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1.2 Elstir : la cécité, du voir au dire

1.2.1. Contre-sens et vérité esthétique

L'idée d'une cécité du voir prend forme dans l'atelier du peintre Elstir, où le héros proustien est confronté à une vision de la réalité si nouvelle qu'elle lui apparaîtra comme une recréation du monde, une « métamorphose des choses représentées, analogue à celle qu'en poésie on nomme métaphore et que si Dieu le Père avait créé les choses en les nommant, c'est en leur ôtant leur nom, ou en leur en donnant un autre qu'Elstir les recréait132. » La philosophe Catherine Malabou a écrit un texte déterminant pour saisir la portée théorique de la figure d'Elstir, dans lequel elle situe cette dernière à la source de toute image de la Recherche (« chaque esquisse des paysages, des êtres de la Recherche, pourrait être signée de lui »), mais comme une source qui se fragmente dans une infinité chatoyante de reflets, de « manières », de perspectives. Le peintre reste dans l'œuvre une « image manquante », figure jamais fixée, mais consistant

dans le jeu de variations éidétiques impossibles à réduire, et de prétextes à controverses critiques impossibles à trancher, chatoiement fragmenté des images et des mots qui met à l'épreuve la notion même de sens commun [...]. Ce qui unit le peintre et l'écrivain est donc un sympathein, mais un sympathein du "contre-sens", un "autre sens", qui, tout en étant peut-être la chose du monde la moins partagée, est cependant la plus proche de ce que Kant appelle le sensus communis, l'improbable lieu de l'adhésion universelle133.

Figure privée d'image, le peintre se manifeste au narrateur comme une sorte de Créateur en sens inverse, mais Elstir, lui, « est un Dieu qui ne nomme pas ». Malabou s'est précisément intéressée, dans son texte, à cette « genèse à rebours134 » initiée par la peinture d'Elstir. Si la rencontre de ce dernier constitue un des moments capitaux dans l'apprentissage par le héros

132 OJFF, II, p. 191

133 C. Malabou, « Peindre la mer par l'autre sens (Proust et Elstir) », Word and Image : A Journal of

Verbal/Visual Enquiry, vol. 4, no 1, 1988 [en ligne], p. 195 134 Ibid., p. 196

de sa vocation, soit le contact avec un art qui consiste à « ne pas exposer les choses telles qu'il savait qu'elles étaient, mais selon ces illusions optiques dont notre vision première est faite135 », cet enseignement procède justement à retrouver « l'origine même du regard, ce qui originellement l'éclaire, et qui n'est d'autre que sa propre illusion136 ». Un apprentissage qui s'inscrit en faux du mouvement même de l'apprentissage comme progression vers la révélation finale de la vocation littéraire.

La Recherche, qu'on lit si souvent comme la correction progressive des illusions de la jeunesse, mue par une dialectique du désir et de la déception vers la découverte des vérités de l'art libérées de leur contingence, comporte cependant une tache rendue visible par la présence d'Elstir dans le texte, et qu'a relevée Catherine Malabou : « [...] à l'origine de toute perception se cache une faute du sens. Ainsi, on ne voit que parce qu'à l'origine du voir, il y a cette cécité fondamentale, qui seule est éclairante, ce désordre des yeux, ce temps perdu du regard que le peintre [...] cherche à retrouver137. » La contre-genèse à laquelle donne lieu la peinture d'Elstir serait ainsi la célébration du contresens comme forme de la vision. À rebours de l'apprentissage, un autre processus prend forme dans le texte, un « travail de la faute » où « l'illusion à détruire est la désillusion138. » La lecture de Malabou nous permet alors d'appréhender ce par quoi la faute de sens devient une « vérité esthétique » :

