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Chapitre 1 : Synthèse bibliographique

2. L’écosystème mangrove

2.2. Composition de l’écosystème mangrove

2.2.4. Services écosystémiques

La mangrove est un écosystème à part entière, répertorié comme un des plus productifs au monde (Alongi, 2002; Mohamed et al., 2016). Les forêts de mangroves sont caractérisées par une productivité primaire, une biomasse totale et une production de litière plus élevées en tonnes par hectare que celles des forêts de milieux tempérés (Mohamed et al., 2016). Les valeurs de production primaire par unité de surface sont plus élevées que celles des forêts humides des tropiques (Alongi, 2009b). La biomasse totale est calculée en ajoutant les biomasses aériennes et souterraines de chaque palétuvier. Le pourcentage de biomasse aérienne est essentiellement lié à la biomasse apportée par le tronc et les branches, les racines aériennes

51 ne participent que très peu à la valeur finale. La biomasse souterraine apportée par les racines souterraines joue un rôle essentiel dans l’ancrage des palétuviers au sol. Elle participe à la consolidation des mangroves sur des substrats instables, soumis aux facteurs érosifs et permet ainsi la rétention des sédiments et de la matière organique (Komiyama et al., 2008).

Les mangroves ont un rôle biologique indispensable car elles présentent un environnement riche en biodiversité et fournissent un nombre de services écosystémiques importants pour la société humaine et les communautés côtières et marines. Leur couvert végétal et leur localisation leur permettent de protéger les côtes et de stabiliser le sol sédimentaire par leur système racinaire complexe (Blasco, 1991). Elles forment une barrière naturelle contre l’érosion naturelle liée à la force des vagues (Figure 13) et elles servent de zone tampon en réduisant l’impact du vent et des catastrophes naturelles telles que les tempêtes, les tsunamis ou les ouragans (Alongi, 2008).

Les mangroves représentent une source de nourriture et de matériels pour les pêcheurs, les fermiers et le reste de la communauté locale (Aburto-Oropeza et al., 2008; Lee et al., 2014). Elles fournissent de la nourriture (fruits de Sonneratia, Avicennia et Bruguiera, poissons, crustacés, coquillages), du sucre, du miel, de l’alcool, des sources médicinales (feuille, écorce, fruit), du chaume issu de Nypa fruticans pour les toitures, et du fourrage pour l’élevage d’animaux (Spalding et al., 2010). Le bois est une des ressources principales (Figure 13), il est nécessaire pour cuisiner des plats (bois de feu, charbon de bois), la fabrication d’ustensiles de cuisine, d’outils de pêche ou de matériaux (poteaux, planches) utiles pour les constructions de bateaux, d’habitations et de bâtiments (Giri et al., 2011). Le bois dense de certains palétuviers est particulièrement recherché dans les constructions pour sa résistance. L’aquaculture est une des principales ressources financières des populations de mangrove, la faune de mangrove représente par exemple 30 % des poissons pêchés et 100 % des crevettes collectées dans les pays d’Asie. Les prélèvements de bois et les activités de pêche dans les mangroves ont débuté dès l’implantation des premières sociétés humaines vivant le long de ces dernières. Puis l’utilisation à grande échelle et industrielle des mangroves s’est fortement développée avec l’augmentation de la démographie (Spalding et al., 2010).

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Figure 13. Les services écosystémiques fournis par les mangroves : (A) érosion naturelle d’une

côte qui n’est plus protégée par la mangrove, (B) et (C) utilisation de la ressource en bois pour la construction de bâtiment et la préparation de plats cuisinés.

Les forêts de mangrove sont primordiales pour la faune locale car elles servent d’habitat et de nurserie pour les espèces pélagiques telles que les poissons, les crevettes et les crabes (Aburto- Oropeza et al., 2008; Lee et al., 2014), mais aussi pour les espèces d’oiseaux (hérons, aigrettes), de reptiles (crocodiles, serpents), d’amphibiens et de mammifères (singes, tigres, dauphins) (Alongi, 2002). Les connections des mangroves avec les habitats voisins favorisent les relais trophiques et améliorent leur fonction de nurserie (Lee et al., 2014).

Les écosystèmes de mangrove sont des sites d’importance majeure dans le cycle des éléments biotiques principaux (C, N, P). Grâce à leur grande surface d’échange, aux capacités de filtration des nutriments par la végétation et aux fortes capacités d’absorption des sols, ces écosystèmes participent activement au piégeage des nutriments et à la minéralisation de la matière organique et des matières en suspension des eaux estuariennes et côtières (Ewel et al., 1998). Ils maintiennent ainsi la qualité des eaux estuariennes et côtières par le piégeage du

53 carbone organique dissous, de l’azote, et du phosphore (M. Wang et al., 2010). Les mangroves ont une productivité très élevée et représentent une des principales sources de matière organique dans les eaux côtières grâce à l’apport de litière de feuilles (40 à 95 % de l’apport total de litière) et de carbone organique dissous (Mohamed et al., 2016). Elles contribuent ainsi à fournir la matière organique nécessaire aux différents réseaux trophiques comme les communautés de détritivores et de décomposeurs (Komiyama et al., 2000). Elles ont un rôle nourricier important pour la faune, en particulier pour les crabes consommateurs de feuilles qui enfouissent la litière dans leur terrier avant de la consommer (Mandura, 1997).

De plus, les mangroves ont un fort potentiel dans l’atténuation des changements climatiques

via la séquestration et le stockage du carbone atmosphérique qui sont possibles grâce à une

production primaire et une sédimentation élevées. Ces caractéristiques font des mangroves d’excellents puits de carbone dans les tropiques (Komiyama et al., 2008; Donato et al., 2011; Alongi, 2012). Elles peuvent séquestrer environ 22,8 millions de tonnes de carbone par an (Giri

et al., 2011). Elles stockeraient 3 à 5 fois plus de carbone organique que les forêts terrestres

(Donato et al., 2011). L’accumulation de carbone dans les sédiments provient de deux sources principales : les sources allochtones et autochtones. La première source de carbone, dite allochtone, comprend les apports de matières organiques déposées par les cours d’eau en amont des mangroves et transportées par les courants marins. Les mangroves reçoivent chaque jour des entrées d’eau salée provenant des mers et océans, ainsi que des entrées d’eaux douces, de sédiments, de nutriments et de dépôts de limon drainés par les rivières. La seconde source, dite autochtone, provient de la séquestration du carbone par la chute de litière et la croissance de racines souterraines fines (Saintilan et al., 2013). Les sources autochtones contribuent à environ 70 % de la production primaire nette des mangroves (Bouillon et al., 2008). Enfin, les mangroves participent à l’enrichissement des mers et des océans en carbone par exportation de carbone total. Elles ne couvrent que 0,1 % de la surface continentale de la Terre mais représentent 11 % de l’apport total de carbone terrestre dans l’océan (Jennerjahn et Ittekkot, 2002) et 10 % du carbone organique dissous exporté vers les océans (Dittmar et al., 2006). L’ensemble des services écosystémiques rendus par les mangroves révèle leur importance pour la planète. Elles ont aussi une valeur économique non négligeable en particulier pour le commerce de poissons et de crevettes. Les bénéfices des services écosystémiques s’élèveraient par exemple à 900 000 dollars américains pour 1800 hectares de mangroves au Cambodge (UNEP, 2013) ou 1,6 milliards de dollars par an pour les Etats-Unis (Lewis et al., 2011) et de

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2 060 à 9 270 dollars américains par an et par hectare pour l’ensemble des services écosystémiques dans le monde entier (Spalding et al., 2010).