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en changeant notamment l’activité des ions O2−(basicité du verre ou liquide) et les coefficients d’acti-vités des éléments multivalents. La force de champ ionique des cations modificateurs ou compensateurs influence elle aussi le rapport RedOX du fer.

2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques

Comme nous venons de le voir, la structure des aluminosilicates et silicates fondus et vitreux varie en fonction de leur composition chimique. Ceci va influencer leurs propriétés thermodynamiques et rhéologiques. La viscosité est un paramètre très important, à la fois pour l’industrie et pour les sciences de la terre. Elle détermine la mobilité des silicates et aluminosilicates fondus, et infuence par exemple les vitesses de remontée des magmas ainsi que leur façon de dégazer, mais aussi la température de travail des silicates fondus dans le domaine industriel verrier.

2.3.1 Viscosité des silicates fondus i) Température et composition chimique

La viscosité est définie comme étant la résistance qu’oppose un fluide à sa déformation sous l’action d’une contrainte (cisaillante ou normale) :

η = σ ˙

ε, (2.4)

avec η la viscosité en Pa.s, σ la contrainte en Pa et ˙ε la vitesse de déformation. On peut aussi exprimer la viscosité en Poise (unité CGS), avec la correspondance 1 Pa.s = 10 Poises. Le système international étant le Pa.s, nous préférerons son utilisation dans la suite.

Le premier facteur influençant fortement la viscosité d’un liquide est la température (Fig. 2.7). En effet, l’apport d’énergie thermique (énergie d’activation) permet de franchir les barrières énergétiques s’opposants aux mouvements atomiques. On peut utiliser une relation d’Arrhenius pour mieux com-prendre ce phénomène :

η = A exp(4Hη/RT ), (2.5)

avec A un terme pré-exponentielle, 4Hη l’enthalpie d’activation, T la température en Kelvin et R la constante des gaz parfaits. L’équation 2.5 indique que la viscosité d’un liquide va dépendre de son enthalpie d’activation (du mouvement visqueux) et de sa température. Cette relation prévoit des variations linéaires de la viscosité en fonction de la température, si l’on associe à une composition chimique une seule enthalpie d’activation. Cette relation linéaire est généralement observée à haute température, pour des viscosités entre 100 et 105 Pa.s (Fig. 2.7).

On observe sur la figure 2.7 que plus la teneur en Na2O est élevée dans un silicate de Na, plus sa viscosité diminue. Ceci est en accord avec la structure du silicate devenant de plus en plus dépolymérisée au fur et à mesure de l’introduction de cations modificateurs de réseau Na+. Sur une gamme de température étendue (de T g au dela du liquidus), on observe un comportement non arrhénien de la 29

Figure 2.7: Viscosité (log Pa.s) en fonction de la température (K−1) de silicates de sodium. Données à 60, 67 et 80 mol% SiO2:Neuville (2006); données à 75 mol% SiO2à basses températures : cette étude, et à hautes températures : Bockris et al. (1955). Les courbes sont des ajustements TVF des mesures (voir équation 2.6).

viscosité (Fig. 2.7). L’énergie d’activation du mouvement visqueux de l’équation 2.5 varie donc avec la température.

Ce comportement non-arrhénien est flagrant lorsque l’on regarde la figure 2.8. L’évolution de la température des liquides mène à des variations de viscosité de plusieurs ordres de grandeurs. De plus, la figure 2.8 montre des changements de viscosité très forts en fonction de la composition chimique du liquide. À température égale (e.g. ∼ 1400 K), plus de 10 ordres de grandeurs séparent la viscosité de la silice pure SiO2 de celle du disilicate de sodium Na2O-2SiO2 (Fig. 2.8). L’introduction d’éléments modificateurs de réseau comme les cations alcalins ou alcalinoterreux mène à une forte diminution des enthalpies d’activation du mouvement visqueux et donc des viscosités. On remarque aussi sur la figure 2.8 que le caractère non-arrhénien de la viscosité dépend de la composition chimique du liquide. En effet, la silice présente un comportement très faiblement non-arrhénien alors que les disilicates (NS2) et trisilicates (NS3) de sodium fondus ont des énergies d’activation variant fortement avec la température et donc des comportements fortement non-arrhéniens. Pour interpoler les mesures de viscosité sur une plage étendue de température et prendre en compte le comportement non-arrhénien de leurs variations, on peut utiliser l’équation empirique de Tamman-Vogel-Fulcher (TVF). Elle relie la viscosité à la température de la façon suivante :

