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3 Méthodes expérimentales

3.3 Caractérisation usuelle des verres : microsonde électronique et densité

3.3.1 Microsonde électronique

Les analyses des compositions chimiques des verres ont été effectuées à l’aide de la microsonde électronique SX50 du service Camparis (Jussieu, UMPMC-Paris 6). La microsonde est un outil cou-rant en Science de la Terre, où elle permet d’obtenir la composition chimique des phases minérales et amorphes constituant les roches (Reed, 2005). Celle-ci nous a servi pour notamment vérifier qu’aucun écart important entre composition nominale et analysée n’existait, ceci pouvant révéler un biais dans la préparation de l’échantillon. La microsonde électronique est basée sur un principe maintenant bien connu : si la matière est soumise à un bombardement d’électrons, celui-ci va interagir avec les couches électroniques des atomes la constituants. La désexcitation des couches électroniques des atomes va se faire par émission de rayons X secondaires, dont la longueur d’onde est typique d’un élément en particulier (Reed, 2005). En captant ces rayons X à l’aide de spectromètres, on obtient un spectre avec différentes raies caractéristiques des éléments chimiques analysés. Leurs intensités indiquent la concentration chimique en pds% des éléments chimiques présents. La mesure effectuée est relative, la microsonde étant étalonnée avant toute analyse sur des solides standards de compositions connues. La microsonde permet d’effectuer des analyses ponctuelles, avec une précision de l’ordre de quelques micromètres carrés. Sa précision sur les concentrations chimiques mesurées est de l’ordre du % (Reed, 2005). Elle permet de plus de connaître par différence à 100 la teneur en volatils d’un verre volca-nique. Sa précision va varier en fonction des conditions expérimentales (tension d’accélération, courant électronique, temps de comptage, élément mesuré, raie analysée, qualité de surface de l’échantillon...). Avant les analyses, nous avons préparé les échantillons en les moulant dans une bague de résine. Les verres sont ensuite portés à l’affleurement par abrasion et sont ensuite polis. Les bagues sont ensuite métallisées par un dépôt de graphite s’effectuant sous vide, afin de les rendre conductrice et d’éviter l’accumulation de charges dans les verres sous l’action du faisceau d’électrons. Lors des analyses, la composition chimique de chaque produit a été mesurée en 12 points au minimum sur plusieurs fragments de verre. Les compositions des verres synthétiques et naturels sont la moyenne de ces différentes mesures. Nous avons du porter une attention particulière pour les verres riches en sodium, celui-ci ayant la capacité de migrer sous le faisceau voir de se volatiliser. Pour contrer ce phénomène, nous avons essayé de défocaliser légèrement le faisceau, afin de réduire l’irradiation et l’échauffement de l’échantillon. Les mesures ont été effectuées sur des zones propres, sans rayures apparentes, et ce même pour les produits naturels comme les ponces où la vésicularité et l’étroitesse des parois vitreuses peuvent poser problème. Le courant employé a aussi été faible, ceci afin d’éviter les pertes sous faisceau (typiquement, I= 30nA, U=15 kV, avec un diamètre de 30 μm).

Les proportions de Li2O communiquées dans le tableau 3.1 ont été calculées à partir de la différence à 100 de l’analyse à la microsonde (aucune barre d’erreur n’est donc fournie). En effet, le Li est trop léger pour être détecté lors des mesures à la microsonde électronique. Nous n’avons de plus pas pu mesurer les compositions chimiques des verres NA75.00 et KA75.00. Pour le premier, nous avons observé une forte volatilisation du Na lors des tentatives de mesures. Le verre KA75.00 a, quant à lui, un comportement 81

fortement hygroscopique. Lors des analyses, ayant eu lieu environ 1 an après sa synthèse, et malgré la conservation de ce verre dans un dessicateur, nous avons observé la présence d’eau dans le verre qui avait de plus un état de surface (initialement polie sur la bague) très particulier. Les analyses obtenues n’ont pas donné de résultats concluant.

