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Notre étude se base sur les seuils d’anémie donnés par l’OMS et la HAS. Ces seuils sont jugés trop hauts par un certain nombre de médecins généralistes, qui n’explorent les anémies que pour des seuils plus bas, et par une hématologue de l’hôpital de Bayonne ayant donné son avis pour une patiente. Les seuils théoriques donnés par les sociétés savantes ont- ils une réelle pertinence au niveau clinique ? Dans deux études concernant les anémies du sujet âgé citées dans la partie « introduction », un certain nombre d’anémies restaient inexpliquées après le bilan étiologique, respectivement 18% (50) et 34 % (49). Dans notre

étude, l’anémie restait inexpliquée dans 16 % des cas (dans 3% des cas, le bilan était en

cours), auxquels on peut rajouter les 8 % d’hypothèses. Ceci pose la question de savoir si ces anémies sont en lien avec une pathologie jusque là non diagnostiquée ou bien si ces situations ne sont pas réellement pathologiques. Notons que les explorations ne sont pas anodines ni

sans risques (on peut citer, par exemple, le risque de perforation au cours d’une coloscopie).

Apportent-elles à chaque fois une amélioration en termes de diminution de la mortalité ou amélioration de la qualité de vie ? On pourrait discuter de proposer, dans l’outil, un simple

contrôle de l’anémie en cas d’anémie modérée chez un patient asymptomatique. Mais

comment définir cette « anémie modérée » ?

Par ailleurs, il faut souligner que la majorité des médecins interrogés dans cette étude utilise comme seuils d’anémie les seuils donnés par les laboratoires. Ceux-ci sont décidés par les biologistes. Par exemple, γ grands groupes de laboratoires existent sur l’agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz. J’ai rencontré β biologistes d’un de ces groupes, dont le responsable. Ce groupe compte 14 biologistes dans 14 laboratoires. 4 de ces laboratoires ont un plateau technique pour réaliser les analyses, les autres réalisent uniquement les prélèvements et rendent les résultats. Tous les sites ont les mêmes automates et les normes des paramètres biologiques sont homogénéisées pour tout le groupe. Ces normes sont décidées lors de commissions entre les biologistes. Pour cela, ils tiennent compte des données de la science ainsi que les recommandations des entreprises fabriquant les automates et les kits de

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mesure. Pour ce groupe de laboratoires, le seuil inférieur d’hémoglobine est de 11,5 g/dL chez les femmes et 13 g/dL chez les hommes, donc un seuil un peu plus bas que celui de la HAS pour les femmes. Un autre groupe donne comme limites 11,5 g/dL chez les femmes et 12 g/dL chez les hommes, donc des seuils un peu plus bas que ceux de la HAS. Les variations de

résultats d’hémoglobine entre β analyses sur le même tube seraient possibles mais minimes (en sachant qu’il existe des contrôles internes et externes pour les laboratoires concernant ces

analyses).

Dans notre étude, 2 hommes avaient une hémoglobine supérieure ou égale à 12 g/dL et 10 femmes une hémoglobine supérieure ou égale à 11,5 g/dL. Concernant les deux hommes, un diagnostic d’inflammation d’origine indéterminée avec IRC était posé pour le premier (patient 29b) et une hypothèse diagnostique, celle d’un saignement sur polype colique était donnée pour le second, celle-ci étant insuffisamment argumentée (patient 40c). Pour les 10 femmes (patientes 2d, 12b, 19b, 22c, 24c, 24d, 25b, 28a, 28b, 34c), un diagnostic de carence martiale était posé dans 5 cas (4 anémies microcytaires et une normocytaire) ; aucun

diagnostic n’était posé pour les 5 autres (4 anémies normocytaires et une macrocytaire). Dans

ces 5 derniers cas, on a noté γ normalisations spontanées de l’hémoglobine. Ces résultats concernent un petit nombre de patients ; ils sont donc insuffisants pour conclure quoi que ce soit concernant la conduite à tenir chez les patients asymptomatiques ayant une anémie modérée. Néanmoins, ils n’incitent pas, a priori, à proposer un simple contrôle de

l’hémoglobine en première intention car on risquerait de manquer certaines pathologies,

même si, dans certains cas, ces bilans se révèlent normaux et l’hémoglobine se corrige spontanément.

Une autre interrogation soulevée par cette étude est celle du seuil inférieur de

ferritinémie. On l’a vu, le seuil inférieur de ferritinémie varie en fonction des laboratoires. La

HAS estime nécessaire de parvenir à une standardisation des normes de la ferritinémie pour tous les laboratoires, en fonction de populations déterminées (6). Un point a attiré particulièrement notre attention, celui du cas des personnes âgés. Une revue de la littérature est en faveur d’un seuil inférieur de ferritinémie plus élevé que dans la population générale dans cette catégorie de population. De façon étonnante, dans son rapport sur le choix des

examens du métabolisme du fer en cas de suspicion de carence martiale, la HAS n’aborde

quasiment pas ce point. Elle rappelle simplement, à la fin, que le risque de contexte

inflammatoire ou de situation pathologique complexe est d’autant plus important que le sujet

est âgé, et que la normale inférieure de la ferritine devrait être appréciée selon le contexte (âge, sexe, inflammation). Dans mon expérience personnelle, dans les comptes-rendus de

biologie, il n’est pas mentionné de valeur différente pour les sujets âgés. Ceci est confirmé

pour le groupe de laboratoires dont j’ai rencontré deux des biologistes, qui donne comme seuil inférieur de ferritinémie 30 µg/L quels que soient l’âge et le sexe. Pourtant, l’interprétation de

ce paramètre change radicalement la prise en charge car, lorsqu’une carence martiale est

diagnostiquée en l’absence de signe d’orientation, il faut rechercher en priorité un saignement digestif occulte. La majorité des médecins interrogés lors de cette étude semble tenir compte principalement des valeurs données par les laboratoires. Nous pensons que la mention selon laquelle le seuil inférieur de ferritinémie est plus élevé chez les sujets âgés devrait apparaître

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sur les comptes-rendus de biologie. Interrogé sur ce point, le responsable du laboratoire que

j’ai rencontré a déclaré qu’il serait intéressant d’aborder la question au cours de la prochaine commission d’hématologie de son laboratoire.

On pourrait également discuter des valeurs seuils du VGM, des réticulocytes ou encore de la vitamine B12, dont l’absence d’harmonisation peut rendre la tâche plus difficile pour les médecins généralistes.

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