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Le seuil moteur (rMT)

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Chapitre 4: Facteurs explicatifs du déficit moteur du membre supérieur après AVC

A. Les marqueurs neurophysiologiques acquis en TMS corrélés au déficit moteur du

2) Le seuil moteur (rMT)

Le seuil moteur mesuré au repos est la mesure quantitative la plus souvent reportée dans les études en TMS réalisées chez des patients post-AVC. D’après 2 revues de la littérature, aussi bien en phase précoce (< 3 mois) qu’en phase chronique (> 6 mois), le rMT ipsilésionnel est supérieur au rMT mesuré dans l’hémisphère contralésionnel ou chez des sujets sains (McDonnell & Stinear, 2017; Talelli et al., 2006). Certaines études longitudinales retrouvent toutefois une normalisation du rMT ipsilésionnel à distance de l’AVC (Swayne et al., 2008; Takechi et al., 2014). Cependant, dans ces études, les sujets inclus déficitaires initialement présentaient une bonne récupération motrice en phase chronique.

Par ailleurs, le rMT contralésionnel n’est pas significativement différent du rMT mesuré chez des sujets sains (effet estimé et IC95%= -0.09 [-0.24, 0.41], p=0.6) (McDonnell & Stinear, 2017).

Une récente revue systématique de la littérature a inclus 18 études (22 groupes de patients) ayant évalué la corrélation entre le rMT d’un muscle de la main ou de l’avant-bras et la fonction motrice du membre supérieur (Rosso & Lamy, 2018). Pour 18/22 groupes, la fonction motrice et le rMT étaient évalués au même point temporel. Aucune étude n’a évalué cette association en phase aigüe (< 7 jours). La corrélation entre le rMT et la fonction motrice était significative pour 12 groupes (67% des groupes). Cette revue suggère que le rMT explique en moyenne un tiers de la variance du score moteur. La valeur de la variance moyenne (R2) a été obtenue à partir des coefficients de corrélation fournis par les différentes études. La plupart des études incluses dans cette revue sont détaillées dans la suite du paragraphe. Il existe donc une association entre le rMT ipsilésionnel et la fonction motrice : les patients avec une déficit moteur sévère ont un rMT plus élevé que les patients avec un déficit moteur moindre (Simis et al., 2016; Talelli et al., 2006).

Il faut noter que l’association entre le rMT ipsilésionnel et la fonction motrice a été étudiée dans des populations homogènes ou hétérogènes en termes de localisation de lésion, de délai post-AVC et de degré de sévérité de déficit moteur. L’association entre le rMT et la

fonction motrice pourrait être impactée par ces trois facteurs. Leur impact est détaillé dans la suite de cette section.

Deux études longitudinales permettent de comparer l’association entre la fonction motrice et le seuil moteur à différents délais de l’AVC. Chez 14 patients PEM+, à 1 mois environ de l’AVC, une association significative existe entre le rMT ipsilésionnel et la force maximale des fléchisseurs des doigts (r=-0,712), le Fugl-Meyer du membre supérieur (FM_MS) (r=-0,684) et le JTT affecté modifié (r=-0,675). A un an, l’association persiste avec le JTT (r=-0,410) et la force maximale des fléchisseurs des doigts (r=-0,442) mais plus avec le FM_MS (r= -0,388, p=0,061) (Takechi et al., 2014). Chez 10 patients, à moins d’un mois de l’AVC, une association existe entre le rMT et l’ARAT (r=-0,720) et le 9HPT (r=-0,620) (Swayne et al., 2008). Seule l’association avec le 9HPT (r= -0,597) est toujours significative à 3 mois, et seule l’association avec l’ARAT (r= -0,837) est significative à 6 mois. Cette différence est expliquée par les effets seuils différents des deux échelles motrices mais pourrait également être la conséquence d’un manque de puissance lié à la faible taille de l’échantillon.

Les nombreuses études transversales laissent penser que l’association entre le rMT ipsilésionnel et la fonction motrice est tout de même robuste à distance de l’AVC, malgré la variabilité des échelles cliniques utilisées. En phase subaiguë, avec imputation du rMT ipsilésionnel pour les patients PEM- (N=10/18 soit 56%), le rMT ipsilésionnel est significativement associé à l’ARAT (r= - 0.541) et au WMFT (r= - 0.536) (Veldema et al., 2018). En phase chronique, la corrélation est significative entre le rMT ipsilésionnel et la commande volontaire évaluée par l’échelle du Medical Research Council (sur 5 points) (rho = -0,436) (Pennisi et al., 2002), une tâche de tapotement des doigts (r=-0,59 (Brouwer & Schryburt-Brown, 2006)) (r= -0,69 (Cakar et al., 2016)), la force maximale du premier interosseux dorsal (FDI) (r=-0,54), le Motor Activity Log (r=-0,61) et le Motricity index (r=- 0,48) (Brouwer & Schryburt-Brown, 2006; Cakar et al., 2016).

