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Une extrême diversité de coopanamiens

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 155-167)

Chapitre 1. Coopaname

E. Une extrême diversité de coopanamiens

Nous avons suivi le parcours de plusieurs coopérateurs exerçant des métiers variés et ayant également des statuts différents au sein de l’entreprise. Afin de saisir puis de comprendre toutes les implications de cette diversité, nous nous sommes attachés à examiner deux particularités fondamentales des coopanamiens qui sont d’une part le type de travail effectué, et d’autre part la notion de statut. Coopaname est composées de porteurs de projets ainsi que de personnes chargées des fonctions support. Compte tenu des spécificités de cette organisation, il ne nous parait pas pertinent d’utiliser le terme « poste de travail » qui ne correspond pas avec la réalité quotidienne des coopérateurs, mais « type de travail ». En outre, les coopanamiens peuvent

endosser successivement à leur rythme quatre types de statut : le coopérateur est ou non salarié, il peut être sociétaire et est parfois élu mandataire social.

Nous avons compris lors de notre immersion que les porteurs de projet exercent des métiers très divers, mais nous en découvrons de nouveaux chaque jour. Certains sont assez « classiques

» mais d’autres nous paraissent très originaux. Il est impossible de lister ici tous les métiers exercés dans l’entreprise, mais nous allons en citer quelques-uns afin de procurer un aperçu de leur variété.

Il y a des coaches, des consultants en gestion de carrière, des spécialistes en accompagnement du changement, des consultants en stratégie auprès des PME, des journalistes, des photographes, des graphistes ou des enseignants. Plusieurs coopanamiens sont formateurs dans divers secteurs d’activité. D’autres ES développent une activité de créateur de mode ou de bijoux, de décorateur, proposent des ateliers de langues, de cartonnage ou de cuisine. Nombreux sont les coopanamiens qui ont des métiers liés au web ou à l’édition comme correcteur, écrivain ou biographe. Il y a également des nutritionnistes, des sophrologues, des psychologues, et même un philosophe-magicien et une promeneuse de chats.

Des entrepreneurs s’adressent à une clientèle d’entreprises privées ou publiques, d’autres qui ont une clientèle de particuliers. Parfois les ES commercialisent des offres différentes aux deux types de clientèle, et sont de ce fait dans l’obligation de développer des supports de communication, des tarifs et des stratégies de prospection différentes. Certains coopérateurs ont une activité à Coopaname et une autre également chez Coopératifs ! (CAE sœur dédiée aux entrepreneurs qui proposent du service à la personne, ce qui nécessite d’avoir un agrément

spécifique). C’est le cas des jardiniers ou des informaticiens par exemple, selon qu’ils facturent des particuliers ou des entreprises.

Ce constat nous a rapidement amenés à nous interroger sur les raisons qui rassemblent ces personnes à Coopaname. Elles paraissent n’avoir rien en commun, et pourtant elles se rencontrent, s’associent, et semblent si satisfaites de le faire qu’elles décident de rester au sein de la coopérative même alors que leur niveau d’activité leur permettrait d’exercer leur métier en créant leur propre entreprise. Aussi, nous avons entrepris de rassembler des données variées de façon à pouvoir plus tard disposer de suffisamment d’information afin de procéder plus tard à l’analyse.

Nous avons mené en parallèle deux types de collecte. D’une part, nous avons fait connaissance d’entrepreneurs lors d’ateliers ou de réunions. Après une ou plusieurs rencontres, nous leur avons ensuite proposé de réaliser des entretiens semi-directifs qui se sont déroulés soit chez les coopanamiens eux-mêmes, soit dans des cafés. Toutes nos demandes ont reçu un accueil favorable, même si la prise de contact avait eu lieu plusieurs mois avant notre demande d’entretien. D’autre part, nous avons exploré le web, notamment les sites tenus par ces personnes. Notre accès au système d’information de Coopaname nous a également permis d’étoffer notre collecte car nous avons pu ainsi suivre leur activité pendant plusieurs mois. Nous avons noté les groupes auxquels ils participaient, leurs annonces, leurs réactions aux propos des autres coopanamiens. Comme il n’y a pas de lieu commun d’exercice, le site de l’entreprise est effectivement riche d’informations.

a. Des statuts différents

Coopaname est une coopérative qui a pris la forme juridique d’une Société Anonyme. Les salariés de l’entreprise en sont également les sociétaires. Le tableau ci-après (Tableau 2) permet de constater qu’il existe trois catégories de coopérateurs occupant des fonctions support (FS1 FS2 FS3), et quatre catégories de porteurs de projets (PP0 PP1 PP2 PP3) que nous allons maintenant présenter.