log η = A + B

(T − T1), (2.6)

avec A, B et T1 des paramètres ajustables (voir les courbes des figures 2.7 et 2.8 qui sont des ajustements TVF des mesures). Bien qu’elle soit empirique et n’apporte pas de réelle information quant à la thermodynamique ou la structure du réseau, le paramètre T1 est fortement sensible à la

2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques

Figure 2.8: Log de la viscosité (en Poises, 10 Poises = 1 Pa.s) en fonction de la température réciproque (K−1) de quelques liquides silicaté et aluminosilicatés.Neuville et al. (2010).

composition chimique. Il est similaire à la température de Kauzmann TKoù l’entropie configurationnelle d’un silicate fondu serait nulle (voirSipp et al. , 2001et références citées). L’équation TVF permet de très bien reproduire les variations de viscosité des silicates et aluminosilicates fondus sur l’intervalle ∼ 0 - ∼ 13 log Pa.s. À des viscosités plus élevées ou plus basses, elle ne permet cependant pas de reproduire les données (Doremus, 2002).

L’évolution de la viscosité des silicates fondus en fonction de leur composition chimique est correlée avec l’évolution de la distribution des espèces Qn, comme présentée sur la figure 2.6. De plus, pour une composition chimique constante, cette distribution est fonction de la température. On observe une dissociation des espèces Qn lorsque la température augmente d’après la relation (Stebbins, 1988; Mysen, 1990; McMillan et al. , 1992) :

2Qn⇐⇒ Qn−1+ Qn+1. (2.7)

Une localisation des NBO et des BO semble donc favorisée par la température. Il faut toutefois prendre garde à ce formalisme. Il donne une vision relativement statique des phénomènes d’échanges de NBO et de liaisons Si-O-Si permettant le mouvement visqueux (Bockris et al. , 1955; Farnan & Stebbins, 1990; Doremus, 2002), or la durée de vie d’une espèce tétraédrique est de quelques microse-condes à haute température (Farnan & Stebbins, 1990). De plus, l’observation de Si[5] et Al[5] à haute température (Stebbins, 1991; Florian et al. , 2007; Neuville et al. , 2008b) indiquerait que ces espèces intermédiaires interviennent aussi dans le mouvement visqueux du réseau, favorisant les échanges de 31

Figure 2.9: Température de transition vitreuse (K), mesurée à partir des données de viscosité de tectosilicates d’alcalins et d’alcalino-terreux (M+/Al et M2+/2Al = 1) contenant 75 à 76 mol% SiO2, reportée en fonction de leur force de champ ionique Z/r2−2

). Ce dernier a été déterminé à partir des rayons ioniques de Whittaker & Muntus (1970) pour des coordinences CN de : K+ = 9-10, Na+ = 7, Li+ = 6, Ca2+ = 7 et Mg+ = 6 (valeurs de CN deNeuville et al. , 2004c; Cormier & Neuville, 2004; Brown Jr et al. , 1995).

liaisons T-O-T. La présence de ces espèces serait importante surtout pour des compositions très poly-mérisées comme la silice ou l’albite5 NaAlSi3O8 fondue par exemple. L’observation d’un minimum de viscosité de Ca3Al2Si6O18 fondu à environ 4 GPa, correlé avec une concentration maximale d’espèces Al[5] (Allwardt et al. , 2007) semble confirmer le comportement d’espèces transitoires des Al[5]. La formation de complexes intermédiaires, de plus ou moins grandes tailles selon la température et la composition chimique, serait alors un mécanisme permettant l’échange de liaisons et le mouvement visqueux du liquide (Farnan & Stebbins, 1990, voir aussi Richet, 2009a et références citées). D’après Neuville et al. (2008b), ce mécanisme serait particulièrement efficient dans les compositions très poly-mérisées (tectosilicates fondus), où l’Al[5]serait alors un élément clé du mouvement visqueux du réseau tétraédrique surcontraint.