Une étude n’a pas retrouvée de corrélation significative entre le rMT et le Fugl-Meyer du membre supérieur en phase chronique (Takeuchi et al., 2010). Cependant les résultats présentés vont à l’encontre de ce qu’on aurait pu attendre. En effet, la part de patients PEM-

(N=20/38 soit 53%) semble particulièrement importante pour un déficit moteur modéré du membre supérieur en phase chronique (score moyen au FM_MS > 42 (64% du score maximal)). Le score obtenu au Fugl-Meyer est présenté en pourcentage de score maximal (66 points) contrairement aux études précédemment citées. Il est tout de même envisageable de penser qu’en phase chronique, le rMT est davantage associé aux échelles de dextérité qu’à une échelle évaluant la récupération globale telle que le Fugl-Meyer. Un résultat similaire (corrélation non significative entre rMT et FM_MS) a été obtenu par une autre équipe chez 21 sujets à un an de l’AVC (Takechi et al., 2014).

Il est difficile de conclure quant à l’impact du délai post-AVC sur l’association entre le rMT et la fonction motrice. En effet, pour déterminer si cette association dépend du délai post-AVC, il faudrait moins d’hétérogénéité dans les scores moteurs utilisés. En effet, comparer la force ou la significativité d’une association entre le rMT et 2 échelles cliniques différentes, l’une évaluant la force ou la commande musculaire et l’autre évaluant la dextérité n’est pas cliniquement pertinent. L’utilisation d’un score moteur composite combinant plusieurs échelles évaluant les différentes modalités de la fonction motrice (la commande volontaire, la force maximale et la dextérité) pourrait palier cet écueil.

Néanmoins, la revue systématique récente sur le rMT a calculé la variance moyenne du score moteur expliqué par le rMT en phase aigüe et en phase chronique et conclue à la non influence du délai sur l’association entre le rMT et la fonction motrice (Rosso & Lamy, 2018).

Il est également intéressant de s’intéresser à l’impact de la sévérité du déficit moteur sur l’association entre le rMT et la fonction motrice. Chez des patients ayant un déficit léger (FM_MS = 51 en moyenne et tous capable de déplacer des cubes) en phase chronique et une lésion impactant ou non le cortex (Borich et al., 2015), il existe une corrélation entre le nombre de cubes déplacés par la main affectée (BBT) et le rMT ipsilésionnel (r=-0,425). Avec une population similaire de 35 patients (10° d’extension active du poignet et FM = 51.6 ± 7.9), le rMT explique 12% de la variance du FM_MS (Simis et al., 2016). Une étude a inclus, en plus des 35 patients présents dans l’étude de Simis et al. (2016), 20 patients plus déficitaires (FM_MS = 35.6 ± 22.9). La part de variance expliquée du FM_MS par le rMT est

passée de 12% à 32% (Thibaut et al., 2017). Ces résultats laissent penser que si on augmente l’étendue de sévérité, on augmente la part de variance du score moteur expliquée par le seuil moteur.

Excepté l’étude de Thibaut et al. (2017), ces études ont inclus des patients ayant un déficit moteur léger du membre supérieur. L’étude des patients ayant un déficit sévère est plus difficile étant donné la proportion importante de patients PEM- dans cette population et l’effet plancher de certaines échelles motrices de dextérité.

Savoir si la localisation de la lésion impacte le seuil moteur et à fortiori l’association entre le seuil moteur et la fonction motrice est toujours débattu (Rosso & Lamy, 2018; Talelli et al., 2006). Cependant, une étude réalisée chez des patients faiblement déficitaire (MRC ≥ 4) a montré une association entre le rMT et le 9HPT chez des patients ayant une lésion sous corticale de la voie pyramidale au niveau de la capsule interne (N=13, r=0,55) ou du pont (N=10, r= 0,67). Cette association n’était pas significative en cas de lésion de M1 (N=13) ou de la région corticostriatale (N=7) (Liepert et al., 2005). Une lésion sous corticale en lésant les axones des fibres cortico-spinales gênerait davantage la transmission de l’impulsion magnétique qu’une lésion corticale.

En conclusion, globalement, même si la multiplicité des échelles cliniques utilisées

rend difficile la généralisation des résultats, le seuil moteur semble être un facteur explicatif fiable de la fonction motrice du membre supérieur après AVC, indépendamment de la phase et de la sévérité du déficit moteur.

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