3.3.2 Densité i) densité des verres

La densité des verres a été mesurée par la méthode d’Archimède en utilisant du toluène comme liquide d’immersion. Le toluène possède l’avantage d’être un solvant qui ne réagit pas avec les verres et de posséder un bon pouvoir mouillant. De plus, ses variations de densité avec la température sont connues et prises en compte dans le calcul des densités des verres. En effet, l’équation de dépendance de la densité du toluène ρt avec la température est la suivante :

ρt= 0.8845 − 0.9159.10−3.T + 0.368.10−6.T2, (3.1) avec T en °C. En sachant que d’après le principe d’Archimède, pour un morceau de verre de densité ρv, ayant une masse ma dans l’air, et une masse mt lorsqu’il est totalement immergé dans le toluène, on a

ρvt= ma/(ma − mt). (3.2)

On peut donc calculer ρv avec :

ρv = ρt.ma/(ma− mt). (3.3)

Pour chaque composition, nous avons mesuré la masse d’une dizaine de fragments de verres à l’air libre et dans le toluène avec une balance de précision 1 × 10−5g. Ceci nous a permis de calculer la densité avec l’équation 3.1. La mesure à chaque début d’expérience de la densité d’un saphir, dont la valeur est parfaitement connue et égale à 3.987, nous permet d’estimer l’erreur intrinsèque de cette méthode qui est de 0.001.

La densité d’un verre est fonction de sa composition chimique et de sa structure, mais aussi de son histoire thermique (vitesse de trempe). On peut, afin de s’affranchir des effets de masse, calculer le volume molaire d’un verre, VM, en connaissant sa composition chimique et sa densité ρ :

VM =XxiMi/(100.ρ) (3.4)

avec xi la fraction molaire de l’oxyde i, ayant une masse molaire Mi. Les propriétés de densité et volume molaire d’un verre reflètent les effets de rayon ionique et de masse des éléments constitutifs du réseau vitreux, mais elles peuvent aussi être affectées par la présence de fractures.

3.3 Caractérisation usuelle des verres : microsonde électronique et densité

ii) Densité des produits volcaniques

Les mesures de densité sur des ponces permettent de déterminer le volume de bulles qu’elles contiennent. On peut donc, s’il n’y a pas eu coalescence, avoir une estimation de la proportion de bulles présentes dans le magma au moment de sa fragmentation dans le cas d’un panache plinien par exemple. La densité apparente d’une scorie volcanique (ponce, bombe volcanique, lapilli...) est fonction de plusieurs paramètres :

– volume de cristaux et leurs densités ; – volume de verre et sa densité ; – volume de bulles.

Ces mesures permettent d’estimer les fractions de porosités ouverte et fermée, et donc d’avoir accès à une information quant à la perméabilité d’un magma. Celle-ci représente la connectivité des bulles, et va donc influencer le dégazage en système ouvert ou fermé du magma (en plus bien sûr des propriétés de l’encaissant, comme sa fracturation et sa perméabilité). Elle est donc un paramètre clé, notamment pour les éruptions pliniennes par exemple où elle va jouer un rôle sur le phénomène de fragmentation du magma (Gardner et al. , 1996).

La mesure de la densité de fragment de ponces par immersion dans le toluène présente plusieurs spécificités. Tout d’abord, elle permet en effectuant des mesures dès l’immersion de celles-ci et ensuite au cours du temps de déterminer :

– la densité apparente des ponces (lorsque celle-ci est bien sûr supérieure à celle du toluène) ; – la vitesse d’invasion de la porosité par le toluène ;

– et la densité finale de la ponce, lorsque le toluène a envahi la porosité ouverte (i.e. connectée) de la ponce.

Cette dernière valeur est fonction de la densité du verre, des minéraux éventuels et de la porosité fermée de la ponce. En combinant cette analyse avec des mesures de densité par pycnométrie effectuées sur des poudres (ponces broyées), ceci permet d’estimer les fractions de porosités ouvertes et fermées. Pour mesurer la densité des ponces dans le toluène, celles-ci ont été préalablement nettoyées à l’éthanol dans un bac à ultrason, et ensuite séchées. Dès leur introduction dans le toluène, une première mesure de leur masse est faite, permettant ainsi d’estimer la densité apparente. Puis, en laissant immerger les ponces durant quelques semaines dans le toluène, et en suivant l’évolution de leur densité au cours du temps, on observe qu’elle se stabilise, indiquant le remplissage total de la porosité ouverte par le toluène. On obtient ainsi la densité de la ponce avec sa porosité fermée. Pour avoir accès à la densité de la ponce sans la porosité, des mesures par pycnométrie ont été effectuées au laboratoire de Dynamique des Fluides Géologiques à St-Maur-des-Fossés. Les ponces ont été broyées et la poudre obtenue a été lavée à l’éthanol dans un bain à ultrason pour retirer toute trace de substance organique. 10 à 20 g de poudres ont été utilisés pour effectuer chaque mesure à l’aide d’un pycnomètre de volume connu, à une température de 23°C. La différence de masse entre le pycnomètre rempli d’eau (dont la densité est connue pour la température de 23°C), et du mélange eau/poudre nous permet d’estimer la densité de la poudre.

