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MITOCHONDRIALE : ETUDE IN VITRO, RESULTATS PRELIMINAIRES

VI. E.2 SENESCENCE ET FISSION

Dans notre étude, nous observons une fission mitochondriale au cours de la sénescence dans le myocarde de rats âgés, comme de souris âgées. Nous confirmons ainsi que la sénescence s’accompagne d’un basculement de la dynamique mitochondriale vers la fission. Nos résultats montrent également pour la première fois que la surexpression de la MAO-A s’accompagne d’une fission mitochondriale. En effet, dans notre modèle de souris surexprimant la MAO-A dans les cardiomyocytes adultes, nous observons une importante fission mitochondriale qui est réversée par l’administration chronique de clorgyline, inhibiteur sélectif de la MAO-A. De plus, les souris KO pour le gène de la MAO-A au cours de la sénescence, ne font pas spontanément de fission mitochondriale comme nous le montrons par deux approches différentes (étude ultrastructurale et PCR en temps réel). Ces constatations permettent d’émettre l’hypothèse qu’il existe un lien entre la MAO-A et la fission, mais le mécanisme d’action de la MAO-A dans la fission reste inconnu.

La MAO-A produit de l’H2O2 au cours de la déamination oxydative des amines

biogènes. Dans notre étude, le rat âgé, la souris âgée comme la souris transgénique accumulent des dommages oxydatifs. Il n’a jamais été mis en évidence, en condition physiologique, dans le cardiomyocyte adulte de lien entre H2O2 et la fission mitochondriale.

Néanmoins, dans d’autres types cellulaires, ce lien existe. Il a été montré que l’administration chronique d’ H2O2 sur des cultures de cellules SH-SY5Y (cellules de

neuroblastome) induisait la fission. Tandis que l’irradiation de cellules COS-7 (fibroblastes transformés de rein de singe) induisait une fission mitochondriale réversée par l’administration d’un antioxydant [481, 482]. Cette hypothèse reste pourtant à pondérer. En effet, in vitro, l’administration d’H2O2 sur des cardiomyocytes adultes n’induit pas de fission

à J1. Une autre hypothèse serait un lien entre les aldéhydes produits par la MAO-A ou un effet direct de la MAO-A sur les protéines de fission.

Dans notre étude, nous observons une augmentation de l’expression de Drp-1, ce qui montre que la fission résulte d’un mécanisme d’induction de l’expression des protéines impliquées dans la fission et non d’une répression des protéines de la fusion. Dans la littérature, les modifications morphologiques mitochondriales semblent plutôt en rapport avec des variations de l’expression des protéines de la fusion, et plus particulièrement OPA- 1 qui semble induite ou réprimée [129, 483].

Dans la première partie de ce travail, nous avons montré que la surexpression de MAO-A était associée à l’IC. Cette IC s’accompagne de petites mitochondries et d’une

augmentation de Drp1. Or dans la littérature, des modifications de la structure et de la dynamique des mitochondries ont été rapportées dans les pathologies cardiaques et l’IC suggérant un rôle dans la pathogenèse des cardiopathies. Dans l’IC, l’hibernation myocardique ou encore dans certaines pathologies congénitales cardiaques, on note une augmentation du nombre de petites mitochondries avec une diminution de la densité de leur matrice [129, 484-487]. Ces mêmes anomalies morphologiques sont également décrites dans les biopsies musculaires des patients souffrant de mitochondriopathies ou dans des modèles de cardiopathies dilatées. Néanmoins, il existe d’autres conditions pathologiques qui s’accompagnent de fusion comme la constriction aortique ou encore certains modèles d’hypoxie.

On connaît peu de choses sur la séquence de la fission dans l’IC. La mécanistique est souvent abordée dans la littérature par la culture de cardiomyocytes nouveau-nés de rats qui, comme nous l’avons déjà exposé, ne présentent pas la même dynamique mitochondriale que celle du cardiomyocyte adulte. En effet, au cours de la différenciation du cardiomyocyte, l’augmentation de la demande en énergie s’accompagne d’une modification de la morphologie mitochondriale avec une réduction de l’expression de Drp1 et une augmentation de celle de Mfn2 [488]. Dans ce modèle, en présence de conditions riches en glucose, l’inhibition de la fission prévient la production de ROS, l’ouverture du pore de transition et la mort cellulaire [489]. Néanmoins, la relevance dans le cardiomyocyte adulte est inconnue. Il a, par contre, été démontré que dans le cardiomyocyte adulte, l’augmentation de la concentration cytosolique de calcium, condition fréquente dans l’IC, entraîne la fission mitochondriale via Drp1 et la production de ROS [486]. Il est important de noter que dans notre modèle de souris transgéniques qui correspond à un modèle de stress oxydant chronique, la fission précède l’IC et apparaît dès le stade d’hypertrophie.

