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ADMINISTRATIVES : LA CREATION DES CONSEILS DE PREFECTURE

SEPARATION DE L’ACTION ET DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE ?

« La seule invention qui se trouve dans le projet du gouvernement, c’est la distinction qu’il a faite du contentieux et de l’administratif »352.

Peut-on affirmer que la loi du 28 pluviôse an VIII, en instituant les Conseils de préfecture, a crée des juridictions administratives indépendantes de l’administration active et que, dès lors, l’indépendance de cette juridiction administrative par rapport à l’action administrative est acquise ?

Certains auteurs abondent en ce sens. Ainsi, Dareste écrit-il qu’en l’an VIII « on voulait que la justice administrative fût, au moins en dernier ressort, séparée de l'administration même ». Cette thèse sera d’ailleurs soutenue bien plus tard, en 1881, par le commissaire du gouvernement Gomel, dans ses conclusions au Conseil d’Etat sous l’arrêt Bougard du 24 juin 1881353. Elle connaîtra alors un regain d’actualité. Pour Serrigny, « ce furent la constitution du 22 Frimaire an VIII et la loi du 28 pluviôse suivant qui, pour la première fois depuis la Révolution, séparèrent l'administration proprement dite du pouvoir de juger le contentieux administratif »354. De même, Quentin Bauchard relève que depuis l'an VIII, « le droit de juger est désormais séparé partout du droit d'administrer »355. Plus réservé semble-t-il, Gérando estime que les textes de l'an VIII « ont créé une juridiction administrative distincte à la fois et de l'autorité judiciaire et de l'administration agissante »356.

Doit-on, à l’inverse, estimer que l’an VIII poursuit la confusion entre l’action et la juridiction comme le déclarait le député Alexis de Tocqueville, qui condamnait un système dans lequel, selon lui, « l’administration était juge et partie » 357 ? C’est ce que l’on serait tenter d’affirmer si l’on considère que, même en l’an VIII, le juge administratif de droit

352 La Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel, 1800, p.607, « Corps législatif, présidence de Grégoire, suite de la séance du 27 pluviôse, suite du discours de Roederer, orateur du gouvernement, sujet: la division territoriale ».

353 R., p. 651

354 Traité de l'organisation, de la compétence et de la procédure en matière contentieuse administrative, 1865, t. 1, p. 72.

355 Etude sur la juridiction administrative : son utilité, son organisation, son avenir, R.C.L.J., 1870, t. 37, p. 141

356 Institutes du droit administratif français, deuxième éd., t. 1, 1842, avertissement XV.

commun reste le ministre (autrement dit un administrateur) et que les Conseils de préfecture ne sont que des juridictions administratives spécialisées dans quelques matières.

Plus nuancée cependant est l’opinion de Chevallier. Selon lui, si les réformes de l’an VIII et donc l’institution des Conseils de préfecture ne réalisent pas une vraie séparation de l’action et de la juridiction, pour autant, on aurait tort de croire qu’il n’y en a aucune (et ce, du simple fait de la présidence du préfet et de la persistance du système de l’administrateur-juge). En réalité, ces réformes de l’an VIII font faire certains progrès au principe de séparation358. Or, déjà lors de son allocution devant le Corps législatif, Roederer, expliquant le projet de la

loi de division territoriale359, parle de « distinction » entre le « contentieux et

l’administratif »360.

Il semble donc que ce terme soit effectivement bien choisi361. En effet, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, plusieurs arguments s’opposent à ce que l’on puisse réellement affirmer qu’il y ait séparation stricte entre l’action et la juridiction administrative. En effet, diverses dispositions de la loi du 28 pluviôse an VIII empêchent le Conseil de préfecture d’être totalement indépendant de l’administration active et donc de son représentant local le plus direct, à savoir le préfet.