3.4 Viscosité

Les mesures de viscosité sur les liquides silicatés peuvent être effectuées par différentes méthodes selon le domaine de viscosité étudié (voirNeuville, 1992; Barton & Guillemet, 2005, pour plus de détails sur les techniques présentées ci-après). En effet, à basse viscosité (i.e. Pour η < 105− 106P a.s), on peut mesurer la viscosité à l’aide de cylindres coaxiaux (principe de cisaillement de Couette), ou par chute d’une bille (formule de Stokes, utilisée à haute pression et haute température). À haute viscosité (i.e. η > 106P a.s), on pourra mesurer la viscosité par écrasement, par indentation, par étirement (vitesse d’allongement d’une baguette de verre) ou par flexion d’une barre prismatique. En général, la viscosité ne peut être mesurée de façon continue sur le domaine 100− 1012P a.s, et ceci à cause d’une part de changements sur une échelle logarithmique des vitesses de déformation imposant un changement de technique de mesure, et d’autre part d’une cristallisation du liquide intervenant dans le domaine η = 106− 109P a.s, et ce pour la plupart des silicates fondus étudiés. Nous avons à notre disposition deux appareils permettant de mesurer les basses et hautes viscosités au laboratoire de Géochimie et Cosmochimie : la machine à fluage et le dispositif de Couette (Neuville & Richet, 1991; Neuville, 1992, 2006). La machine à fluage (Fig. 3.4 ; Gent, 1960; Neuville & Richet, 1991; Neuville, 1992) permet d’effectuer des mesures absolues de viscosité de 108 à 1015 Pa.s dans le domaine de température 300 – 1000°C. Les mesures sont effectuées sur des cylindres de verre de diamètre compris entre 3 et 11 mm et de longueur comprise entre 4 et 22 mm. Les cylindres sont obtenus par carottage des verres recuits et des ponces avec des forêts diamantés. Les deux extrémités des éprouvettes sont polies, de façon à obtenir deux faces parallèles à ± 2 μm.

Les éprouvettes sont placées entre deux pistons (Fig. 3.4b). Deux thermocouples Pt/Pt90-Rh10 pla-cés de part et d’autre de l’échantillon permettent de contrôler les gradients thermiques verticaux et horizontaux, devant être inférieurs à 0.5 K, soit une f.e.m. entre les deux thermocouples de moins de 3 μV. L’erreur intrinsèque de mesure des thermocouples est inférieure à 1 μV soit 0.1 K. Un barreau d’argent placé autour de l’échantillon peut être utilisé, permettant d’obtenir facilement un bon gra-dient thermique (inférieur à 0.2 K). Cependant l’utilisation de celui-ci est limitée par le liquidus de l’argent situé aux alentours de 962°C. Pour certains verres riches en silice que nous avons étudiés, nous avons travaillé sans barreau d’argent dans le domaine de température 870-1000°C. À ces températures, l’échantillon est chauffé principalement par radiation, et non par échange avec l’air dans le four comme c’est le cas à plus basses températures. Le gradient thermique est plus difficile à contrôler, du fait de sa très grande sensibilité à la position du four, mais un réglage fin de celle-ci nous permet d’assurer un gradient toujours inférieur à 0.5 K lors des mesures effectuées.

Lors d’une mesure à température constante, une contrainte σv est appliquée à l’échantillon et le cap-teur de position permet de suivre sa déformation au micromètre près. En mesurant le raccourcissement au cours du temps, on peut calculer la viscosité qui est égale à :

η = σv/3ε ,. (3.5)

avec ε. la vitesse de déformation et η la viscosité absolue en Pa.s ou en Poises, avec 1 Pa.s = 10 Poises. L’équation 3.5 est applicable pour un fluide newtonien se déformant de façon visqueuse. La relation entre la vitesse de déformation et la contrainte est alors linéaire. La machine de fluage sollicite

3.4 Viscosité Four 300-1000°C Pistons Flèche Bras de levier Crémaillère (a) (b)

Figure 3.4: a) Schéma général de la machine de fluage et b) grossissement des deux pistons compres-sant l’éprouvette de verre dans la machine de fluage ; 1 et 2 : capteurs de position ; 3, 4 : thermocouples ; 12 : rondelle d’alumine ; 13 : feuille de platine ; 14 : barreau d’argent ; 15 : éprouvette. L’utilisateur fixe la température du four, puis applique une force F [flèche verte, figure a)] par l’intermédiaire des pistons en chargeant une masse définie sur la ba-lance de droite. Celle-ci transmet la contrainte au piston du bas par l’intermédiaire du bras de levier, celui-ci étant monté sur une flèche. Une crémaillère permet de régler la hauteur et le centrage du four par rapport aux pistons. D’aprèsNeuville (1992).