On remarque sur la figure 2.9 que, à une teneur en silice constante, la T g (et donc la viscosité de 1012Pa.s) dépend fortement du cation modificateur de réseau. Le rapport Z/r2 de ces cations influence leur interaction avec le réseau silicaté, comme observé auparavant pour la distribution des espèces Qn (Fig. 2.6). La comparaison des viscosités des produits NaAlSi3O8 et Na2O-3SiO2 sur la figure 2.8 indique de plus que, à teneur en silice constante, la présence d’Al3+ va polymériser le réseau et augmenter la viscosité. Le changement de rôle du cation M (ici le Na+) de modificateur à compensateur de charge de l’Al3+ ainsi que la formation de liaisons Si-O-Al explique cette augmentation de viscosité. La distribution des espèces Qn va elle aussi être influencée par la présence d’Al3+ (Mysen & Frantz, 1994a; Mysen, 1995, 1999).

5. Dans la suite, le lecteur pourra lire « albite » écrit avec une majuscule lorsque nous parlerons du minéral, ou avec une minuscule lorsque nous parlerons de l’aluminosilicate fondu ou vitreux qui a la même composition chimique.

2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques

ii) Éléments volatils et pression

La présence d’éléments volatils comme l’eau ou le CO2 dans un silicate fondu modifie sa structure et ses propriétés rhéologiques. Les éléments volatils ont un intérêt géologique fort. En effet, un magma ou une lave contient avant son dégazage des volatils majeurs tels que H2O et CO2 ou mineurs comme SO2, H2S, HF ou encore Cl. Or ces éléments volatils, et en particulier l’eau qui est présente en forte concentration dans les magmas, sont le moteur des éruptions volcaniques.

La présence d’eau influence très fortement la T g et donc la viscosité des silicates fondus. L’ajout d’eau diminue celle-ci de plusieurs ordres de grandeur (Richet et al. , 1996; Whittington et al. , 2001, 2004, 2008, 2009). L’eau diminue de plus le volume molaire des verres, affectant ainsi leur densité (Richet et al. , 2000). Elle est présente dans les verres sous forme moléculaire (H2Omol) et de radicaux hydroxyls (OH) liés au réseau cationique du verre ou du silicate fondu (Stolper, 1982). L’ajout d’eau dans un silicate fondu va provoquer la rupture de liaisons Si-O-Si et Si-O-Al, dépolymérisant ainsi son réseau en formant des liaisons Si-OH ou Al-OH. On peut résumer son effet sur la silice avec la réaction qui suit (Moulson & Roberts, 1961) :

SiO2+ H2O ⇐⇒ Si − OH · · · OH − Si, (2.8)

avec · · · une liaison hydrogène et − une liaison covalente. L’eau a donc un rôle de modificateur de réseau. Son effet est cependant complexe et fonction de la composition de base du silicate fondu : elle diminue beaucoup plus fortement la viscosité des compositions riches en silice (voir les T g des granite et rhyolite de la figure 2.10) que celle des compositions plus pauvres en silice, et plus riches en alcalins/alcalino-terreux et alumine (andésite et basalte de la figure 2.10).

Son effet sur la viscosité est très fort lorsque sa concentration est inférieure à ∼1.5 pds%. Ceci se remarque sur la figure 2.10 où l’on observe une forte courbure des courbes de T g en dessous de 1.5 pds% H2O, puis pour les verres de basalte et d’andésite contenant jusqu’à 3.5 pds% d’eau on remarque que la pente de la courbe diminue au dessus de ∼1.5 pds% H2O. À des concentrations supérieures à ∼1.5 pds%, l’eau influence moins fortement la viscosité. Ceci provient du fait que, à faibles concentrations, l’eau est majoritairement présente sous forme OH, alors qu’à fortes concentrations les espèces H2Omol sont majoritaires. Cette proportion change de plus avec la température : la présence d’OH est favorisée à haute température par rapport aux molécules H2Omol (Nowak & Behrens, 1995; Sowerby & Keppler, 1999).