Tableau 2 - Statuts des coopérateurs

Non salarié Salarié Sociétaire

Mandataire Social Fonction

support FS1 FS2 FS3

Porteur de

projet PP0 PP1 PP2 PP3

La fonction support

Nous avons identifié trois catégories d’individus chargés des fonctions support qui sont prises en charge par 26 personnes en 2012, ce qui représente à peine plus de 6% des salariés de l’entreprise. Toute personne en charge d’une fonction support est titulaire d’un contrat salarié,

qui peut consister en un stage ou un contrat à durée indéterminée, à temps plein ou partiel. Il n’y a aucun non-salarié dans cette catégorie.

En conséquence, FS1 concerne les chargés d’accompagnement, les responsables d’établissement, ainsi que tous ceux qui œuvrent pour les fonctions mutualisées de l’entreprise, telles que l’accueil, la comptabilité, la paye etc. A Coopaname, ces personnes sont appelées « salariés permanents » (SP).

FS2 est la catégorie qui regroupe parmi les salariés permanents (SP) ceux qui sont sociétaires de l’entreprise. Ceux-ci sont proportionnellement très majoritaires car plus de 50% d’entre eux sont sociétaires. Ils siègent à l’assemblée générale où ils ont le droit de vote, et peuvent se présenter à l’élection des membres du conseil d’administration dont ils représentent d’ailleurs environ la moitié de l’effectif. Ils abondent mensuellement 3% de leur salaire aux fonds propres de l’entreprise dont le capital social est variable, conformément aux règles juridiques régissant les coopératives.

FS3 est la catégorie la moins nombreuse puisqu’il s’agit des salariés permanents mandataires sociaux. Ces personnes sont élues par et parmi tous les membres du conseil d’administration pour occuper un mandat social, Coopaname étant une société anonyme à conseil d’administration. Si la présidence est laissée à un ES, elle est assistée par deux directeurs généraux, qui sont eux des salariés permanents. A l’issue de leur mandat, fin 2014, ces derniers ont été remplacés par une équipe de trois directeurs généraux, tous trois également SP.

Les porteurs de projet

Nous proposons de distinguer quatre catégories de porteurs de projet au regard de leur statut.

Nous appelons PP0 les porteurs de projets non-salariés. Ils représentent une part variable selon les années, avec une tendance générale en forte hausse, de l’ordre de 30% d’augmentation annuelle en nombre de personnes. Cette catégorie varie de la façon suivante : elle augmente en fonction des entrées de porteurs de projets, et diminue lorsque ceux-ci soit se salarient, soit quittent l’entreprise.

A notre arrivée, 30% des coopanamiens sont non-salariés. Cette catégorie progresse fortement.

Elle représente 40% des coopérateurs l’année suivante, puis continue d’augmenter massivement. Cela entraîne des problèmes structurels car ces personnes bénéficient gratuitement d’un accompagnement à la demande ainsi que de formations « à volonté », or elles n’ont que très peu voire aucune activité. Elles ne peuvent donc participer financièrement aux frais de la structure, « au pot commun ». En effet cette participation est proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé (10%). Les porteurs de projet « coûtent » donc en termes d’accompagnement, et ne « rapportent » rien.

Il arrive en effet peu fréquemment qu’un porteur de projet ait déjà une activité à son entrée dans l’entreprise. La majorité des nouveaux entrants signe une « convention d’accompagnement », qui est un contrat que les CAE ont négocié avec les pouvoirs publics. Les indemnités chômage perçues éventuellement ne sont pas suspendues. Le porteur de projet est accompagné tout au long de sa réflexion ainsi que de la mise en œuvre de son activité. Cependant, il n’est pas salarié tant qu’il ne parvient pas à facturer une somme suffisante qui lui permet de se verser un salaire régulier. Certains ont toutefois déjà un courant d’affaires à leur entrée, qu’il s’agisse d’un gros contrat ponctuel ou de clients existants. Dans ce cas, ils ne resteront pas longtemps sous convention d’accompagnement, mais tous passent obligatoirement par ce statut.