La peinture célèbre la faillibilité du voir comme vérité toute paradoxale de la vision. En portant au regard non pas des objets, mais le regard lui-même, en creusant, dans la vision, cet espace fautif de l'image qui sépare l'œil de l'œil, le peintre distancie le regard du regard, et le plus proche devient ainsi le plus lointain. Ce qui explique que, d'une manière générale, les personnages du roman ne comprennent rien aux tableaux d'Elstir ; lorsqu'ils les voient, ils n'y reconnaissent pas leur propre vision, leurs illusions d'optique ; comme si l'œil, rendu à lui-même par la puissance du tableau, se devenait du même coup absolument étranger, car c'est une véritable épreuve pour les yeux que de franchir le seuil

135 OJFF, II, p. 194

136 C. Malabou, op. cit., p. 196 137 Ibid., p., 197

de leur propre représentation. Ainsi, les fautes de goût, qui consistent par exemple à dire qu'Elstir est un mauvais peintre, viennent le plus souvent de cette difficulté qu'a le spectateur à reconnaître dans un tableau les fautes de ses propres yeux139.

On entend mieux, à présent, l'analogie entre les fautes de goût de ceux qui refusent d'être confrontés à la faute de leur propre regard et accusent Elstir d'être mauvais peintre, et les lecteurs qui accusent Flaubert d'être mauvais écrivain et lui reprochent, justement, ses fautes de grammaire. Ne sachant plus lire, ils refusent de reconnaître les ruptures qu'effectue son écriture dans leur propre appréhension du monde par le langage. Dans la peinture d'Elstir, l'œil est rendu à lui-même par la puissance du tableau, mais, dans ce retour du regard, fait l'épreuve de sa propre faillibilité. Rendu à lui même et s'éprouvant comme absolument étranger dans le même mouvement de regard.

Comme le montre Malabou, c'est la question de l'origine du sens que déplace la poétique d'Elstir. Comme pour le langage primitif imaginé par Rousseau dans l'Essai sur l'origine des langues, le langage est d'abord une erreur, une aberration où l'affect donne forme à un « premier langage », dont la correction ultérieure par la raison fit un langage figuré.

Comme les premiers motifs qui firent parler l'homme furent des passions, ses premières expressions furent des tropes. Le langage figuré fut le premier à naître, le sens propre fut trouvé le dernier. On n'appela les choses de leur vrai nom que quand on les vit sous leur véritable forme. D'abord on ne parla qu'en poésie ; on ne s'avisa de raisonner que long- temps après140.

Pour l'homme primitif imaginé par Rousseau, le progrès de la raison relayera progressivement ce premier langage délirant au domaine secondaire de la figuration, alors que par un mouvement général de correction, les formes de la langue se modifieront pour s'adapter de plus en plus proprement aux formes de la réalité. Or comme le souligne Malabou, le sens

139 Ibid., p. 197

140 J.-J. Rousseau, Essai sur l'origine des langues, Paris, Aubier Montaigne, « La philosphie en poche »,

propre ne découle pas chez Rousseau du sens figuré, alors que chez Proust, même si le travail de l'intelligence procède aussi à une correction de l'erreur initiale,

[...] la faute du voir comme celle du dire sont l'originarité même du voir et du dire, et lorsqu'elles en viennent à être corrigées [...] par l'intelligence conventionnelle, cette correction s'origine encore dans la faute, dans cette tentative des hommes pour redresser le tort que leur cause leur faiblesse, tentative qui est encore un signe de défaillance141.