Sur les silicates fondus de compositions complexes, contenant de l’alumine et des éléments alca-lins/alcalinoterreux, l’effet de l’eau est plus complexe que le laisse entendre l’équation 2.8. Des résultats récents de RMN 1D et 2D des noyaux 1H, 27Al et 29Si ont montré que les groupements OH peuvent s’associer aux éléments formateurs de réseau (Si,Al) et dépolymériser le réseau du silicate fondus, ou bien former des liaisons avec les cations modificateurs comme Ca2+ ou Mg2+ (Xue & Kanzaki, 2004, 2007, 2008). Dans ce dernier cas, les OH ne joueraient plus un rôle de modificateur, et favoriseraient même la polymérisation du réseau en complexant les cations modificateurs de réseau.

Bien que complexe d’un point de vue structural, l’effet de l’eau sur la viscosité des silicates fondus commence à être bien contraint, grâce aux mesures effectuées sur une gamme étendue de compositions chimiques (voir par exemple Richet et al. , 1996; Holtz et al. , 1999; Whittington et al. , 2000, 2001;

Figure 2.10: T g de différents silicates fondus hydratés en fonction de leur teneur en eau. HPG : Haplogranite,Dingwell et al. (1996); Andesite,Richet et al. (1996); Rhyolite et Basalte, cette étude.

Romano et al. , 2003; Giordano et al. , 2004a,b; Whittington et al. , 2004; Misiti et al. , 2006; Poe et al. , 2006; Whittington et al. , 2008; Giordano et al. , 2009; Whittington et al. , 2009; Misiti et al. , 2011). On pourra, pour une composition proche, utiliser ces données expérimentales pour estimer l’effet de l’eau sur le silicate fondu étudié si aucune mesure n’est disponible. Il faut cependant prêter attention à la qualité des données proposées, particulièrement proche de Tg où l’effet de l’eau est très fort. Certaines études ne proposent que deux à trois données de viscosité proche de T g mesurées par micropénétration, une technique donnant des erreurs plus fortes que l’écrasement utilisé à l’IPGP par exemple (σmicrop´en´etration≥ 0.1log Pa.s > σf luage = 0.03log Pa.s)(voir données de Misiti et al. , 2011

par exemple). On favorisera si possible l’utilisation de mesures couvrant 3 à 4 ordres de grandeurs, qui permettent d’obtenir une estimation précise des variations de la viscosité en fonction de la température et de la teneur en eau. En l’absence de mesures ou de données sur un silicate proche de la composition étudiée, les modèles de Hui et Zhang (2007) et Giordano et al. (2008) peuvent permettre de prendre en compte l’effet de l’eau. On pourra les utiliser en vérifiant au préalable, avec des données de la littérature par exemple, s’ils sont adéquats pour la gamme de composition étudiée.

L’effet du CO2 a été moins étudié que celui de l’eau en raisons des difficultés expérimentales ren-contrées pour synthétiser des échantillons ayant à la fois une taille suffisante (plusieurs centimètres) pour effectuer des mesures de viscosité et une teneur en CO2 homogène. Les quelques données exis-tantes concernent des liquides d’albite, de sanidine et de mélilite sodique à haute pression et haute température (Brearley & Montana, 1989; White & Montana, 1990). Bourgue & Richet (2001) ont réussi à synthétiser des silicates de potassium contenant différentes proportions de CO2 dissous en les chauffant à différentes températures, dans le but d’éviter la décarbonation totale des produits. Comme

2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques

(a)

1873 K

(b)

Figure 2.11: a) Viscosité d’un verre KS1.3 (56.9 mol% SiO2, 43.1 K2O) en fonction de la teneur en CO2 en poids% (Bourgue & Richet, 2001). b) Viscosité en log Poises en fonction de la pression en GPa de quelques aluminosilicates fondus. Données deBrearley et al. (1986). pour l’eau, il est possible de mesurer leur viscosité proche de Tg sans exsolution du CO2. Les données montrent une diminution de la viscosité lors de l’augmentation de la teneur en CO2(Fig. 2.11a). Cette effet est néanmoins beaucoup moins fort que celui de l’eau.

