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Chapitre 1 : Synthèse bibliographique

2. L’écosystème mangrove

2.2. Composition de l’écosystème mangrove

2.2.2. Compartiment faune

2.2.2.1. Diversité de la faune des mangroves

L’écosystème mangrove est généralement défini comme une forêt de palétuviers qui composent sa structure globale, mais il existe des milliers d’espèces d’animaux et de micro-organismes qui participent ensemble au fonctionnement de cet écosystème complexe.

Les mangroves abritent en effet, sous la canopée, une large diversité d’animaux dont certains sont présents avec des densités élevées. Cependant, cette diversité tend à diminuer par la menace anthropique liée aux activités humaines le long des côtes. A ce jour, il n’existe pas d’inventaire complet des organismes vivant en mangrove mais l’étude de Nagelkerken et al. (2008) a recensé un nombre important d’espèces appartenant aux groupes principaux de la faune des mangroves de plusieurs régions du monde. Les mangroves sont des habitats

35 favorables pour une large variété d’espèces tout au long de leur vie ou pendant une partie de leur vie en raison de leur richesse en abris et en sources de nourriture (feuilles, fruits, fleurs, plancton, algues épiphytes et micro-phyto-benthos) qui alimentent les réseaux trophiques. De plus, les ressources sont abondantes et la prédation y est faible. Les animaux se répartissent différemment sous la canopée, certains vont privilégier la surface ou l’intérieur des sédiments, d’autres vivent dans l’eau ou sur les supports immergés et certains préfèrent les zones non immergées par la marée (Nagelkerken et al., 2008).

La zone délimitée entre la canopée et la surface du sédiment est caractérisée par la présence de racines aériennes offrant un substrat stable et potentiellement immergé à marée haute pour l’installation de diverses espèces de vertébrés vivant de façon permanente ou temporaire dans les mangroves. Elle est marquée aussi par la présence permanente d’une large diversité d’invertébrés appartenant au groupe des insectes (fourmis, abeilles, chenilles, papillons, termites) dont les insectes piqueurs sont les plus notoires de ces milieux (mouches, moustiques). Parmi les vertébrés, les oiseaux, les reptiles et les mammifères sont nombreux dans les forêts de mangrove. La diversité des oiseaux y est très forte et dépend de leur localisation, ils y nichent ou s’y installent en quête de nourriture ou de repos nocturne (Spalding et al., 2010). Les échassiers par exemple fouillent les bancs de vase à marée basse à la recherche d’invertébrés pendant que les hérons, les aigrettes et les martins pêcheurs se nourrissent de poissons et de crustacés dans les zones d’eaux peu profondes. Les mangroves abritent aussi des cormorans, des marabouts, des aigles marins, des faucons, des bulbuls à ventre jaune, des gobe-mouches bleu, des passereaux et des colibris (Nagelkerken et al., 2008).

En ce qui concerne les reptiles, le plus répandu en mangrove est le crocodile marin, il occupe les mangroves du Sri Lanka à l’Australie. C’est un animal menacé de disparition, donc des mesures de conservation ont été mises en place dans plusieurs pays pour le protéger (Nagelkerken et al., 2008). Les reptiles sont aussi représentés par d’autres espèces de crocodiles pouvant atteindre 7 à 8 m de long, mais aussi des caïmans et des lézards comme le varan des mangroves qui peut mesurer jusqu’à 1 m de long. Des tortues d’eaux douces et marines (l’émyde peinte de Bornéo, la tortue à dos plat et la tortue fluviale de l’Inde), quelques espèces de grenouilles pouvant résister à des salinités élevées (la grenouille mangeuse de crabes) et des espèces de serpents aquatiques et terrestres (pythons, cobras) occupent certaines mangroves (Spalding et al., 2010).

