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Historique d’Escherichia coli entérohémorragique

II. Historique d’Escherichia coli entérohémorragique

1. Agent pathogène EHEC

1.3 Facteurs de virulence des EHEC

1.3.1 Shiga-toxines

1.3.1 Shiga-toxines

Les Shiga-toxines (Stx) sont considérées comme le principal facteur de virulence des EHEC. Les toxines Stx sont également connues sous le nom de Vérotoxines en raison de leur cytotoxicité sur les lignées cellulaires Vero dérivant de cellules épithéliales rénales de singe africain. La pathogénicité des EHEC dépend de la production des toxines Stx qui sont responsables des effets cliniques, notamment les colites hémorragiques et le SHU. Les toxines Stx sont des exotoxines présentant une parenté avec la toxine produite par Shigella dysenteriae de type I. Elles ont été classées en deux groupes majeurs : Stx1 et Stx2. Pour chaque groupe de toxine Stx, plusieurs variants ont été identifiés.[23]

1.3.1.1 Phages stx

Les gènes stx, codant les Shiga-toxines, sont portés sur un opéron localisé sur le génome d’un phage inductible et lysogénique similaire au bactériophage λ, appelé phage stx. Les gènes codant Stx1 et Stx2 sont portés par des phages distincts ayant un processus d’induction similaire. [24]

Au stade lysogénique, le phage stx est intégré dans le chromosome bactérien sous la forme d’un prophage et l’expression des gènes stx est inhibée. Dans le chromosome bactérien, les phages stx peuvent s’insérer au niveau d’un site préférentiel unique ou d’autres sites d’intégration secondaires.[25] Dans certaines conditions, le prophage est induit (stade lytique) et les gènes portés par le phage sont exprimés. Ainsi, l’expression des gènes stx est sous le contrôle du promoteur du phage et de l’antiterminateur Q [26] [27].

L’induction des prophages stx, et donc la production de Stx, est contrôlée par des molécules signal, dont RecA, un régulateur du système SOS (Figure 2).[24]

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Figure 2: Induction de la production des Shiga-toxines Stx1 et Stx2, adaptée de Mellies & Lorenzen (2014).[24]

Par exemple, lors d’une infection chez l’Homme, un stress oxydatif qui survient au niveau de l’intestin participe à l’activation de RecA et donc à l’induction des prophages stx [28]

Le traitement des infections humaines à EHEC par des antibiotiques ciblant la synthèse d’ADN peut avoir de graves conséquences cliniques en raison de l’effet de certains antibiotiques sur l’induction du phage stx et la production de Stx. [29]

Par ailleurs, l’adrénaline, la noradrénaline ou l’auto-inducteur 3 (AI-3), une molécule du quorum sensing produite par les bactéries du microbiot intestinal, activent RecA par un mécanisme dépendant du système Qse (qorum sensing E. coli) [30] [31]

D’autres facteurs comme la carence en fer et la présence d’éthanolamine peuvent favoriser l’expression des gènes stx1 et stx2, respectivement. [32] [24]

Le prophage stx au stade lysogénique module l’expression de certains gènes de la bactérie hôte, comme par exemple une augmentation de l’expression de gènes impliqués dans la mobilité ou l’inhibition de l’expression de l’appareil de sécrétion de type III .[33] [34]

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Cette inhibition est due à une région régulatrice présente sur le génome du phage stx et principalement retrouvée chez les souches de sérogroupe O157 isolées de cas cliniques. Chez les souches O157, la présence d’une région codant pour l’antiterminateur transcriptionnel Q933 a été associée à une expression élevée des gènes stx [35] .

De plus, les phages stx peuvent réguler différentes étapes de l’interaction des EHEC avec l’épithélium intestinal, comme l’augmentation de l’expression de la nucléoline, un des récepteurs de l’intimine.[36]

Les phages stx représentent des éléments génétiques mobiles et sont considérés comme vecteurs des gènes stx. La transmission des phages stx peut avoir lieu au cours du transit intestinal mais aussi dans l’eau, les aliments, via les fèces ou encore les biofilms.[37] [38]

