diamètre, un volume de 5 à 7 km3 de ponces rhyolitiques a été émis, couvrant une

Élément Vésuve Tambora Krakatau Pinatubo MtDore Toba %pds AD 79 1815 1883 1991 3.1 Ma B.P. 74 ka B.P. SiO2 54.49(40) 57.63(97) 68.87(66) 75.38(1.50) 76.74(20) 78.12 Al2O3 19.31(25) 19.62(36) 13.17(29) 12.68(45) 13.03(04) 12.04 Na2O 4.44(23) 6.49(1.05) 5.03(44) 3.97(28) 3.43(04) 2.79 K2O 8.55(16) 6.36(33) 2.37(11) 3.01(16) 5.36(03) 5.26 CaO 5.19(25) 3.12(30) 1.68(06) 1.54(45) 0.41(01) 0.62 MgO 1.75(09) 1.29(13) 0.56(02) 0.49(37) 0.05(04) 0.15 FeO 4.07(12) 4.47(32) 2.31(13) 1.26(43) 0.89(07) 0.92 TiO2 0.54(10) 0.53(07) 0.48(03) 0.11(08) 0.15(10) 0.04 MnO 0.12(06) 0.16(11) 0.13(04) n.a. n.a. 0.06 GeO2 0.01(02) n.a. n.a. n.a. n.a. n.a. SrO 0.06(09) n.a. n.a. n.a. n.a. n.a. P2O5 n.a. 0.10(14) n.a. n.a. 0.03(00) 0.01 ZnO n.a. n.a. n.a. n.a. 0.09(11) n.a. Total 98.55(51) 99.78(n.d.) 94.59(1.1) 98.44(1.08) 100.18(06) 100

Table 2.1: Compositions chimiques des verres de quelques ponces volcaniques. Vésuve AD79 : com-position de la roche totale des ponces grises, cette étude ; Tambora (Indonésie) : verre volcanique dans les dépôts pliniens de l’éruption de 1815, données de Sigurdsson & Ca-rey (1989); Krakatau (Indonésie) : analyse d’une inclusion vitreuse dans les produits de l’éruption de 1883, données deMandeville et al. (1996); Pinatubo (Indonésie) : analyse du verre d’un produit de l’éruption de 1991, donnée tirée de Pallister et al. (1996). MtDore (France) : verre des ponces de la Grande Nappe du Mont-Dore. Toba : analyse du verre des ponces rhyolitiques de l’éruption de 74 ka du Toba (Indonésie), donnée deChesner (1998)

(barres d’erreurs non fournies dans cet article).

surface estimée de 100 km2 (Brousse & Lefèvre, 1966; Pastre & Cantagrel, 2001). D’autres cas plus ou moins récents d’éruptions explosives sont associés à l’émission de produits très différenciés comme la célèbre éruption plinienne de 79 AD du Vésuve (Carey & Sigurdsson, 1987; Santacroce et al. , 2008), les éruptions pliniennes de 1883 et 1815 du Krakatau et du Tambora (Indonésie, Sigurdsson & Carey, 1989; Mandeville et al. , 1996), l’éruption daté de 74 ka du super-volcan Toba, ou plus récemment l’éruption plinienne du Pinatubo (Indonésie) de 1991 dont les parties vitreuses, représentatives du liquide résiduel et donc de la chimie du silicate fondu interstitiel, présentent des taux élevés d’éléments alcalins et de silice (Tableau 2.1).

Comme nous l’avons vu dans les sections précédentes, la composition chimique d’un silicate fondu affecte fortement ses propriétés rhéologiques. Celle d’un magma va donc fortement affecter sa mobilité, et de ce fait l’intensité éruptive Ie. Celle-ci représente la quantité de matière (en kg) expulsée au travers d’un conduit volcanique par seconde. Elle est proportionnelle à :

Iegπρm∆ρr 4

, (2.43)

avec g l’accélération de la gravité, ρm la densité du magma, ∆ρ la différence de densité entre le magma et les roches encaissantes, r le rayon du conduit et η la viscosité du magma (Wilson et al. , 1980). Cette formule n’est valide qu’en-dessous du niveau d’exsolution des gaz et donc de fragmentation pour une éruption plinienne, et ne prend de plus pas en compte le gradient de pression (voirJaupart &

2.5 État de l’art sur les aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus

Allègre, 1991par exemple pour un développement plus complet à ce sujet). Elle permet cependant de comprendre le lien entre Ie et η (Wilson et al. , 1980; Carey & Sigurdsson, 1989). Une augmentation de la viscosité va diminuer l’intensité éruptive, or celle-ci influence la hauteur des colonnes pliniennes par exemple (Sparks, 1986). Cette influence provient des phénomènes de coalescences, d’expansion et de dégazage des fragments solides intervenant dans la colonne plinienne et qui contrôlent en partie la quantité de gaz présent dans le panache.

