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Chapitre 4. Analyse exploratoire de sensibilité à partir du modèle RACCORD

5.3. La campagne de mesures ARISE

5.3.1. Le projet ARISE et la campagne de l’hiver 2012-2013

Le projet ARISE (Atmospheric dynamics Research InfraStructure in Europe) a pour objectif de mettre en place une nouvelle infrastructure intégrant différents réseaux

d’instruments d’observation de l’atmosphère afin d’obtenir une représentation de l’atmosphère allant du sol jusqu’à la mésosphère dotée d’une résolution tant spatiale que temporelle sans précédent. Les zones géographiques concernées sont l’Europe mais aussi les

régions limitrophes comme le pôle et les latitudes équatoriales. Le projet ARISE se base sur

l’alliance de différentes technologies : les données airglow (la luminescence du ciel nocturne)

provenant des molécules OH (radical hydroxyle) et O2 (dioxygène) apportent des informations sur la température de la mésosphère, les infrasons renseignent sur la dynamique, et le lidar permet – entre autres – de faire le lien entre ces deux premières méthodes d’observation grâce à son extension verticale importante. ARISE vise à réunir les communautés scientifiques spécialisées dans chaque technologie, et à s’appuyer sur les synergies qui existent entre les domaines d’études complémentaires que sont les infrasons, les

ondes de gravité, les ondes planétaires, les perturbations de la stratosphère et de la

mésosphère, les études de données satellitaires, la modélisation de l’atmosphère, ou encore la

dynamique atmosphérique. Ce faisant, les objectifs sont notamment d’améliorer les prévisions météorologiques à court et moyen terme, d’obtenir de meilleures estimations de l’impact de la stratosphère sur la troposphère, et de mesurer l’évolution climatique de la moyenne

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atmosphère. Ces trois domaines sont impactés par les échauffements stratosphériques soudains.

Dans ce cadre, une campagne de mesures à l’échelle européenne a été lancée en vue d’observer l’évolution de l’état de l’atmosphère lors de l’hiver 2012-2013. Elle a impliqué le

concours de plusieurs pays (France, Allemagne, Angleterre…) ainsi que de multiples stations

de mesures et a concerné différents types d’instruments (lidar, airglow, infrasons…). Sur certains sites comme l’OHP, l’ensemble des technologies étaient mises en œuvre. Débutée au

mois de septembre 2012, la campagne s’est achevée en avril 2013. L’analyse des données

recueillies a ensuite pu commencer. Cependant, toutes les mesures ne sont pas encore complètement définitives, et les investigations présentées ici sont encore préliminaires.

5.3.2. Les données OH

L’airglow est de la radiation électromagnétique émise dans la haute mésosphère et

située dans les domaines spectraux du visible et du proche infrarouge. Elle est due à

l’excitation atomique et moléculaire présente à ces altitudes. Une majorité de cette

luminescence du ciel nocturne est attribuable à une fine couche de radical hydroxyle excité

OH située entre 83 et 90 km d’altitude, avec un maximum de concentration vers 87 km. L’excitation est créée par la réaction exothermique entre l’ozone et l’hydrogène atomique.

Nous nous intéressons ici à l’évolution tout au long de l’hiver de la température

obtenue à l’OHP grâce aux données airglow OH. Elle est comparée aux données lidar

mesurées à 87 km provenant également de l’OHP. Les données OH nous indiquent que le

pré-conditionnement de la haute mésosphère depuis le mois d’octobre connaît d’autres phases

aussi intenses début novembre et mi-novembre, ce qui est visible également sur les données lidar. L’accord avec les données lidar est globalement satisfaisant. Un écart plus important

entre les mesures des deux instruments est observé de la mi-janvier à la fin février : il pourrait être attribué à l’état particulièrement perturbé de l’atmosphère à cette période qui suit immédiatement l’échauffement stratosphérique majeur. Cela se traduit notamment par le fait que le vortex polaire n’est pas encore intégralement reformé, ce qui peut avoir pour conséquence de modifier l’altitude de la couche OH. Ceci permet par ailleurs de constater que l’atmosphère n’a retrouvé son état initial que plusieurs mois après l’échauffement.

5.3.3. Les données lidar de l’OHP.

Après deux années d’interruption du fonctionnement régulier du lidar à l’OHP, les

mesures ont pu reprendre en septembre 2012 à l’occasion de la campagne d’observation ARISE de l’hiver 2012-2013. Le nombre de jours de mesure sur l’ensemble de l’hiver est

remarquablement élevé puisqu’il s’établit à 85 (soit près d’un jour sur deux). On procède à

une interpolation linéaire temporelle sur ces données, de manière à pouvoir appliquer la méthodologie développée au chapitre 2.

La distribution des anomalies de températures calculées à 40 km d’altitude pour l’ensemble de l’hiver (figure 5.2) révèle une anomalie de fond valant -2.5 K, ce qui se situe

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Figure 5.2 : Distribution des anomalies de températures de l’hiver 2012-2013 à 40 km d’altitude. La courbe violette représente l’approximation bi-gaussienne, et les courbes verte et

rouge représentent les composants monomodaux gaussiens, respectivement la contribution de fond (centrée autour de la valeur -2,5 K) et la contribution dynamique (autour de -1,7 K).

Concernant la contribution dynamique, l’occurrence est plutôt faible, ce qui de nouveau s’accorde avec les tendances calculées (figure 2.9, paragraphe 2.4.2.3). En revanche l’anomalie dynamique est légèrement négative, ce que ne laissait pas supposer la tendance

observée jusque là (figure 2.7). Cependant, nous avons vu que l’anomalie dynamique présente

une variabilité interannuelle très importante.

On s’intéresse maintenant à l’évolution des anomalies de températures au cours de l’hiver (figure 5.3).

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Figure 5.3 : Évolution des anomalies de températures moyennes au cours de l’hiver 2012-2013. La zone blanche indique une absence de données. Le lecteur sera attentif à l’échelle

verticale différente de celles des figures précédentes.

L’amplitude des anomalies de températures mesurées est particulièrement élevée :

dans la stratosphère, près de 60 K sont gagnés en une quinzaine de jours au moment de

l’échauffement. La principale anomalie chaude se situe autour de 40 km d’altitude et dure très

peu de temps, ce qui est davantage caractéristique des échauffements de type rupture (figure 2.14), comme nous l’avons remarqué au chapitre 2 (paragraphe 2.5.2.3). L’anomalie positive

précurseuse de la haute mésosphère est visible près de trois mois avant l’échauffement. Son

amplitude et surtout sa durée sont relativement limitées, comme pour l’évolution composite

concernant les échauffements de type rupture. Plus généralement, on observe dans la haute mésosphère (de 70 km à 80 km d’altitude) des anomalies chaudes début octobre, à la

mi-novembre et début décembre. Ces anomalies avaient été détectées par airglow avec un léger décalage temporel. Ce dernier est caractéristique du mouvement descendant des anomalies qui a été discuté dans les chapitres précédents. L’anomalie négative post-échauffement de la haute

stratosphère et de la mésosphère est elle aussi spécifique des échauffements majeurs de type rupture.