Ainsi, en est-il de la présence du préfet au sein de ce conseil. Il en est en effet président de droit et y a voix prépondérante. Nous avons déjà eu l’occasion de souligner tous les abus auxquels cette disposition pouvait donner lieu et ce, notamment parce que les conseillers de

358 « Quand le préfet préside le Conseil de préfecture, c'est lui qui a le dernier mot qu'il s'agisse d'une matière contentieuse ou purement administrative : en sa personne, est alors réalisée la confusion des fonctions d'administrateur et de juge. (…) La tendance est [alors] grande (…) de nier toute séparation de la juridiction et de l'action, et de minimiser la portée de l'institution du Conseil d'Etat et des Conseils de préfecture. Cette conclusion (…) méconnaîtrait l'apport réel des réformes de l'an VIII, qui en fait un facteur de progrès du principe de séparation. Ces réformes représentent en fait un grand pas vers la séparation de la juridiction administrative et de l'administration active. Ce n'est plus, en réalité, l'administration active qui statue en matière contentieuse : le Conseil d'Etat et les Conseils de préfecture n'agissent plus, ou très exceptionnellement, et si la solution des litiges dépend, en dernier ressort, de l'administration active - par l'intermédiaire de la justice retenue au Conseil d'Etat et de la présidence du préfet au Conseil de préfecture - celle-ci a tendance a reprendre purement et simplement la décision prise par les organismes spécialisés dans les affaires contentieuses.

Si les réformes de l'an VIII ne séparent pas complètement la juridiction administrative et l'administration active, elles les distinguent dans une large mesure. (…)

Des organes spécialisés existent pour trancher les litiges administratifs; certes, leurs pouvoirs sont encore réduits; certes, leur compétence ne sera plus exclusive, lorsque, sous la Restauration, des organes actifs seront investis d'attributions juridictionnelles ; mais l'instrument des progrès futurs de la juridiction administrative est crée. La valeur du système -de l'an VIII apparaîtra a posterïori - la conscience progressive de la portée des nouvelles institutions conduira à instituer, à l'intérieur de l'ordre administratif, de véritables tribunaux : sans être décisif sur le moment, l'apport des lois de l'an VIII est déterminant pour l'avenir et représente un facteur essentiel des progrès du principe de séparation organique de la juridiction administrative et de l'administration active ». CHEVALLIER, op. cit., p. 94-95.

359 Future loi du 28 pluviôse an VIII ;

360 Il s’agit de la citation reproduite ci-dessus en tête de chapitre. La Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel, 1800, p.607, « Corps législatif, présidence de Grégoire, suite de la séance du 27 pluviôse, suite du discours de Roederer, orateur du gouvernement, sujet: la division territoriale ».

En réalité, si l’on en croit Chevallier, le législateur aurait espéré une séparation de l’action et de la juridiction administratives. En effet, Roederer explique qu’il faut séparer les trois fonctions (l’action, la délibération et le jugement) mais également que « administrer doit être le fait d’un seul et juger le fait de plusieurs. Or, Napoléon, loin de partager cet esprit libéral impose des principes autoritaires (peu nouveaux).

361 Nous partageons l’opinion de Chevallier quand il estime que la loi du 28 pluviôse crée une distinction plus qu’une véritable séparation.

préfecture doivent rendre compte de leurs actes et de leur comportement devant ce même préfet. Celui-ci se trouve donc être leur supérieur hiérarchique.

Or, qu’en est-il en pratique ? Force est d’admettre, concernant tout du moins le Conseil de préfecture de la Meurthe, -auquel se borne cette étude-, que cette présence du préfet est, dans les faits, pour le moins, discutable. Si, en effet, l’on se fie aux divers registres retranscrivant les décisions contentieuses adoptées par ce conseil, il faut bien admettre que la signature du préfet n’y figure pas. Faut-il dès lors en conclure que, même lorsqu’il use de ses prérogatives de présidence et de sa voix prépondérante, il n’appose pas sa signature ou, au contraire, doit-on, comme cela paraît plus logique, en déduire que son défaut de paraphe est tout bonnement dû à son absence ? Toujours est-il que si le préfet de la Meurthe ne semble pas intervenir pour influencer les décisions du Conseil de préfecture, cette possibilité reste un droit que lui confère la loi du 28 pluviôse an VIII et dont il peut user à son gré et en toute légalité. Par conséquent, il faut distinguer chaque département et au sein de ceux-ci, chaque préfet qui y œuvre, pour savoir s’il y a ou non immixtion de l’administration active sur la juridiction. C’est donc ici la conscience d’un homme, le chef de l’administration préfectorale, qui, dans chaque localité, va donner vie à une vraie séparation entre l’action et la juridiction ou, au contraire, va transformer cette distinction en une véritable ingérence ou encore en une distinction « molle ».

