• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4. Analyse exploratoire de sensibilité à partir du modèle RACCORD

4.5. Sensibilité du modèle à l’amplitude des ondes planétaires du géopotentiel

Le rôle majeur joué par les ondes planétaires dans la naissance d’un échauffement

stratosphérique est avéré [Andrews et al., 1987]. Cependant, l’influence exacte des différents modes d’ondes – notamment les ondes de mode 1 et 2 – n’est pas encore pleinement

comprise. On cherche ici à s’appuyer sur les résultats donnés par différentes simulations issues du modèle RACCORD pour cerner plus précisément l’impact des ondes 1 et 2 sur la naissance d’échauffements majeurs ainsi que sur le type d’échauffement qui se produit. Ce que l’on désigne ici par onde 1, 2 ou 3 correspond aux modes résultant de la décomposition

108

On commence par visualiser comment évoluent les amplitudes des ondes 1 et 2 à différents niveaux lors d’un échauffement stratosphérique de type déplacement et lors d’un

événement de type rupture. On s’appuie sur les cas des hivers 2005-2006 et 2008-2009 (figure

4.16), tous deux marqués par des échauffements d’amplitude importante.

Figure 4.16 : Évolution comparée de l’amplitude de l’onde 1 (couleurs foncées) et de l’onde

2 (couleurs claires) du géopotentiel à 250 hPa (tirets) et 150 hPa (traits pleins) au cours d’un

échauffement de type déplacement (hiver 2005-2006, couleurs rouges) et rupture (2008-2009, couleurs bleues). Les lignes verticales indiquent dans chaque cas la date de l’échauffement

(21 janvier 2006 et 24 janvier 2009).

Quel que soit le type d’échauffement, l’amplitude de l’onde 2 est constamment

supérieure à celle de l’onde 1 (sauf pendant quelques jours en décembre à 150 hPa pour le cas

de déplacement). Cependant, cette différence entre l’amplitude des deux ondes est plus marquée lors de l’hiver 2008-2009, ce qui semble expliquer que l’échauffement

stratosphérique correspondant est de type rupture. Ceci est particulièrement visible entre un mois et une vingtaine de jours avant l’échauffement (soit autour du 1er

janvier pour les courbes bleues, et quelques jours avant pour les courbes rouges) où l’onde 2 est jusqu’à quatre fois supérieure à l’onde 1 dans le cas d’une rupture du vortex alors que l’onde 2 ne dépasse pas l’onde 1 de plus de 50% lors d’un déplacement (et c’est même parfois l’onde 1 qui dépasse l’onde 2 comme on l’a noté vers la mi-décembre).

En ce qui concerne plus particulièrement l’hiver 2008-2009, une fois passée cette période caractérisée par une différence importante d’amplitude entre les deux ondes, on note que l’onde 2 atteint son maximum le 11 janvier (ce maximum étant beaucoup plus marqué à 150 hPa), alors que l’onde 1 atteint son maximum 5 ou 6 jours après, et que l’échauffement n’a lieu qu’une semaine plus tard encore. Or l’inflexion (respectivement vers le bas et vers le haut) des courbes d’évolution du vent zonal et du gradient de température étudiées

109

étudié soit de type rupture et donc dépende pour son évolution de la présence d’une onde 2 d’amplitude importante, c’est bien l’onde 1 qui semble déclencher par son pic de la mi-janvier l’affaiblissement du vortex polaire, et donc l’échauffement.

Quant à l’hiver 2005-2006, on note qu’à l’approche de la date de l’échauffement – et

après cette date – l’onde 2 retrouve une amplitude importante relativement à celle de l’onde 1.

Or l’échauffement majeur de cet hiver est de type déplacement. Il semblerait donc que la période décisive concernant le type d’échauffement à venir se situe entre un mois et une

vingtaine de jours avant l’événement. De nouveau, c’est bien un pic d’onde (ici de l’onde de

mode 2, autour du 17 janvier, suivi d’un pic plus restreint de l’onde 1 quelques jours avant l’échauffement) qui semble déclencher l’échauffement majeur.

On note enfin que l’amplitude des ondes est relativement peu sensible au niveau

considéré. Les courbes calculées à 250 hPa suivent en effet plutôt précisément celles qui correspondent à la pression 150 hPa. Les pics d’onde sont généralement plus marqués à 150 hPa qu’à 250 hPa.

On procède maintenant au filtrage du géopotentiel au niveau où le forçage du modèle aura lieu, ici 150 hPa, pour ne garder que les ondes de fréquences zonales proches de 1 ou proches de 2. On s’intéresse au niveau 150 hPa car les pics d’onde qui semblent déclencher

les échauffements stratosphériques majeurs semblent se produire à ce niveau. En addition au filtrage du géopotentiel de forçage du modèle, on retire totalement le rappel vers les champs météorologiques (sauf au niveau du forçage pour prendre en compte le champ de géopotentiel filtré) et on divise par un facteur 20 le rappel vers les champs climatologiques. On cherche en

effet à maximiser l’impact du forçage par le géopotentiel, ce qui explique cette diminution

importante des rappels. On procède à plusieurs simulations : dans la première on garde l’onde 1 et l’onde 2 à leurs amplitudes d’origine, tandis que dans les suivantes on divise l’une des

deux ondes par un facteur 3, puis 10. On représente là aussi les évolutions du vent zonal et du gradient de température (figures 4.17 et 4.18).