Et c'est en cela qu'Elstir, si Proust en fait l'initiateur d'une nouvelle vérité de l'art, ne permet pas pour autant le retour à une origine perdue du sens dont le sens commun de l'habitude aurait effacé la frappe première. Il y a bien quelque chose dans cette figure du Dieu qui, bouleversant la vision du jeune héros, l'amènera à renier ses anciennes lois. Et dans ce bouleversement, la peinture d'Elstir redonne au narrateur une vérité initiale toujours perdue du regard, le moment de confusion qu'a occulté l'intelligence. Mais avant de faire de cette faute du sens une des révélations messianiques de l'œuvre proustienne, avant que le regard ne soit par l'image elstirienne redonné enfin à lui-même creusé de sa propre absence, encore faut- il se rappeler que, dans la Recherche, Elstir est un Créateur qui ne nomme pas, et qu'en retour ses images sont, avant tout, des images écrites. Si en effet la peinture d'Elstir est conçue comme une sorte de Vanité, un autoportrait où la vision est renvoyée à sa propre cécité fondamentale, ses images elles-mêmes n'existent que dans le temps de la parole. Si la vérité esthétique du contresens, l'expérience de la faillibilité des sens comme origine même du sens de l'art, agit dans l'image elstirienne à la façon de la tête de la mort qui, dans les peintures de Vanités, renvoie le spectateur à un vide constitutif de la forme142, l'écriture donne en retour une syntaxe à l'image, dont elle décompose et recompose la temporalité. Cependant que l'écriture

141 Ibid., p. 198

142 La tête de mort dans les peintures de Vanités du XVIIe siècle comme « [...] l'universel autoportrait

qui fait retour par le regard de ses orbites vides dans l'œil de chacun » L. Marin, « Les traverses de la vanité », A. Tapié (dir.), Les Vanités dans la peinture au XVIIe siècle. Méditations sur la richesse, le dénuement et la

travaille à rebours vers le moment originel d'erreur qui a fondé ce que Proust appellera « l'image inévitable », les formes du langage se déploient dans le temps, dans un glissement métaphorique qui est aussi « l'errement143 » toujours reconduit du sens.

Le texte plonge les images d'Elstir dans le temps, y compris comme images « réelles », les peintures qui suivent leur propre chemin erratique dans le temps du récit. Après avoir découvert la peinture d'Elstir dans À l'ombre des jeunes filles en fleur, le héros la retrouve dans le Côté de Guermantes, lors d'une soirée qui constitue sa première introduction tant attendue (et tant retardée par Proust) chez le duc et la duchesse. Cet épisode (l'enchaînement des passages n'est jamais fortuit) fait suite à la soirée passée en compagnie de Saint-Loup, ce « soir de l'amitié » où ce dernier apparaît au héros dans une dimension esthétique nouvelle en exécutant, pour traverser la salle à sa rencontre, un « exercice de voltige » au-dessus des fils électriques et des banquettes : « sans s'y embarrasser Saint-Loup les sauta adroitement comme un cheval de course un obstacle ». Dans cette démonstration impromptue de la souplesse de Saint-Loup, apparaît pour le héros le legs de ses « ancêtres dédaigneux et souples », les qualités de l'aristocratie qui ont plié à son insu le corps du jeune homme en s'y fixant « en lignes inconscientes et nobles », inconscientes parce qu'opposées à l'attitude consciente de Saint-Loup à qui elles feraient horreur.

Tout rempli encore du plaisir que j'avais eu à le voir s'avancer au petit galop et toucher gracieusement au but, je sentais que ce plaisir tenait à ce que chacun des mouvements développés le long du mur, sur la banquette, avait sa signification, sa cause, dans la nature individuelle de Saint-Loup peut-être, mais plus encore dans celle que, par la naissance et par l'éducation, il avait héritée de sa race144.

143 Ibid., p. 198

Ce n'est donc pas seulement sa valeur esthétique qui plaît au héros, mais, par la répétition d'une gestuelle ancestrale, un plaisir similaire qu'il tire de sa contemplation de l'Église de Combray, c'est-à-dire sa dimension temporelle rendue sensible, « déployant à travers les siècles son vaisseau qui, de travée en travée, de chapelle en chapelle, semblait vaincre et franchir, non pas seulement quelques mètres, mais des époques successives d'où il sortait victorieux145. »

[...] telles étaient les qualités, toutes essentielles à l'aristocratie, qui, derrière ce corps, non pas opaque et obscur comme eût été le mien, mais significatif et limpide, transparaissaient comme à travers une œuvre d'art la puissance industrieuse, efficiente qui l'a créée, et rendaient les mouvements de cette course légère que Robert avait déroulée le long du mur, aussi intelligibles et charmants que ceux de cavaliers sculptés sur une frise146.