Il nous semble donc que le préfet peut interpréter les dispositions législatives selon sa conscience362 et, s’il s’en trouvait dénué, selon ses intérêts personnels.

Le second argument militant contre l’idée de séparation totale entre ces deux fonctions est que le Conseil de préfecture siège dans les locaux mêmes de la préfecture.

Le troisième argument est le suivant. Malgré les volontés premières du législateur, la doctrine reconnaît généralement que le Conseil de préfecture est un juge administratif spécialisé et que le juge de droit commun est le ministre. La théorie du ministre-juge de droit commun montre donc bien la persistance de la confusion entre action et jugement en matière administrative, puisque le ministre est bel et bien un administrateur actif.

Il faut cependant préciser que cette théorie du ministre-juge n’apparaît pas dès le début du Consulat ni même lors du Premier Empire, mais bien un peu plus tard. Elle n’est donc pas contemporaine de la loi de l’an VIII. Son développement lui est postérieur. C’est la situation de faiblesse du Conseil d’Etat par rapport aux ministres qui va permettre au pouvoir juridictionnel de ces derniers de s’affirmer et ce, surtout à compter de 1813363. Cette théorie

362 Nous pourrions tout à fait envisager qu’un préfet, conscient que seule une séparation rigoureuse entre les fonctions d’administration active et de jugement du contentieux administratif, peut garantir une justice impartiale pour les administrés, décide en conséquence de ne jamais intervenir dans les décisions du conseil et donc, de n’user ni de sa voix prépondérante, ni de son droit de présider ledit conseil.

363 « Dès l'an XII, [le Conseil d'Etat] reconn(ait) que les administrateurs qui ont reçu de la loi le droit de prononcer des condamnations ou de décerner des contraintes « sont de véritables juges » : Avis des 16 thermidor an XII, 29 octobre 1811 et 24 mars 1812, insérés au Bulletin des lois et ayant force de loi.

« Les (…) arrêts Chenantais du 22 mai 1813 et Rey du 26 mars 1814 parlent de décisions ministérielles rendues “ en premier ressort ” et de la voie “ d'opposition ” qui peut être utilisée contre elles quand elles sont intervenues par défaut : Selon l'arrêt Chenantais contre la Régie des Domaines (R.I., p. 446) « toutes les contestations qui s'élèvent entre l'administration des domaines et ses préposés... doivent être soumises d'abord à la décision de notre ministre des Finances, sauf le recours au Conseil d'Etat » et selon l'arrêt Rey (R.I., p. 520) « on peut former

va avoir cours jusqu’en 1860, époque qui marque le début de son déclin364, ainsi que celui du principe selon lequel « juger c’est encore administrer »365. En attendant, il faut bien remarquer

opposition à une décision ministérielle, lorsqu'on n'a pas été entendu ».

Le Conseil d'Etat renonce donc implicitement, en matière contentieuse (…), à sa qualité de juge ordinaire du premier degré. Le déclin du Conseil d'Etat à la Restauration ne fait que confirmer l'évolution, en raison de sa relative subordination aux ministres : la jurisprudence qualifie le ministre de juge de droit commun, et la doctrine, peut-être d'abord hésitante, considère bientôt unanimement le principe comme acquis.

(…) Peu armé après 1813 pour résister aux pressions ministérielles, [le Conseil d'Etat] proclame sans trop de réticences la compétence des ministres en premier ressort, parce qu'il la croit justifiée par des arguments théoriques et pratiques. La conception matérielle de la fonction juridictionnelle conduit inévitablement (…) à reconnaître l'existence d'une juridiction ministérielle ». CHEVALLIER, op. cit., p. 140-141.