La forte augmentation des personnes accompagnées (catégorie PP0) chaque année s’explique car Coopaname accueille de plus en plus de porteurs de projets. Cette catégorie PP0 est encore plus importante car ceux-ci passent plusieurs mois sous convention d’accompagnement. Le graphique ci-dessous (figure 5), extrait des documents internes de l’entreprise, illustre ce phénomène. Il montre également la stagnation voire la baisse des subventions accordées à l’entreprise afin de financer l’accompagnement. Le chiffre d’affaires moyen réalisé par individu ne progresse pas compte tenu du fait que le CA total, qui progresse pourtant globalement, est mécaniquement divisé entre plus de coopanamiens.

Figure 5 - Evolution des ratios à Coopaname (2007-2014)

L’entrepreneur-salarié (ES), que nous plaçons dans la catégorie PP1, est le terme utilisé en interne pour qualifier le porteur de projet qui se verse un salaire. Tous les ES ont un contrat de travail à durée indéterminée. PP1 est la catégorie la plus nombreuse, avec près de 94% des salariés de l’entreprise, et près de 70% des coopanamiens totaux en 2012. Compte tenu de la forte augmentation du nombre de nouveaux entrants, non-salariés, la part des ES diminue cependant chaque année légèrement.

À Coopaname, l’opportunité de se salarier est toujours discutée par le porteur de projet et son chargé d’accompagnement afin de définir le montant d’un salaire régulier, appelé « lissé ».

Toutefois celui-ci démarre souvent très bas, de l’ordre d’une centaine d’euros. Les ES supportent en effet à la fois les charges patronales et les charges salariales, en plus de tous les frais entraînés par leur activité. Ils doivent également participer à hauteur de 10% de leur chiffre d’affaires aux frais de la structure qui prend en charge toutes les fonctions support. Le salaire brut mensuel moyen se situe aux environs de 900€, tandis que la moyenne des 10 rémunérations mensuelles les plus élevées s’élève à 3900€ (Source : Coopaname – Bilan social 2012-2013).

Cependant l’établissement de statistiques ne permet pas d’éclairer cette situation en raison de la diversité des activités, de leur ancienneté, et du temps consacré au projet par les entrepreneurs. Il y a de nombreuses personnes à temps partiel, que ce soit des ES ou des SP.

Certains porteurs de projet n’ont que leur activité à Coopaname tandis que d’autres la cumulent avec un ou plusieurs emplois dans d’autres entreprises.

La catégorie PP2 concerne les porteurs de projet salariés qui ont souscrit des parts sociales. Plus de 80% des sociétaires sont des ES. Cette catégorie représente 27% des ES en 2012, 31% en 2013 et 35% en 2014. Une campagne de sensibilisation et d’incitation est menée à bien durant

notre étude. Même si le sociétariat demeure facultatif, nombreux sont les coopanamiens qui souhaitent soutenir le projet de l’entreprise. Le nombre de parts souscrites en moyenne est supérieur à 70, et il progresse régulièrement.

Être sociétaire nécessite d’être dans l’entreprise depuis deux ans, et d’écrire une lettre exposant les raisons pour lesquelles le coopérateur désire souscrire des parts sociales. Celle-ci est lue en assemblée générale puis les sociétaires votent afin de décider s’ils acceptent le candidat. Si personne n’a jamais été refusé, il est arrivé que certaines candidatures aient été discutées entre les sociétaires.

Le sociétaire peut présenter sa candidature au conseil d’administration, participer à des instances de gouvernance comme des commissions, et bien sûr voter les décisions prises en AG. Cela implique également, comme pour les FS2, de participer financièrement en versant 3% de son salaire mensuel aux fonds propres de l’entreprise. Chaque sociétaire ayant souscrit au minimum une part sociale a un droit de vote à l'assemblée générale de l'entreprise, les Scop appliquant la règle une personne = une voix.

Enfin, la catégorie PP3 concerne les porteurs de projet salariés et sociétaires qui siègent au conseil d’administration. Ils arbitrent les décisions de gestion courante et élisent les mandataires sociaux qui sont des membres du conseil. Celui-ci est composé de 8 à 12 personnes élues pour trois ans (avec un mandat renouvelable une fois) par l’assemblée générale des associés de la coopérative. Il se compose d’ES et aussi de SP qui se réunissent au moins une fois par mois.