C'est bien à travers le temps que Saint-Loup déroule la « frise de sa course » jusqu'au narrateur (« Et je savais bien aussi que ce n'était pas qu'une œuvre d'art que j'admirais en ce jeune cavalier déroulant le long du mur la frise de sa course147 »). Dans le passage suivant, le duc qui, « fort peu Ancien Régime quand il s'efforçait ainsi de l'être », « le redevenait ensuite sans le vouloir », joue au narrateur une « petite scène [...] qui avait dû, avant de glisser jusqu'à nous, être jouée par bien d'autres Guermantes pour bien d'autres visiteurs148. » L'habitude inconsciente glisse, de moments en moments, de corps en corps, instaurant une continuité des temps révolus jusqu'au narrateur, justement parce qu'elle est inconsciente (« les « quoique » sont toujours des « parce que » méconnus149 »). Le geste ancestral défait le temps de

145 DCS, I, p. 60

146 CG, II, p. 707 147 CG, II, p. 708 148 CG, II, p. 712

149 « Ma mère s'émerveillait qu'il fut si exact quoique si occupé, si aimable quoique si répandu, sans

songer que les « quoique » sont toujours des « parce que » méconnus, et que (de même que les vieillards sont étonnants pour leur âge, les rois pleins de simplicité, et les provinciaux au courant de tout) c'était les mêmes habitudes qui permettaient à M. de Norpois de satisfaire à tant d'occupations et

l'intentionnalité, l'effort que met continuellement Saint-Loup pour imposer à sa propre forme les contours de son intelligence et de sa volonté, pour devenir l'œuvre de lui-même.150 Dans ce corps qui voudrait tenir tout entier dans l'idée d'un moi et se fixer, comme les muscles sur le squelette, sur l'articulation fondamentale de ses idéaux, survit la pantomime inconsciente d'un temps immémorial, dans lequel se fondent la généalogie, l'histoire et le mythe.

Cette continuité réveillant la lignée ancestrale est rendue perceptible au narrateur justement parce qu'il en décompose les moments. En effet, Proust travaille les images de la course de Saint-Loup par un démontage de ce moment de temps, qui vise à rendre sensibles la transformation et l'influence mutuelles des images qui, précisément, échappent à l'œil. Le geste de Saint-Loup fait d'abord l'objet d'une comparaison avec l'animal (il saute comme un cheval de course). Plus loin, le plaisir de cette vision perdure : « Tout rempli encore du plaisir que j'avais eu à le voir s'avancer au petit galop et toucher gracieusement au but151 ». Cette fois, l'analogie du geste a cédé le pas à la métaphore, transformant véritablement Saint-Loup en cheval galopant. Son corps, exprimant les gestes d'une noblesse qu'il méprise, est réduit à cette expressivité - la souplesse habile d'un cheval indifférent aux convenances dont s'embarrasserait un bourgeois, les élégantes banquettes de velours rouge « effectivement et symboliquement trépignées » - comme si elle avait été conçue par un artiste et sculptée comme allégorie de ces idées nobles. Certes, cette image de Saint-Loup est effectivement conçue par un artiste. Mais ici, c'est plutôt en photographe que Proust sculpte

d'être si ordonné dans ses réponses, de plaire dans le monde et d'être aimable avec nous. » OJFF, I, p. 430

150 « Hélas, eût pensé Robert, est-ce la peine que j'aie passé ma jeunesse à mépriser la naissance [...]

pour que le seul être qui apparaisse en moi, dont on garde un précieux souvenir, soit non celui que ma volonté, en s'efforçant et en méritant, a modelé à ma ressemblance, mais un être qui n'est pas mon œuvre, qui n'est même pas moi, que j'ai toujours méprisé et cherché à vaincre ? »

son œuvre. En effet, c'est par un principe de vision similaire qu'a décrit plus tôt le narrateur dans le regard mécanique qui, fonctionnant « à la façon de pellicules », aperçoit la réalité avant que l'intelligence n'ait le temps de charger l'œil de pensée et de prendre les images que présentent les êtres connus et les rejeter « sur l'idée que nous nous faisons d'eux depuis toujours, les fait adhérer à elle152 ».