110

Figure 4.17 : Évolution du vent zonal à 60°N et 10 hPa au cours du mois de janvier 2009

pour différentes simulations où le forçage des ondes 1 et 2 varie et où on a fortement diminué les rappels vers la météorologie et la climatologie.

Figure 4.18 : Évolution du gradient de température entre le pôle et 60°N à 10 hPa au cours du

mois de janvier 2009 pour différentes simulations où le forçage des ondes 1 et 2 varie et où on a fortement diminué les rappels vers la météorologie et la climatologie.

On constate que la sensibilité aux variations d’amplitudes des ondes 1 et 2 est

beaucoup plus marquée pour le gradient de température que pour le vent zonal.

L’échauffement n’est pas majeur, et pas un seul des deux critères n’est atteint dans les cas

111

Toutefois, on peut étudier quelles sont les situations qui se rapprochent le plus d’un

échauffement majeur. Concernant le vent zonal, plus l’une des deux ondes est divisée par un

facteur important et plus le minimum atteint est élevé (donc moins on est proche du critère

d’échauffement majeur), d’autant plus si c’est l’onde 2 qui est divisée. Mais dans tous les cas

les cinq courbes sont très proches les unes des autres : le vent zonal est donc, dans cette paramétrisation du modèle, peu sensible à l’amplitude des ondes. Pour ce qui est du gradient de température, réduire l’amplitude de l’onde 1 éloigne fortement d’un échauffement majeur

(maxΔT passe en effet de -5,5 K dans le cas de référence où l’amplitude des ondes n’a pas été

réduite à environ -8 K) alors que diviser l’onde 2 a un effet inverse et rapproche légèrement

du critère de positivité (les courbes atteignent environ -4,5 K). Du reste, le maximum du

gradient de température est atteint une semaine avant la date de l’échauffement, soit au moment où l’onde 1 connaît son pic amplitude, ce qui renforce notre hypothèse du rôle prépondérant joué par la présence d’un pic d’onde (ici l’onde de mode 1) dans le déclenchement de l’échauffement majeur.

Les différents éléments que nous venons d’aborder semblent pointer dans le sens d’une onde 1 décisive pour le déclenchement d’un échauffement majeur, quand l’onde 2 est

surtout importante vis-à-vis du type d’échauffement qui a (ou aura) lieu, via un pré-conditionnement de l’atmosphère.

Cette hypothèse peut être confirmée par une observation plus directe de l’évolution de la température dans l’hémisphère nord au cours du mois de janvier 2009. Comme au

paragraphe précédent, des vues polaires sont calculées pour 6 journées du mois de janvier, à

20 km d’altitude, 32 km et 50 km. On compare cette fois-ci trois des cinq simulations

effectuées dans ce paragraphe : celle de référence où l’amplitude des ondes n’a pas été

modifiée (figures 4.19 à 4.21 ci-dessous), et les deux simulations où l’une des ondes voit son

amplitude divisée par un facteur 10 (les 6 figures correspondant à ces deux derniers cas sont

112

Figure 4.19 : Température de l’hémisphère nord à 20 km pour 6 journées du mois de janvier

2009. La simulation correspond au cas de référence : l’amplitude de l’onde 1 et celle de l’onde 2 sont maintenues à leurs valeurs par défaut. Le niveau de forçage est à 150 hPa.

Figure 4.20 : Température de l’hémisphère nord à 32 km pour 6 journées du mois de janvier

2009. La simulation correspond au cas de référence : l’amplitude de l’onde 1 et celle de l’onde 2 sont maintenues à leurs valeurs par défaut. Le niveau de forçage est à 150 hPa.

113

Figure 4.21 : Température de l’hémisphère nord à 50 km pour 6 journées du mois de janvier

2009. La simulation correspond au cas de référence : l’amplitude de l’onde 1 et celle de l’onde 2 sont maintenues à leurs valeurs par défaut. Le niveau de forçage est à 150 hPa.

Les différences entre les simulations sont plus marquées à 20 km. On constate que le

cas où l’onde 2 est conservée et l’onde 1 est réduite se rapproche fortement de la situation de

référence, tandis que le cas inverse s’en distingue nettement. En effet, alors que le cas de

référence montre un vortex polaire particulièrement perturbé qui s’allonge puis se scinde en

deux, on constate une évolution de type déplacement lorsqu’on ne conserve que l’onde 1.

Cependant, ces différences ne sont pas aussi marquées que dans la comparaison précédente entre les cas où les rappels météorologique et climatique sont réduits tour à tour (figures 4.13 à 4.15 et annexe C). On note également qu’en comparant les seuls cas d’allongement et de rupture du vortex, parfois l’axe du vortex tourne autour du pôle (comme

dans la météorologie, figures 4.13 et C.1) alors que pour d’autres simulations il conserve une

direction quasi-constante (lorsque les rappels sont fortement diminués, et éventuellement que

l’onde 1 est réduite, figures 4.19 et D.1).