Il est nécessaire de considérer que les magmas contiennent généralement une proportion inférieure à 0.1 pds% de CO2 dissous avant leur dégazage, alors qu’elles peuvent contenir jusqu’à 5 à 6 pds% d’eau. Celle-ci affecte beaucoup plus fortement les propriétés rhéologiques du magma. D’après Morizet et al. (2007), l’effet du CO2 peut donc être négligé en première approximation dans l’estimation de la viscosité d’un aluminosilicate fondu.

Concernant les autres éléments volatils, peu de données expérimentales existent. Les études sur le fluor et le chlore montrent que leur impact sur la structure et la viscosité des silicates fondus est complexe et dépend de leur composition (Dingwell & Mysen, 1985; Giordano et al. , 2004a; Zimova & Webb, 2006, 2007). À l’heure actuelle, les données disponibles ne permettent pas encore de modéliser correctement leur influence sur les laves à l’heure actuelle. Ces éléments sont cependant présents en faibles proportions, sauf dans certains cas extrêmes (voir Giordano et al. , 2004aet références citées). On pourra donc, comme le CO2, les négliger dans le calcul de la viscosité de la lave sans affecter les résultats finaux d’erreurs très importantes.

Un autre facteur particulièrement important dans un contexte géologique est la pression, qui va évoluer de la source des magma à la surface. Il est donc nécessaire d’envisager l’effet que peut avoir la pression sur ses propriétés rhéologiques dans le cadre de la modélisation de la viscosité. Les données expérimentales obtenus sur des silicates fondus de compositions simples montrent une diminution de la viscosité lors de l’augmentation de pression (Fig. 2.11b). Cet effet est dépendant de la composition chimique du silicate fondu (Fig. 2.11b). L’effet de la pression est cependant à pondérer, puisque n’in-35

fluençant significativement la viscosité qu’à partir de pressions supérieures à 1 GPa. Ceci correspond à une profondeur dans la croûte terrestre de plus de 10 Km. Dans le cas d’applications volcanologiques, on pourra donc prendre ou non en compte la pression en fonction de la profondeur des réservoirs magmatiques. Pour des profondeurs inférieures ou égales à 10 km, on négligera l’effet de la pression sur la viscosité. Par contre, la pression va surtout influencer indirectement la viscosité dans les édifices volcaniques par le biais de son impact sur la solubilité des gaz dissous dans les magmas. Il faudra donc plutôt étudier les relations entre pression, solubilité et concentration en éléments volatils et notam-ment en eau dans les magmas, et prendre en compte tout changenotam-ment de la teneur en volatils afin de modéliser correctement les variations de leurs propriétés rhéologiques entre le réservoir magmatique et la surface.

2.3.2 Propriétés thermodynamiques

En fonction de sa composition chimique, un silicate fondu ou vitreux présente des propriétés thermo-dynamiques différentes. Celles-ci dictent l’efficacité des transferts de chaleur et d’énergies, et reflètent macroscopiquement sa structure moléculaire. Leur étude a donc été un but important dans le do-maine des verres et silicates fondus, mais aussi de la magmatologie. Les mesures calorimétriques sont par exemple la voie d’accès la plus directe aux propriétés que sont la capacité calorifique à pression constante et l’entropie d’un cristal, d’un verre ou d’un silicate fondu. La capacité calorifique à pression constante, Cp, est reliée à l’enthalpie H et l’entropie S par :