Coopaname avait une présidente ES lors de notre étude, qui, au terme de son mandat, a été remplacée par deux personnes, également ES. La présidence est donc désormais assumée par un tandem.

b. Une multitude de collectifs

Une typologie des collectifs à Coopaname sera formalisée par les coopérateurs eux-mêmes vers la fin de notre enquête. Toutefois, nous avons pu, dès les premiers moments de notre présence, identifier trois catégories de collectifs que nous allons brièvement décrire. Cette distinction a été facilitée par notre accès au système d’information de l’entreprise, l’extranet.

La première catégorie est constituée des collectifs « ressources » (documents internes) qui sont des collectifs d’entraide créés par des coopanamiens. Par exemple, Codéveloppement et Copi ont pour objectif d’aider le développement des activités par l’apprentissage coopératif, tandis que Réponse aux appels d’offres réfléchit aux modalités d’institutionnalisation du collectif afin que les entrepreneurs puissent se regrouper pour répondre à des appels d’offres.

La seconde catégorie employée par l’entreprise est celle des collectifs économiques dit « de marque » (documents internes), créés par des entrepreneurs qui travaillent ensemble, ponctuellement ou régulièrement. Que Tal Paris ? est par exemple un magazine mensuel destiné aux latinos de Paris pour lequel travaillent plusieurs entrepreneurs. Topela est la marque de deux entrepreneuses résidant pour l’une en Belgique et l’autre dans le sud de la France. Elle est spécialisée dans le conseil aux associations du secteurs sanitaire et social. Les éco actions est une marque qui associe deux entrepreneuses qui se sont rencontrées à Coopaname et ont décidé de développer une activité commune en plus de la leur propre. L’une étant couturière, et l’autre spécialisée dans la fabrication d’objets à base de carton, elles produisent et commercialisent une gamme d’objets confectionnés à partir de matières recyclées.

Enfin, la troisième catégorie de collectifs retenue dans la typologie de l’entreprise est les collectifs « métiers » (documents internes) qui ont plusieurs objectifs, comme la mutualisation,

la recherche de solidarités, l’échange de savoirs et de pratiques. On y trouve par exemple les collectifs Métiers de l’écrit, Traducteurs, Décorateurs. Certains groupes sont hybrides car certains des participants peuvent s’unir et constituer une marque, voire plusieurs, alors que d’autres participants ne s’y associent pas. Par exemple il existe à la fois le Collectif des photographes et Studioscop, comme Assistantes et secrétaires et La compagnie des Télémates qui proposent du télé-secrétariat.

Afin de structurer notre analyse, nous avons choisis d’adopter une catégorisation des collectifs différente de celle proposée par l’entreprise. En effet, si la classification que nous venons de passer en revue permet de communiquer sur l’organisation de l’entreprise, elle n’est pas totalement adaptée avec notre étude. Notre classification a été établie selon deux axes, les collectifs pouvant être ouverts ou fermés, mixtes ou homogènes. Le premier critère retenu concerne donc l’accès, tandis que le second dépend des participants eux-mêmes.

Certains collectifs sont « ouverts » à tous ceux qui le souhaitent tandis que l’accès à d’autres collectifs est conditionnel. Si tous peuvent assister aux réunions, lire les comptes rendus et participer sur les forums dédiés, alors il s’agit d’un groupe « ouvert ». Par contre, « fermé » signifie que les coopérateurs ne peuvent y participer ou même s’informer sur les travaux que sous certaines conditions. Ainsi, le critère d’accessibilité permet de différencier les groupes selon qu’ils sont ouverts ou fermés.

Afin d’établir notre typologie des collectifs, nous avons également vérifié si une caractéristique commune des participants qui les fréquentaient pouvait être retenue ou non. Parfois, il est nécessaire d’obtenir une autorisation, et dans d’autres cas, l’accès est conditionné à certains critères. Certains collectifs ne sont en effet fréquentés par exemple que par des

entrepreneurs-salariés ou seulement par des entrepreneurs-salariés-permanents. D’autres encore ne sont composés que par des sociétaires voire par des mandataires sociaux élus. Nous proposons de les qualifier d’«

homogènes ». Si en revanche, tous les coopanamiens sans exception peuvent participer à un collectif, alors nous le qualifions de « mixte ». En croisant ces critères, l’un faisant référence au type d’accès (ouvert / fermé), l’autre à la sélection des participants selon un critère commun (mixte / homogène), nous obtenons quatre types de collectifs synthétisés par le schéma ci-après (figure 6).

Figure 6 - Typologie des collectifs

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