Pour mieux illustrer notre propos, prenons l’exemple d’un magma aphyrique contenant 5 wt% d’eau dans un réservoir magmatique, et commençant sa remontée dans le conduit vers la surface. Celui-ci va dégazer ses volatils de par la diminution de pression induite par sa remontée. Admettons qu’à la profondeur critique zc il contient encore 1 wt% d’eau et environ 60 vol% de bulles. Si la viscosité du silicate fondu interstitiel est inférieure à 5 log Pa.s, la coalescence des bulles est possible (Gardner et al. , 1996). Le magma est alors perméable, et les gaz peuvent s’échapper de la phase liquide. Ceci est le cas des éruptions effusives à stromboliennes, où le magma déjà dégazé forme coulées et fontaines de lave en arrivant à la surface. Maintenant, considérons que ce magma a une viscosité de 8 log Pa.s. D’après Gardner et al. (1996), pour une viscosité comprise en 5 et 9 log Pa.s, la coalescence des bulles est inhibée. Le magma est alors imperméable. Lors de sa remontée, l’expansion des bulles se produit sans perte des gaz qu’elles contiennent. La fragmentation du magma intervient lorsque les contraintes exercées par les gaz contenus dans les bulles sur le silicate fondu excèdent sa résistance, ou/et lorsque les contraintes de cisaillement générées par la remontée du magma excèdent sa résistance (Gardner et al. , 1996; Papale, 1999; Zhang, 1999). Elle va donner lieu à l’expansion brutale des gaz, et à la formation d’une colonne plinienne qui sera expulsée par la bouche volcanique. D’après l’équation 2.43, l’intensité éruptive sera alors en partie fonction de la viscosité initiale du magma, qui peut donc influencer indirectement la hauteur du panache plinien formé (Sparks, 1986). Si après la fragmentation la viscosité des ponces est toujours inférieure à 9 log Pa.s, l’exsolution des gaz qu’elles renferment ainsi que la diminution de la pression pourra mener à leur expansion, voir à autoentretenir la teneur en gaz du panache. Toutefois si leur viscosité devient supérieure à 9 log Pa.s, leur expansion ne sera plus possible (Gardner et al. , 1996). De plus, l’exsolution des volatils est alors inhibée du fait de leurs coefficients de diffusivité devenant alors très faibles (Richet et al. , 1996).

Dans le cas des éruptions pliniennes, la quantité de gaz contenue dans le panache par rapport à la fraction solide va influencer leur devenir : formation et entretien d’un panache soutenu par l’initiation d’une convection thermique à partir d’une altitude critique, ou effondrement du panache et formations d’écoulements gravitaires pyroclastiques (Sparks, 1978). La quantité de gaz dans le panache peut être influencée par une diminution de la teneur en eau du magma à la source (réservoir), ou par l’efficacité de la fragmentation initiale du magma. De plus, la quantité de gaz dans le panache peut être influencer par le phénomène de refragmentation des ponces dans le conduit volcanique. Ce phénomène se produit lors des chocs entre les ponces dans l’écoulement turbulent dans la partie haute du conduit, et favorise leur fracturation en morceaux plus petits et la libération des gaz qu’elles contenaient initialement dans leurs bulles (Jaupart & Kaminsky, 2006). Nous pouvons envisager que la T g du silicate fondu des ponces affecte ce dernier processus. En effet, plus la T g sera élevée (et donc plus le silicate fondu sera visqueux), plus elle sera rapidement atteinte après la fragmentation du magma, permettant alors aux fragments pyroclastiques d’adopter un comportement fragile favorisant leur refragmentation dans le 53

conduit.

Bien que relativement simple, la précédente discussion illustre le rôle de la viscosité sur l’occurrence de la fragmentation d’une colonne magmatique et sur son efficacité, et sur l’intensité éruptive. Nous verrons notamment au chapitre 9 que les liens entre viscosité et intensité éruptive pourraient potentiellement expliquer lors des éruptions pliniennes l’occurence d’un panache plinien soutenu et la transition vers son effondrement et la formation de coulées pyroclastiques.

On considère généralement que les teneurs en silice et volatils sont les paramètres les plus impor-tants contrôlant la viscosité des silicates fondus. Les mesures de viscosité de Taylor et Rindone (1970) ou de Shelby (1978) ont cependant montré qu’entre un aluminosilicate fondu peralcalin et un tecto-silicate fondu, la viscosité varie très fortement. Les modèles actuels prennent globalement en compte la proportion de sodium et potassium (voir Hui & Zhang, 2007), mais très peu de données existent sur les effets de mélange sodium-potassium dans les aluminosilicates fondus. Or, les magmas alcalins peuvent contenir jusqu’à 15 à 20 wt% de ces éléments (voir tableau 2.1 par exemple). De plus, très peu de données de viscosité sur des aluminosilicates fondus potassiques existent, ce qui ne permet pas de bien contraindre les modèles pour des compositions comme celle du Mont-Dore par exemple (voir figure 2.13 page 46). Une meilleure connaissance des aluminosilicates d’alcalins et de comportement rhéologique, notamment lors du mélange entre K et Na, peut permettre une amélioration des modèles éruptifs prenant en compte la viscosité des magmas et laves, et apporter quelques éléments de réponses à certaines questions succitées par l’observation des différents mécanismes éruptifs mettant en jeu des magmas alcalins.

2.5.2 Propriétés et structure des aluminosilicates d’alcalins

Les propriétés thermodynamiques et rhéologiques diffèrent fortement entre les aluminosilicates d’al-calinoterreux et d’alcalins. Cette différence semble provenir d’un couplage M+,2+-Al3+ dans les alu-minosilicates qui change selon la nature du cation M (M=Na+, K+, Ca2+

0.5, Mg2+

0.5...) (Romano et al. , 2001). Les précédentes études d’aluminosilicates d’alcalins vitreux et fondus ont porté principalement sur les aluminosilicates de sodium qui sont faciles à synthétiser, contrairement aux aluminosilicates de potassium présentant des liquidus très élevés (Schairer & Bowen, 1955, 1956). En effet, concernant ces compositions potassiques peu de données structurales, rhéologiques et thermodynamiques existent. Dans cette partie une revue synthétique des principales connaissances de ces systèmes va être effectuée.