Cp = (∂H/∂T )P, (2.9) et Cp = T (∂S/∂T )P, (2.10) ou encore : H(T ) − H(T0) = ˆ T T0 CpdT, (2.11) et S(T ) − S(T0) = ˆ T T0 (CP/T )dT. (2.12)

À pression constante, les calorimètres mesurent lors des expériences une quantité de chaleur H(T ) − H(T0) issue d’une variation de température T − T0 de l’échantillon. Différents types de calorimètres existent (voir thèse de Richet [1982] pour une description des différents appareils cités ci-dessous). Les calorimètres adiabatiques permettent de connaître les Cp avec des erreurs inférieures à 0.1% de la très basse température (quelques K) à 300 K, en mesurant l’élévation de la température de l’échantillon, T − T0, provoquée par l’apport d’une énergie connue, H(T ) − H(T0). Le calorimètre est placé dans une enceinte, dont la température est modifiée en permanence pour être constamment égale à celle du calorimètre. Dans ces conditions, il n’y a donc pas d’échanges thermiques entre calorimètre et

envi-2.3 Propriétés thermodynamiques et rhéologiques

ronnement. Les calorimètres DSC (Differential Scanning Calorimetry) permettent d’avoir des mesures entre environ 300 et 1000 K, avec des erreurs inférieures à 1%, en effectuant une analyse thermique différentielle. Enfin, les calorimètres de chutes mesurent les Cp de l’ambiante à plus de 2200 K avec des erreurs inférieures à 0.1%. On chauffe l’échantillon à une température T voulue, que l’on peut mesurer précisément, et on le fait chuter dans le calorimètre auquel il cède de la chaleur, H(T ) − H(T0), en s’équilibrant avec lui à la température T0.

Ces différentes techniques présentent chacunes leurs propres avantages et inconvénients (rapidité d’acquisition, facilité de mise en oeuvre versus précision...). Elles sont complémentaires et permettent au final de mesurer les Cp des silicates cristallisés, vitreux et fondus. La détermination des enthalpies de fusion 4Sf est nécessaire pour déterminer l’entropie de configuration d’un verre par exemple, à l’aide du cycle thermodynamique que nous verrons dans quelques lignes. Les 4Sf sont déterminées à partir des enthalpies 4H de solution des cristaux, mesurées dans un calorimètre de type Calvet par exemple (voir Richet et al. , 1990) permettant de connaître les variations de température d’un fluide causées par la dissolution de l’échantillon dans celui-ci.

Pour les verres, les Cp (notés Cpg par la suite) sont en général des fonctions additives de la compo-sition chimique de la forme (Stebbins et al. , 1984; Richet & Bottinga, 1986; Richet, 1987) :

Cpg(T ) =X i

xiCpi(T ), (2.13)

où xi et Cpi sont respectivement les fractions molaires et capacités calorifiques partielles molaires des oxydes i. Les valeurs proposées dans Richet (1987) permettent en particulier de reproduire les expériences avec une erreur inférieure à ∼ ±1%. L’équation

Cpi(T ) = ai+ biT + ci T2 + di

T1/2, (2.14)

où ai, bi, ci et di sont des valeurs partielles molaires pour les oxydes i permet de calculer les Cp partielles molaires et d’utiliser l’équation 2.13 pour calculer la capacité calorifique du verre à la tempé-rature T . À T g, les capacités calorifiques isochores (Cv) des silicates vitreux tendent toutes vers une même limite : la limite de Dulong-Petit égale à 3R/g−at. avec R la constante des gaz parfaits, soit 24.9 J.g-at.−1 (Richet & Bottinga, 1986; Richet, 1987). Pour les silicates et aluminosilicates, Cp ' Cv, ce qui permet de calculer la Cpg d’un verre à T g à l’aide de cette limite avec une erreur de ±3% (Richet, 1987).

La capacité calorifique d’un verre est vibrationnelle, id est elle représente la capacité des atomes du verre à transformer un apport d’énergie thermique en énergie cinétique (mouvement de vibration). La limite de Dulong-Petit est une limite harmonique pour les solides cristallins ou amorphes présentant un