Entre autres arguments, la plupart des auteurs invoquent à l’appui de la théorie du ministre-juge, les textes suivants : « L'article 3 de la loi des 7-14 octobre 1790 et l'article 17, § 1, 2 et 4 de la loi des 27 avril- 25 mai 1791 ont fait des ministres réunis en conseil le tribunal administratif de droit commun ;

-la Constitution du 5 fructidor an III (article 318) a maintenu ces règles, en isolant seulement les ministres. - les reformes de l’an VIII et surtout le règlement du 5 nivôse (article 11), qui affirme : « le Conseil d'Etat connaît des affaires contentieuses dont la décision était précédemment remise aux ministres ». Pour les auteurs qui justifient la théorie du ministre-juge par ce texte, il faut l’entendre de la façon suivante : « ces textes n'ont fait que subordonner la juridiction ministérielle à celle du Conseil d'Etat, le Conseil d'Etat devenant seulement le tribunal ordinaire du second degré, prononce en dernier ressort. Les ministres ont conservé en premier ressort tout ce qui ne leur a pas été enlevé pour être attribué aux Conseils de préfecture (En ce sens, Cormenin, 5° éd., op. cit., t. 1, p. 42 en note : Dareste, op. cit., p. 173 ; Dufour, op. cit., t. 1, p. 148 ; Ducrocq, op. cit., t. 2, p. 164-165 ; Batbie, op. cit., t. 7, p. 422, etc.); et leurs attributions sont encore plus importantes qu'avant les réformes de l'an VIII, car un certain nombre de lois spéciales sont venues leur conférer expressément une mission juridictionnelle, ce qui est en même temps le signe de la justesse de la théorie du ministre-juge ».

Cependant cette interprétation est excessive et est remise en cause après 1860 : « S'il est bien vrai que les textes révolutionnaires peuvent être interprétés comme ayant conféré aux ministres un pouvoir juridictionnel, d'ailleurs contraire à la pratique de la monarchie, la législation de l'an VIII a sans aucun doute possible “ enlevé aux ministres pour le transférer au Conseil d'Etat tout droit de décision sur les affaires contentieuses” (BOUCHENE-LEFER, R.P.D.F., 1863 t. 15, op. cit., p. 365). L'interprétation des textes connaît quand même des limites: dire que le règlement du 5 nivôse an VIII a entendu réserver la compétence des ministres en première instance, c'est aller directement à l'encontre de la lettre du texte et de l'intention du législateur. Roederer a parfaitement montré, au moment du vote de la loi du 28 pluviôse qu' « administrer doit être le fait d'un seul homme et juger le fait de plusieurs » : que signifie cette formule si elle doit rester étrangère aux juges ordinaires du contentieux administratif ? Le sens du règlement du 5 nivôse an VIII est d'une clarté évidente : « les ministres sont laissés à leur rôle d'administrateur ; ils cessent d'être juges et les fonctions qu'ils exerçaient précédemment en cette qualité sont transférées au Conseil d'État... le droit de juger est désormais séparé partout du droit d'administrer ». (QUENTIN-BAUCHART, R.C.L.J., 187b, t, 37 , op. cit., p. 142. Voir aussi Vivien, Etudes, op. cit., t. 1, p. 155, et Serrigny, t. 1, p. 171).

Depuis la législation de l'an VIII, aucun texte n'a jamais dit de façon générale que les ministres sont chargés de juger le contentieux administratif ; au contraire, la théorie du ministre-juge est en contradiction formelle avec toutes les lois qui donnent au Conseil d'Etat la mission de délibérer sur les litiges administratifs 314 (Constitution du 22 frimaire an VIII, article 52 ; décret du 11 juin 1806, article 13 ; ordonnance du 29 juin 1814, article 9 ; ordonnance du 23 août 1815, article 13 ; loi du 197 juillet 1845, article 18 ; loi du 3 mars 1849, article 6 ; Constitution du 14 janvier 1852, article 50, etc). L'interprétation des textes spéciaux doit donc se faire à la lumière des textes généraux, ce qui aboutit à dénier aux ministres tout pouvoir juridictionnel ».

364 On peut noter que, concernant ces délimitations chronologiques, Hauriou a des idées un peu différentes puisqu’il estime que cette théorie du ministre-juge s’établit entre 1819 et 1825, s’épanouit de 1825 à 1848 et commence à décliner dés 1848. Pour Chevallier, « la juridiction ministérielle fonctionne sans contestation sérieuse jusqu'en 1860 », car « le véritable déclin ne commence qu'après 1860 ». CHEVALLIER, op. cit., p. 142.

