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Sensibilité des méthodes de caractérisation à la présence de défauts

Chapitre I. Contexte et problématique

3. Transferts de microorganismes

3.2. Présence de défauts de la structure membranaire

3.2.3. Sensibilité des méthodes de caractérisation à la présence de défauts

Cette partie aborde la sensibilité des méthodes classiques de caractérisation à la présence de défauts dont les dimensions sont de l’ordre du micromètre.

Tout d’abord, en ce qui concerne les paramètres macroscopiques, Causserand et al. (2002) ont comparé la réponse en terme de seuil de coupure (déterminé par rétention de dextranes) et de perméabilité à l’eau, de membranes intègres et de membranes altérées à l’aide d’une pointe en tungstène. Les résultats montrent que ces paramètres ne sont pas affectés par la présence d’un défaut de diamètre inférieur ou égal à 50 µm. Le seuil de coupure et la perméabilité à l’eau ne sont donc pas suffisamment sensibles à la présence de défauts dont les dimensions sont susceptibles de laisser passer des microorganismes tels que les bactéries.

Par ailleurs, dans le cas des études citées précédemment (Urase et al. 1994 et Kobayashi et

al. 1998), les résultats des rétentions respectivement de polyéthylènes glycols (PEG) et de

dextranes ont permis de déterminer la distribution principale de tailles de pores, mais pas de détecter les pores anormalement gros alors que leur diamètre supposé est de 10 à 100 fois supérieur à celui des pores de la distribution principale. Dans ces conditions, on peut supposer que le manque de sensibilité observé résulte notamment du nombre limité de pores anormaux par rapport au nombre total de pores de la membrane (proportion défauts/pores normaux de l’ordre de 1/109 Urase et al. 1994).

De plus, dans ce dernier cas, étant donné que des fuites en bactériophages ont été mises en évidence sur ces mêmes membranes, le manque de sensibilité des méthodes de

caractérisation pose la question de la corrélation entre la rétention de traceurs comme les polymères de synthèse et celle de microorganismes. Dans ce contexte, plusieurs études se sont intéressées à la recherche de substituts des microorganismes c’est-à-dire des particules présentant une réponse identique, en terme de rétention, à celle des microorganismes. Les résultats de ces études sont partagés.

Ainsi, Gitis et al. (2006a) ont comparé la rétention de bactériophages MS2 (25 nm) et de nanoparticules d’or (12 ± 3 nm) sur des membranes d’ultrafiltration de 0,5 à 100 kD. Les résultats montrent que les réponses des membranes lors de la filtration des substituts non biologiques sont fortement cohérentes avec celle obtenues lors de la filtration de MS2. A noter que cette cohérence est également remarquée dans le cas d’une membrane ayant subi un vieillissement chimique accéléré Gitis et al. (2006b).

Cependant, une étude de Madaeni (2001) met en évidence le fait que les substituts non biologiques sont susceptibles de se comporter de façon opposée aux microorganismes. Ainsi, filtrées seules des particules d’or (50 nm) ou des billes de polystyrène (1 µm) présentent une rétention similaire à celle observées lors de la filtration d’une suspension respectivement de poliovirus (30 nm) ou de E. coli (2 x 1 µm). Par contre lors de la filtration en mélange des particules non biologiques, on peut remarquer une augmentation du transfert des particules d’or, alors que dans le cas des particules biologiques, l’ajout de

E. coli permet d’améliorer la rétention de poliovirus. D’après ces auteurs, ces différences

résultent des interactions entre bactéries et virus qui sont inexistantes entre particules d’or et billes de polystyrène.

Par ailleurs, on peut également envisager que l’écart observé entre la rétention des substituts et celles des microorganismes résulte d’un comportement spécifique au cours de la filtration lié à la nature biologique de ces derniers. L’ensemble des phénomènes regroupés sous cette hypothèse sera développé ultérieurement (cf. § I.3.3).

En ce qui concerne les méthodes de caractérisation basées sur des observations au microscope électronique à balayage suivies d’analyses d’images, celles-ci peuvent être utilisées pour évaluer la distribution de tailles de pores de membranes de microfiltration

(Bessières, 1994). Dans le cas de la détection de défauts sur les membranes d’ultrafiltration, ces méthodes se heurtent au problème de l’échantillonnage. En effet, le grossissement à adopter pour être en mesure de détecter un défaut de quelques centaines de nanomètres, ne permet d’observer qu’une part réduite de la surface membranaire (au maximum 1000 µm2). Par conséquent, si l’on considère que le nombre de pores anormaux est de l’ordre de

106 par m2 (cf. Urase et al. 1994), il sera possible de détecter uniquement un défaut pour

1.000 échantillons de membrane observés.