Mais qu'au lieu de notre œil, ce soit un objectif purement matériel, une plaque photographique, qui ait regardé, alors ce que nous verrons, par exemple dans la cour de l'Institut, au lieu de la sortie d'un académicien qui veut appeler un fiacre, ce sera sa titubation, ses précautions pour ne pas tomber en arrière, la parabole de sa chute, comme s'il était ivre ou que le sol fût couvert de verglas153.

Ce que le regard mécanique du narrateur lui fait voir, dans cet autre passage, ce n'est pas la chute d'un académicien, mais l'altération même du vieillissement sur le visage de sa grand- mère, dans le salon du Temps, la parabole de son geste vers la mort. Autrement dit, la décomposition (au sens de démontage) des traits de son être original, c'est-à-dire tel que connu par le narrateur.

Voir les êtres et le monde non pas dans la fausse permanence que leur impose notre esprit (et notre amour pour eux qui voudrait les voir vivants au même âge éternel), mais percevoir l'altération qui modifie, affecte les formes (« comment n'en eussé-je pas omis ce qui en elle avait pu s'alourdir et changer154 »), cela correspond à voir sans être complètement présent à soi, voir la réalité connue (et les êtres aimés) en étranger.

J'étais là, ou plutôt je n'étais pas encore là puisqu'elle ne le savait pas, et, comme une femme qu'on surprend en train de faire un ouvrage qu'elle cachera si on entre, elle était livrée à des pensées qu'elle n'avait jamais montrées devant moi. De moi - par ce privilège qui ne dure pas et où nous avons, pendant le court instant du retour, la faculté d'assister brusquement à notre propre absence - il n'y avait là que le témoin, l'observateur, en chapeau et manteau de voyage, l'étranger qui n'est pas de la maison, le photographe qui

152 CG, II, p. 439

153 CG, II, p. 439 154 CG, II, p. 439

vient prendre un cliché des lieux et qu'on ne reverra plus. Ce qui, mécaniquement, se fit à ce moment dans mes yeux quand j'aperçus ma grand-mère, ce fut bien une photographie155.

Une photographie, ou plutôt une succession de clichés qui, dans son rythme saccadé, montre ce qu'omet l'œil : ce qui change, se métamorphose, mais surtout dans une autre direction que le temps de l'action volontaire. Bien sûr, on pense ici au galop du cheval de Muybridge dans le « zoopraxiscope », événement optique marquant de l'époque de Proust, qui inspira certainement la remarque de l'incipit concernant le temps si bref des « évocations tournoyantes et confuses » du demi-réveil que « souvent, ma brève incertitude du lieu où je me trouvais ne distinguait pas mieux les unes des autres les diverses suppositions dont elle était faite, que nous n'isolons, en voyant un cheval courir, les positions successives que nous montre le kinétoscope156. » Muybridge était arrivé à décomposer le mouvement du galop afin de résoudre un débat dans lequel l'œil humain ne pouvait trancher, et prouver qu'en un instant imperceptible de sa course, un cheval se tient entièrement séparé du sol. Puis, ses études sur le mouvement animal et humain l'avaient conduit à créer le « zoopraxiscope », machine qui recomposait le mouvement par une projection au défilement rapide de ses instantanés. On avait démonté et malicieusement remonté le mouvement vivant, articulant la première forme du regard cinématographique. Le kinétoscope de Thomas Edison, qui s'inspirait des machines optiques telles que le zoopraxiscope, était fondé sur le même principe : à partir d'une succession d'instantanés, créer l'illusion du mouvement. Son invention, disait-il, pourrait un jour permettre d'entendre un spectacle d'opéra plusieurs décennies après que les chanteurs