l’éprouvette en compression uniaxiale et non en cisaillement pur. La déformation s’effectuant à volume constant, le coefficient de poisson est égal à 0.5 (Poirier, 1976). Le module de cisaillement μ est alors égal à E/3, avec E le module d’Young, ce qui explique la présence du terme 1/3 dans l’équation 3.5 (Neuville, 1992). Celle-ci implique que le rapport largeur sur diamètre augmente de façon constante (l’échantillon garde une forme cylindrique), et donc que les surfaces de l’échantillon en contact avec les feuilles de platine (Fig. 3.4b) augmentent suivant le même taux. Or ceci n’est plus vrai après 45 % de déformation, où l’échantillon prend la forme d’un barillet (largeur L au centre plus importante qu’aux extrémités). L’équation 3.5 n’est donc plus valable après 45 % de déformation. C’est pourquoi toutes nos mesures ont été effectuées jusqu’à 45 % de déformation.

Pour obtenir une valeur de viscosité à une température donnée, nous avons effectué 6 à 9 mesures de la vitesse de déformation à 5 contraintes différentes, ceci afin de vérifier le caractère newtonien de la viscosité. Le calcul de la viscosité de l’éprouvette à une température T est une moyenne des 30 à 45 mesures effectuées. L’erreur de mesure est inférieure à 0.02 log, soit en température une erreur inférieure à 1 °C environ. La répétabilité de la mesure a pu être estimée à l’aide de mesures fréquentes effectuées sur un verre de référence : le NBS717. La figure 3.5 représente les mesures de viscosité effectuées sur ce verre au cours de cette thèse. Un très bon accord entre données de référence et mesures est observé ; de plus, aucune déviation n’a été observée au cours du temps. Ces mesures fréquentes du standard NBS717 permettent de s’assurer du bon fonctionnement du viscosimètre et de la chaîne de mesure de la température (thermocouples, soudure froide, voltmètres...). Un ajustement des données présentées 85

9 9,5 10 10,5 11 11,5 12 12,5 11,5 12 12,5 104/T, K-1

Figure 3.5: Viscosité du verre de référence NBS717 en fonction de la température. Les points bleus représentent les mesures effectuées au cours de cette thèse ; les courbes pointillées rouge et bleu sont deux courbes de références données par le National Bureau of Standard. dans la figure 3.5 à l’aide de l’équation TVF nous a donné une erreur de reproductibilité de 0.02 log Pa.s. Ceci représente donc l’erreur totale (somme des erreurs point à point et systématique) effectuée sur les mesures de viscosité.

Après les mesures, nous avons vérifié qu’aucune cristallisation n’ait eue lieu lors des expériences en regardant les échantillons sous la loupe binoculaire et en effectuant des spectres Raman. Les premières mesures ont été effectuées à des viscosités d’environ 10.5 à 11 log Pa.s, proche de la T g. Une atten-tion particulière a été portée aux échantillons naturels, succeptibles de facilement cristalliser de par la présence de fer. Nous avons observé des phénomènes de cristallisation durant certaines mesures uni-quement pour les échantillons de néphéline NAK50.25.0 et de la lave de l’Erebus. La cristallisation est survenue à une viscosité relativement basse (environ 9.5 log Pa.s) dans les deux cas, et s’est manifestée par une déviation immédiate des nouvelles mesures à celles effectuées auparavant à des températures plus basses. À plus hautes viscosités, aucune dépendance au temps de la viscosité n’a été observée, ceci pouvant marquer une cristallisation lente des échantillons (Neuville et al. , 1993). Toutes les données de viscosité reportées dans cette thèse sont celles d’échantillons non crystallisés.

Suite à des problèmes de casse d’éléments chauffant à répétitions, et du déménagement de l’Institut de Physique du Globe de Paris en 2010 ayant engendré une attente de pièces jusqu’en janvier 2012, nous n’avons pas eu le temps de reconstruire le dispositif de Couette permettant la mesure des viscosités des produits à haute température avant la rédaction de cette thèse. Je ne présenterai donc pas ce dispositif dans cette section, et invite le lecteur à se référer à Neuville (1992) pour plus de détails concernant cette technique.