• Aucun résultat trouvé

Sentiment de sécurité et rapport au quartier

5. L ES GRANDS DÉFIS : V IVRE ENSEMBLE (D ÉFI 1)

5.5 Sentiment de sécurité et rapport au quartier

Contrairement aux préjugés bien ancrés, il n’est pas vrai que l’on a nécessairement un sentiment d’insécurité quand on vit à Montréal-Nord et particulièrement dans le Nord-Est. Parmi les propos

ÉTUDE SUR LES BESOINS ET ASPIRATIONS DES CITOYENS DU NORD-EST DE MONTRÉAL-NORD

54

que nous avons recueillis, il y a autant de citoyens qui n’éprouvent aucunement de crainte à habiter dans ce quartier que de citoyens qui s’y sentent en insécurité.

La plupart des propos sur l’insécurité dans le quartier sont liés à la présence de personnes qui se tiennent sur les trottoirs de quelques rues précises, et devant les bandes commerciales des rues Pascal et Pierre, en particulier pendant la saison chaude. Beaucoup de citoyens les associent à la vente de drogues ou aux gangs de rue. D’autres expliquent leur présence par la volonté des résidents du secteur de socialiser, d’autant plus qu’une proportion importante de la population provient de pays où l’on a l’habitude de se retrouver à l’extérieur22. Les citoyens avec qui nous

avons échangé se réfèrent à ces personnes par différentes appellations : « les jeunes », « les jeunes qui trainent », « les jeunes qui se tiennent dehors », « les gens dehors », « les gens qui se tiennent dans la rue » « les gens qui ne font rien », « les gangs », « les gangs de rue », « les vendeurs de drogue ».

Bien que la plupart des propos sur le sentiment d’insécurité portent sur ces personnes « qui se tiennent dehors», il y a aussi d’autres motifs qui animent la méfiance et la peur, dont notamment l’intimidation (à caractère raciste, entre enfants ou entre voisins). Sans pour autant exprimer un sentiment d’insécurité, nombreux sont ceux qui soulignent la présence d’activités criminelles. Parmi les thèmes qui reviennent le plus à ce sujet, il y a : la vente de drogue, la violence entre groupes associés à la vente de drogue ou aux gangs, les activités des gangs de rue et le vandalisme. De nombreux citoyens expriment que la violence est liée à des enjeux « intra-gang » et qu’elle ne vise pas les résidents du Nord-Est.

Soulignons que quelques-uns perçoivent leur quartier comme étant sécuritaire, tranquille et peu violent. Plusieurs personnes expliquent leur sentiment de sécurité par le fait que le quartier leur est tellement familier : ils connaissent tout le monde. D’autres citoyens, sans manifester directement un sentiment d’insécurité, expriment leurs réserves quant à la question de la sécurité, en déployant des attitudes et comportements qui visent à éviter d’être affectés par ces problèmes. Par exemple, l’expression qui revient souvent est celle qui recommande de « se mêler de ses affaires », c’est-à-dire ne pas intervenir dans les problèmes et conflits d’autrui pour ne pas en être atteint. Voici, à titre d’exemple, les propos d’une jeune femme québécoise d’origine, qui - pour avoir la paix - va jusqu’à prôner la non-intervention, face à une situation de danger d’autrui :

« Moi je n'ai jamais eu de problèmes en trois ans, donc si le monde ont des problèmes c'est

parce qu'ils se mettent dedans […], sinon tu ne te fais pas achaler. Tu te mêles de tes affaires. Si tu vois quelqu'un qui tue quelqu'un, ne vas pas lui dire ‘hé qu'est-ce que tu fais là’, tu vas te faire frapper. […] Le secret pour bien vivre à Montréal-Nord […] c'est la stratégie ‘mêle-toi de tes affaires’. »

D’autres personnes nous ont confié qu’il ne faut pas avoir confiance trop rapidement en les gens. Elles disent qu’on doit prendre le temps avant de tisser des liens avec des personnes qu’on ne

22 Nous avons vu dans la présentation des caractéristiques du secteur qu’il s’agit d’un secteur très dense, avec une forte

présence de jeunes, un taux de diplomation peu élevé jumelé à un haut taux de chômage. Ajoutons que relativement à l’importance de sa population, le secteur du Nord-Est dispose de peu d’endroits de socialisation aussi bien pour les jeunes que pour les adultes. Ces différents éléments peuvent contribuer au phénomène décrit plus haut.

ÉTUDE SUR LES BESOINS ET ASPIRATIONS DES CITOYENS DU NORD-EST DE MONTRÉAL-NORD 55

connait pas. Enfin, des personnes qui se sentent en insécurité dans le quartier restreignent leurs heures et lieux de sortie ainsi que ceux de leurs enfants. Elles disent par exemple qu’elles évitent de faire les courses le soir ou qu’elles réduisent les heures de sortie des enfants, par mesure de sécurité.

Terminons en croisant les propos sur le sentiment de sécurité avec les profils des locuteurs. On se rend compte alors que sous l’angle de l’âge, ce sont les personnes de moins de 30 ans qui se sentent le plus en sécurité que les autres. Par exemple, un groupe de jeunes filles qui nous ont souligné leur aisance dans le quartier : elles s’y promènent comme elles veulent. À l’opposé, ce sont les personnes de 55 ans et plus qui ont le plus grand sentiment d’insécurité. Sous l’angle du genre, les femmes se sentent beaucoup plus en insécurité que les hommes. Une personne nous confie :

« Maintenant on ne se sent plus vraiment en sécurité. On a peur... J’ai peur de sortir. On ne

sait jamais c’est quand qu’il va y avoir un coup de feu ou une balle perdue. »

Quand on parle de sécurité, la police n’est jamais loin. Les citoyens nous en parlent amplement. Certains pensent que bien que les pratiques policières se soient améliorées, l’action pour contrer les gangs de rue resterait inefficace; d’autres considèrent que les policiers sont soit trop présents au point de déranger, soit pas assez présents.