1.3.1.2 Structure et mode d’action des Shiga-toxines

Les toxines Stx sont composées d’une sous-unité A liée de façon non covalente à 5 unités B identiques formant un pentamère (protéine de type AB5) (Figure 3). La sous-unité A est composée de deux parties, A1 et A2, reliées entre elles par un pont disulfure. Le peptide A1 possède l’activité enzymatique N-glycosidase alors que les sous-unités B permettent l’interaction de la toxine avec son récepteur, le globotriaosylcéramide Gb3 présent à la surface des cellules endothéliales de l’intestin, du rein et du cerveau chez l’homme.[39]

Pour exercer son activité N-glycosidase, le peptide A1 doit être libéré dans le cytosol de la cellule cible. Bien que la protéine Stx2 ne présente que 60% d’homologie avec Stx1, les deux toxines ont un mode d’action identique.[40] [41]

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Figure 3: Structure (A) et mode d’action des Shiga-toxines (B) , adaptée de Bryan et al. (2015); Melton-Celsa (2014). La toxine Stx, composée d’une unité A et d’un pentamère de

sous-unités B, se fixe au récepteur Gb3 et est internalisée dans l’endosome. Le complexe Stx/Gb3 migre par un transport rétrograde vers l’appareil de Golgi puis le réticulum endoplasmique dans lequel le peptide A1 est libéré pour atteindre les ribosomes et engendrer un arrêt de la

synthèse protéique.[42]

Au niveau du site de colonisation intestinal des EHEC, les toxines Stx sont relarguées lors de la lyse bactérienne et rejoignent la circulation sanguine par translocation des cellules épithéliales intestinales, dépourvues de Gb3, du pôle apical vers le pôle basal sans activité cytotoxique. Les toxines Stx atteignent les cellules endothéliales cibles du côlon, du rein et du cerveau et se fixent sur le récepteur Gb3.[43]

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Il existe deux sites de fixation de la sous-unité B qui ont une forte affinité avec le récepteur Gb3 alors que le troisième site de fixation semble être important pour le recrutement des récepteurs à la surface des cellules. Après fixation de la toxine au récepteur Gb3, le complexe Stx/Gb3 est internalisé dans la cellule cible par un mécanisme d’endocytose puis fusionne avec l’endosome (Figure 3). Le complexe rejoint l’appareil de Golgi puis le réticulum endoplasmique (RE) par un transport rétrograde.[41]

Dans le RE, le pont disulfure entre les peptides A1 et A2 est réduit et seul le peptide A1 est libéré et quitte le RE pour atteindre l’enveloppe nucléaire puis les ribosomes cibles (Figure 3). L’activité N-glycosidase du peptide A1 retire un résidu adénine de l’ARN ribosomique 28S du ribosome 60S, ce qui entraine la dissociation du ribosome avec le facteur d’élongation 1, conduisant à l’inhibition de la synthèse protéique.[44] Il a également été montré que les toxines Stx sont capables d’induire l’apoptose de différents types cellulaires.[45]

1.3.1.3 Sous-types de Shiga-toxines

Comme indiqué ci-dessus, deux grands groupes de toxines, Stx1 et Stx2, et de nombreux variants ont été identifiés. Ils se distinguent par leur différence d’activité biologique, de réactivité immunologique, de reconnaissance de leur récepteur au niveau des cellules cibles et de leur capacité à être activés par l’élastase du mucus intestinal.[46]

En 2012, Scheutz et al. ont développé un système basé sur les séquences des toxines Stx afin de standardiser la nomenclature des différents variants.[47] Le groupe des toxines Stx1 inclut les variants Stx1a, Stx1c et Stx1d, alors que celui des toxines Stx2 est plus hétérogène et comprend les variants Stx2a, Stx2b, Stx2c, Stx2d, Stx2e, Stx2f et Stx2g. Le type de variant reflète à la fois l’origine des souches et leur pouvoir pathogène. Certains variants semblent associés à des hôtes spécifiques et pourraient influencer directement la virulence des souches.[48]

Par exemple, les variants Stx2a, Stx2c et Stx2d ont été fréquemment associés à des souches hautement pathogènes et à l’apparition du SHU, alors que les variants Stx1 et Stx2e, Stx2f et Stx2g sont plus rarement impliqués dans des cas d’infections humaines . Les différents profils des variants de Stx sont considérés comme un facteur prédictif de la sévérité des infections à EHEC.[49]

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