365 Après 1860, la doctrine, consciente des conséquences néfastes de la théorie du ministre-juge sur les exigences d’une justice impartiale (notamment parce que le ministre est alors juge et partie), la remet en cause, notamment dans ses fondements légaux. Parallèlement, le principe selon lequel « juger l’administration, c’est encore administrer » est également mis à mal. Ce renversement de situation est aussi permis par celui que connaît le Conseil d’Etat qui retrouve une position supérieure à celle des ministres et adopte –certes progressivement et prudemment-, de ce fait, une jurisprudence plus restrictive quant aux pouvoirs juridictionnels de ces derniers. La doctrine interprète strictement la définition du « contentieux » (notamment en exigeant une réclamation) et devient plus exigeante quant à la notion de juridiction (qui inclut des garanties procédurales et organiques).Ainsi, Aucoc en 1869, réaffirme l’importance de l’existence du litige, de la réclamation dans la notion de contentieux.

avec Chevallier, que « la théorie du ministre-juge est (…) solidement ancrée dans le droit positif. Evidemment contraire au principe de la séparation entre l'administration active et le jugement du contentieux, (…) elle est au fond parfaitement logique, si l'on tient compte du fait que le principe selon lequel « juger l'administration, c'est encore administrer » est alors dominant: les ministres, chefs de la hiérarchie administrative, ont vocation naturelle à trancher les litiges contentieux relatifs à l'action administrative, dans la mesure où l'on considère que le contentieux est étroitement lié à l'action et qu'examiner les plaintes des administrés, c'est encore faire acte d'administration »366.

Pour Chevallier, il faut bien penser que c’est parce que l’on a encore, à ce moment là une

définition matérielle de la notion de juridiction367, que l’on en déduit alors que des

administrateurs actifs tels que les ministres ont des pouvoirs juridictionnels (alors qu’à l’inverse, une définition incluant des critères tels organiques ou procéduraux, ne permettrait pas de dire d’un ministre qu’il est une autorité juridictionnelle)368. Dès lors, en consacrant la

« (…) cette analyse [de Aucoc] a une conséquence immédiate sur le plan de la théorie de l'administrateur-juge - elle exclut des attributions juridictionnelles de l'administration active « tout ce qui n'est pas décision sur un litige engagé ». Or cette restriction a un particulier intérêt en ce qui concerne le ministre : désormais, le ministre est seulement juge lorsqu'il se prononce sur une contestation. Un grand nombre de décisions ministérielles perdent ainsi le caractère de jugements ; les décisions spontanées sont toutes considérées comme des actes administratifs : elles peuvent donner naissance à un litige, mais elles ne tranchent pas un problème contentieux. Pratiquement, « le caractère d'acte de juridiction se trouvera réservé aux décisions par lesquelles le ministre prononcera sur les recours dirigés contre les actes d'une autorité administrative inférieure » ou aux décisions que la loi qualifie expressément de jugements ». CHEVALLIER, op. cit., p. 148 à 154.

La condamnation la plus sévère de la théorie du ministre-juge a été prononcée par Montesquieu (L'Esprit des lois, Ire partie livre VI Chap. VI) : les ministres, dit-il, ne doivent pas juger les affaires contentieuses, car il faut « des tribunaux de judicature de sang-froid, et à qui toutes les affaires soient en quelque façon indifférentes » : il y aurait donc « une espèce de contradiction » entre les qualités de ministre et de juge.

L'article 17 de la loi du 21 juin 1865 en attribuant aux Conseils de préfecture la connaissance d'un certain nombre d'affaires que le préfet jugeait en Conseil de préfecture, diminue encore la compétence juridictionnelle du préfet ».

366 CHEVALLIER, op. cit., p. 144-145.

367 CHEVALLIER, op. cit., p. 131-132.

« La juridiction se définit toujours par le fait de statuer sur le contentieux (…) La confusion de la juridiction administrative et de l'administration active persiste donc, bien que limitée au premier ressort et malgré les critiques d'une partie de la doctrine ».

368 Selon Chevallier, la persistance de la doctrine de l’administrateur-juge est due à la persistance d’une définition matérielle de la notion de juridiction. En effet, au XIXème siècle, une juridiction se défini uniquement