Quant aux mammifères, ce ne sont pas les plus abondants en termes de densité mais leur richesse spécifique est élevée. Parmi les mammifères des mangroves, des chauves-souris

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(Bordignon, 2006), des roussettes et des primates (nasique, langur, macaque) (Moore, 2002) ont été recensés dans ces écosystèmes. Seul le nasique de Bornéo vit exclusivement dans les mangroves et se nourrit de feuilles de Sonneratia et de Nipa. Ses habitats font l’objet de mesures de conservation pour maintenir cette espèce. Tout comme le nasique, le tigre royal du Bengale (Gopal et Chauhan, 2006) est une espèce menacée par la déforestation. Il chasse les daims tachetés des mangroves (Barrett et Stiling, 2006) qui se nourrissent de feuilles de Sonneratia. De plus, les mangroves sont riches de petits mammifères comme des marsupiaux (le couscous tacheté de Papouasie Nouvelle-Guinée) (Fernandes et al., 2006), des lapins, des ratons-laveurs, des mangoustes, le chevrotain, le renard gris (Cuarón et al., 2004) et des loutres communes (Angelici et al., 2005). Enfin des espèces de buffles (Dahdouh-Guebas et al., 2006) et des mammifères aquatiques : dauphins (Smith et al., 2006), dugongs, l’hippopotame d’Afrique de l’Ouest et lamantins (Spiegelberger et Ganslosser, 2005) choisissent les mangroves pendant une partie de leur vie.

Au niveau des sédiments, les mangroves sont riches en invertébrés benthiques colonisant une large gamme de microenvironnements. Quelques espèces demeurent à la surface des sédiments pendant que d’autres vivent dans des terriers, à la surface des pneumatophores, des troncs, des racines ou dans des galeries creusées dans le bois en décomposition (Ashton, 1999). Les racines aériennes régulièrement immergées peuvent être colonisées par des animaux épiphytes tels que des éponges, des tuniciers et des cirripèdes appartenant aux crustacés (Nagelkerken et al., 2008). Elles sont aussi colonisées par un grand nombre d’espèces appartenant aux mollusques comme des bivalves filtreurs (huitres et moules) largement commercialisés, des bernacles filtreurs et des tarets, un bivalve se nourrissant de bois en décomposition et possédant des bactéries fixatrices d’azote dans son intestin. L’escargot du genre Terrebralia se nourrit de feuilles mortes et les gastéropodes marins du genre Littoraria consomment des champignons et des végétaux (Spalding et al., 2010).

De plus, les racines fournissent un refuge pour une faune mobile composée de vertébrés et d’invertébrés : des poissons uniquement à marée haute et des crustacés tels que des crabes (développé plus loin) et des crevettes pénéides. Les crustacés constituent les animaux les plus nombreux dans les mangroves. Souvent les crustacés et les poissons privilégient les abris fournis par les racines de mangroves au moment de leur reproduction et pendant le développement des stades larvaires et juvéniles. Six cent espèces de poissons ont été répertoriées dans les mangroves de l’Indo-Pacifique : le pagre berda, l’ambache du large, le carangue à gros yeux, le tarpon ou le sapsap commun par exemple (Nagelkerken et al., 2008).

37 Les poissons des mangroves sont détritivores ou se nourrissent de zooplancton, de crustacés et de petits poissons. Parmi ces espèces, les périophtalmes, espèce étonnante de poissons amphibies, sont caractéristiques des mangroves. Les poissons trouvent refuge dans les mangroves au stade juvénile et reviennent plus tard en quête de nourriture (Spalding et al., 2010) ou d’abris contre les plus grands prédateurs. Certains élasmobranches tels que le requin- citron ou la raie géante Glaucostegus typus (White et Potter, 2004) apprécient les températures régnant dans les eaux des mangroves au stade juvénile mais aussi plus tard pour la grande diversité en proies (Simpfendorfer et Milward, 1993).

Dans les sédiments, la méiofaune, constituée d’organismes benthiques fouisseurs tels que les petits polychètes, les copépodes et les nématodes, vit dans des terriers et réalise la bioturbation. Cette activité, aussi réalisée par les crabes bioturbateurs, permet d’améliorer les propriétés physiques des sédiments, l’oxygénation du sol, ainsi que les processus biogéochimiques (Nagelkerken et al., 2008).