De plus, dans ces conditions, la microscopie électronique à balayage procure seulement une caractérisation de la surface de la membrane. De ce fait, elle ne permet pas de distinguer un défaut ouvert et donc susceptible de conduire à la contamination du perméat, d’un défaut fermé n’affectant pas l’efficacité de la membrane en terme de rétention de microorganismes.

Les dernières méthodes de caractérisation que nous proposons de passer en revue sont celles basées sur le déplacement d’une interface air / liquide : point de bulle et pressure decay test. A noter que cette dernière méthode est employée quotidiennement pour surveiller l’intégrité des membranes sur site de production d’eau potable (test d’intégrité à l’air).

La méthode du point de bulle qui permet de déterminer le diamètre du pore le plus large, semble manquer de sensibilité vis-à-vis de la détection des pores anormalement gros. En effet, Gitis et al. (2006b) ont montré que les mesures de point de bulle qu’ils ont effectuées en parallèle de leurs tests de rétention de virus, s’avèrent capables de détecter uniquement les défauts élargis (420 nm) alors que des fuites en bactériophages ont été relevées dans le cas de défaut de 20 à 30 nm.

La seconde méthode, bien qu’elle soit capable de détecter des imperfections de taille réduite par rapport aux moyens de surveillance « en ligne » (comptage de particules et suivi de la turbidité), est limitée à la détection de défauts d’environ 3 µm de diamètre (Farahbakhsh, 2003). Ce manque de sensibilité a été confirmé par Gijsbertsen-Abrahamse

modules de filtration, certains n’avaient pas systématiquement été détectés par les tests d’intégrité mis en œuvre, alors qu’ils peuvent cependant s’avérer de dimensions suffisantes pour permettre le passage des microorganismes.

Dans ce contexte, Adams et Côté (2005) ont cherché à relier l’abattement mesuré expérimentalement lors de la filtration d’une suspension de Bacillus subtilis à celui prédit par des mesures de tests d’intégrité. Ces essais ont été effectués sur des modules contenant des membranes de géométrie fibre creuse volontairement altérées soit par une perforation (pin-holes), soit par une rupture totale de la fibre (cut fibers). Les données expérimentales issues des tests d’intégrité (pressure decay test) permettent de déduire un abattement théorique, en faisant l’hypothèse que lors des challenges bactériens (test de rétention) la rétention est totale sur la partie intègre de la surface membranaire et que les microorganismes sont transportés à travers le défaut par un écoulement vérifiant la loi de Hagen-Poiseuille.

Les résultats montrent que l’abattement expérimental en Bacillus subtilis est toujours supérieur ou égal à celui prédit par les tests d’intégrité (cf. figure I.8).

LRV déduit des tests d’intégrité

L R V e n B ac il lu s su bt il is (a) (b)

LRV déduit des tests d’intégrité

L R V e n B ac il lu s su bt il is (a) (b)

figure I.8 : Comparaison entre l’abattement en Bacillus subtilis obtenu lors de challenges bactériens et celui déduit des tests d’intégrité dans le cas de modules contenant 500 (a) et 1000 (b) fibres creuses.

Source : Adams et Côté (2005).

Dans ces conditions, les tests d’intégrité s’avèrent donc suffisamment sensibles pour détecter les défauts générés et fournir une bonne estimation de l’abattement en microorganismes.

A noter que dans cette étude, les caractéristiques géométriques des défauts générés par perforation (pin-hole), et en particulier leur diamètre, ne sont pas précisées. Ces défauts peuvent donc être de dimensions très largement supérieures à la limite de détection des tests d’intégrité. On peut donc se demander dans quelle mesure la corrélation observée entre les challenges bactériens et l’abattement déduit des tests d’intégrité évoluera avec la réduction du diamètre des défauts. De plus, étant donné que le modèle développé par ces auteurs ne fait pas intervenir le diamètre des bactéries filtrées, il est difficile de prédire la rétention de microorganismes dont les dimensions seraient différentes de celles de Bacillus

subtilis.

Pour conclure, il apparaît que les méthodes de caractérisation disponibles ne sont pas en mesure de détecter systématiquement des défauts de la structure membranaire dont les dimensions sont de l’ordre du micromètre. Cette lacune met en évidence la nécessité de développer une méthode plus sensible, et ce d’autant plus que dans cette gamme de taille, les comportements spécifiques résultant de la nature biologique des particules filtrées sont susceptibles d’intervenir.

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