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Le bon sens Système de référence

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 41-45)

Chapitre 1. Etat de l’art

B. Le bon sens Système de référence

Si le sens commun est fréquemment opposé par les théoriciens des organisations au savoir rationnel scientifique, certains auteurs constatent que ce dernier constitue également un système normatif qui peut être questionné. MacKay, Zundel et Alkirwi (2014) étudient par exemple le déroulement d’un audit dans une organisation. De très nombreux indicateurs de gestion, chiffrés sont examinés par les enquêteurs. Les méthodes statistiques utilisées sont toutes analysées. La

rigueur et la validité des chiffres sont vérifiées. Des conclusions sont rendues par les auditeurs, et elles entrainent de multiples conséquences pour la vie organisationnelle.

Toutefois, les résultats de l’étude empirique menée parallèlement par les chercheurs leur permet d’avancer que les mêmes chiffres peuvent être présentés de façon à établir une vérité plutôt qu’une autre qui serait plus favorable aux acteurs. La façon de présenter les choses reflète une logique possible parmi d’autres. Les chiffres examinés sont obtenus de façon indiscutablement scientifique. Ils doivent établir la vérité. Cependant, selon MacKay et al. (2014), la vérité des chiffres serait elle-même un mythe de sens commun qui relève d’une idéologie simplificatrice.

La rigueur scientifique des chiffres n’est pas, d’après ces auteurs, un gage de rationalité.

Si l’attachement au système scientifique décrédibilise le bon sens, savoir aux antipodes du savoir scientifique, certains comme Howard (1995) notent que l’emphase mise sur une rigueur artificielle nous a fait mettre de côté notre bon sens, au nom d’un culte pour la logique abstraite.

Howard (1995) écrit:

« Let judgment and personal conviction be important again. There is nothing unusual or frightening about it. It’s just common sense. » (1995 : 61).

Le bon sens - sens commun est fondé sur des croyances, peut-être irrationnelles, qui constituent pourtant le socle de la rationalité. Il repose sur un ensemble d’hypothèses normatives acceptées et partagées par les membres d’une communauté. Le sens commun est pluriel, et des sens communs peuvent entrer en conflit, lorsque ce qui est considéré normal par certains ne l’est pas vu ainsi par d’autres. Les individus peuvent être en désaccord sur ce qu’ils considèrent vrai, juste ou bon en fonction des critères qu’ils auront retenus pour juger. Il existe donc plusieurs

sens communs, qui peuvent parfois être très différents. Il n’existe pas une seule rationalité, ni une logique unique. La vérité universelle n’existe pas.

En déterminant un certain cadre, un mode d’emploi, le sens commun permet l’action. Il est un système qui définit la rationalité et la logique de la manière de procéder de tous les membres d’une communauté.

Bourdieu (1980) souligne que le sens commun prescrit la manière de faire « normale » de chaque individu d’un groupe. C’est un système de référence qui permet de juger de la conformité du faire. Il permet de qualifier ce qui est ou n’est pas déviant, absurde ou fou. Le sens commun constitue une norme par rapport à laquelle il est possible d’évaluer ce qui est normal et rationnel et ce qui ne l’est pas. Il permet de faire exister une certaine réalité, commune aux membres d’une communauté. Car, quelles que soient les hypothèses de départ retenues, les vérités de sens commun sont celles qui sont considérées légitimes par les membres d’une communauté particulière. Le sens commun constitue donc un cadre normatif pour les individus.

Il établit la rationalité de référence nécessaire à la vie en communauté, la logique humaine, et ainsi procure un cadre pour l’action.

D’abord, les individus sélectionnent les informations perçues puis ils les interprètent en fonction de critères communs. Ils émettent un jugement en fonction d’une rationalité partagée avec autrui. Chacun dispose d’un système de référence qui permet de juger de la conformité de la façon de procéder. Ainsi, chaque individu est capable d’adapter sa manière de faire de façon à ce qu’elle soit raisonnable, c’est-à-dire conforme à ce qui est considéré normal par sa communauté.

De nombreux auteurs plaident pour que le sens commun soit réintégré dans le management des organisations. Par exemple MacDonald (1998) considère que le succès des entreprises qu’il

nomme « évolutives » tient plus à un état d’esprit qu’à des méthodes. Pour lui, il faut ré-infuser le bon sens dans les entreprises. Il avance que le sens commun est un système de valeur qui dépend de la culture et des valeurs partagées. Or ce système est particulièrement malmené lors de la mise en œuvre de projets de changement. Si l’auteur accepte d’un point de vue théorique que les entreprises doivent constamment s’adapter, il dénonce la mise en œuvre de projets de changement radicaux qui se succèdent souvent sans qu’il y ait de lien entre eux, et qui sont présentés comme des solutions globales. Les entreprises « évolutives » sont selon MacDonald celles qui mènent à bien les changements nécessaires au moyen d’un management de sens commun.

« Their fundamental values are based on common sense rather than the worship of the false gods » (MacDonald, 1998 : 25).

Nous constatons que le sens et la nécessité de faire sens sont primordiaux pour la vie organisationnelle. C’est un processus qui repose sur une logique humaine intégrant des croyances et des sentiments, plutôt qu’une mécanique.

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