Dans ce modèle, il existe également précocement une mort des cardiomyocytes et il n’est pas exclu que la fission observée soit en rapport avec la mort cellulaire. En effet, en réponse à un stimulus apoptotique, les mitochondries sont capables de se fragmenter par un mécanisme de fission. En condition physiologique, il semble que 20% des protéines Drp1 soient spontanément localisées à la mitochondrie. En présence de la protéine Bax, de grandes quantités de Drp1 transloqueraient à la mitochondrie. L’inhibition de l’apoptose par le facteur antiapoptotique BCL-xL préviendrait la mort cellulaire, mais pas la fission mitochondriale [490]. Dans le cardiomyocyte le rôle de la fission dans la mort cellulaire a, encore une fois, été abordé sur culture primaire de cardiomyocytes nouveau-nés de rats. Le céramide induirait la fragmentation mitochondriale, augmenterait le niveau de Drp1 et Fis1 ainsi que la colocalisation de ces deux protéines et entraînerait la mort par apoptose.

L’inhibition de Mfn2 augmenterait la fragmentation des mitochondries, la dépolarisation des membranes et le relargage du cytochrome c [489]. Néanmoins, dans notre modèle de souris transgéniques, nous n’avons pas mis en évidence de mort par apoptose, mais par nécrose. Il n’a jamais été mis en évidence de lien entre nécrose et fission mitochondriale. Nous ne savons donc pas si la fission a pu induire la nécrose ou si elle est présente sans entraîner la mort cellulaire. Dans ce cas la fission serait un mécanisme adaptatif, au moins au stade d’hypertrophie.

Notre travail reste préliminaire. Afin d’attester d’un lien entre la MAO-A et la fission en dehors de l’IC, il serait intéressant de traiter de façon chronique les rats avec un inhibiteur de la MAO-A. Ainsi, il serait possible de rechercher si la fission que nous avons observée chez le rat âgé est induite par la MAO-A ou si elle est purement liée à la sénescence. Il serait également intéressant de traiter les rats avec un antioxydant afin de rechercher un lien entre ROS et fission et de compléter ces observations par l’étude de l’autophagie. En effet, comme nous l’avons précédemment développé, il semble exister un lien entre fission et autophagie. Or, l’autophagie est négativement régulée par les dommages oxydatifs. Dans la sénescence, il existe une augmentation de la production des ROS et un déclin de l’activité du système lysosomal/autophagie en partie lié aux ROS, il n’est donc pas exclu que l’accumulation des mitochondries de petite taille au cours du vieillissement soit liée au dysfonctionnement de l’autophagie [491, 492].

VI.F CONCLUSION

Notre étude a montré que l’augmentation de la MAO-A dans le cœur au cours de la sénescence pouvait participer au remodelage. Nous avons mis en évidence une augmentation de la protéine p21 et p53 dans les souris surexprimant la MAO-A. Malheureusement, l’augmentation de ces deux protéines est également présente chez les souris KO MAO-A, ce qui tendrait à montrer que leur augmentation est plutôt médiée par un mécanisme autre que la MAO-A, comme le stress oxydant.

En parallèle nous avons mis en évidence l’existence d’une fission mitochondriale médiée par Drp1 dans le cardiomyocyte au cours de la sénescence physiologique. Pour la première fois, nous avons montré que ce phénomène est précoce, parallèle à l’hypertrophie des cardiomyocytes et indépendant de l’apparition d’une IC. Nous avons montré un lien possible entre la fission mitochondriale et la MAO-A. L’absence de fission chez les souris KO-MAO-A permet d’appuyer l’hypothèse de ce lien entre fission et MAO-A. Cette dernière est située sur la membrane externe de la mitochondrie, lieu d’action de Drp1. Une interaction directe entre ces deux protéines n’est pas exclue.

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