• Aucun résultat trouvé

L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

I. A.6.b.iv La mort cellulaire

Le cardiomyocyte est une cellule à différentiation terminale. Si dans un myocarde les cardiomyocytes semblent d’âges différents, leur renouvellement est faible et les modalités de ce renouvellement sont controversées. Chez l’humain, il n’est pas constant et son taux diminue avec l’âge. Grâce au 14C intégré dans l’ADN humain au cours d’essais nucléaires

pendant la guerre froide, on sait que 50% des cardiomyocytes se renouvellent au cours de la vie et que le taux de renouvellement est de 1% par an à l’âge de 25 ans et n’est plus que de 0,45% à 75 ans [151]. La mort des cardiomyocytes est un évènement crucial qui peut compromettre l’homéostasie myocardique et serait un facteur clef de la transition entre pathologie cardiaque et IC [152]. Dans l’IC, on observe une diminution du nombre de cardiomyocytes dont la mort résulterait de mécanismes apoptotiques, autophagiques et nécrotiques.

Dans l’IC, la mort par apoptose des cardiomyocytes est un phénomène précoce qui apparaît dès le stade d’hypertrophie. Mais le nombre de cellules apoptotiques reste très faible (0,08% à 0,25% dans l’IC contre 0,001 à 0,002% dans le cœur normal) et ce n’est qu’au stade d’IC terminale qu’il devient élevé (232 fois) [153]. Il est intéressant de noter que de nombreuses voies de signalisation activées par l’élongation du cardiomyocyte sont également impliquées dans l’apoptose. C’est le cas, par exemple, d’Akt ou de la stimulation adrénergique [154-157].

L’autophagie correspond à la dégradation et au recyclage des composants cytoplasmiques comme les protéines ou les organelles. Elle implique la séquestration de ces éléments dans les autophagosomes et leur dégradation par le lysosome. L’autophagie est considérée comme un mécanisme de survie [158-164]. Des altérations de l’autophagie peuvent être observées dans les cardiomyocytes en mort cellulaire [162, 165, 166] et l’accumulation des protéines polyubiquitinées serait responsable d’un stress du réticulum et d’apoptose [167]. In vitro, sur des cellules H9C2, il a été montré que la mort induite par H2O2 pouvait être prévenue par l’inhibition de l’autophagie [168].

La mort par nécrose, longtemps considérée comme appartenant essentiellement aux phénomènes aigus, connaît un regain d’intérêt. En effet, chez les patients insuffisants

cardiaques, même stables cliniquement, la détection sérique de la troponine cardiaque, relarguée par le cardiomyocyte au cours de la nécrose, serait associée à un risque plus élevé de décès, même à faible concentration [169]. La mort par nécrose programmée impliquerait le relargage du calcium par le réticulum sarcoplasmique au niveau de la mitochondrie. Ce relargage entraînerait l’ouverture du pore de transition mitochondriale indépendamment de Bax et Bak et la libération de cytochrome c. Les modèles animaux transgéniques confirment l’implication de la nécrose dans le mécanisme de mort médiée par le réticulum, grâce à la détection de la fraction C9 du complément, considérée comme un marqueur spécifique de la nécrose [170].

Il reste encore à déterminer la contribution de chaque type de mort cellulaire dans la transition vers l’IC.

I.A.6.b.v Les modifications de la matrice extracellulaire

Dans le cœur normal, la matrice extracellulaire (MEC) joue un rôle crucial dans le maintien de la forme, de la taille et de la fonction du ventricule [171]. Elle est riche en fibres de collagène (type I et III) et en fibres élastiques. Des modifications mêmes mineures du collagène ont des répercussions mécaniques majeures [172].

Au cours de l’IC, la fibrose interstitielle va gêner le fonctionnement du cardiomyocyte en entraînant une interruption des fibres et du couplage de la contraction- excitation entre les cardiomyocytes [78, 173]. Elle est responsable d’une perte de compliance myocardique, de l’augmentation du stress mécanique au niveau de la paroi ventriculaire et d’une diminution de la relaxation. Néanmoins, il a été montré qu’il n’existait pas de bénéfice à la dégradation du collagène de la MEC lors de l’IC et qu’au contraire, cette dégradation exacerbait la dysfonction ventriculaire [171]. Cette observation renforce l’idée que le dépôt de collagène seul n’est pas un élément déterminant. La composition du collagène, l’orientation des fibres et leurs liaisons (« cross-linking ») seraient, en fait, les éléments prépondérants. Le collagène de type I est constitué de fibres volumineuses avec de nombreuses liaisons, il est plus rigide que le collagène III (dont les fibres sont fines, avec peu ou pas de liaison) [174]. Dans le cœur normal, ces deux types fibres de collagène sont en proportion globalement identiques. L’augmentation de pression entraîne au stade d’hypertrophie compensatrice, une diminution du rapport I/III du collagène (avec une augmentation du collagène de type III et une diminution du type I). Au cours de la progression vers l’IC, le collagène de type III est remplacé par le type I [175]. Cette augmentation du ratio I/III du collagène est observée dans de nombreux modèles animaux

d’IC, mais aussi chez l’humain [176-180]. De plus, il existe des modifications spatiales du collagène avec notamment une diminution et une fragmentation des structures permettant la jonction collagène/cardiomyocyte [181-184].

I.A.7

MÉCANISMES RESPONSABLES DE

L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

Au cours de l’IC, le stress mécanique, la stimulation neurohormonale et la libération de cytokines pro-inflammatoires seraient à l’origine d’une augmentation des radicaux libres oxygénés (ROS) intracellulaires dès le stade d’hypertrophie adaptative [185]. Ces ROS sont de sources multiples : mitochondrie, xanthine oxydase, NADPH oxydase, nitrique oxyde synthase, MAO [186]. Ils sont de puissants messagers intracellulaires qui sont capables d’agir en fonction de leur concentration sur la différenciation, la prolifération, l’hypertrophie ou la mort cellulaire. Ces notions seront développées dans le chapitre suivant.

Dans l’IC, le stress oxydant chronique entraîne des dommages oxydatifs qui participent au déclin de la fonction cardiaque et dans les modèles animaux, le traitement par antioxydant présente un bénéfice indéniable [187-189]. Pourtant, chez l’humain, les études cliniques sont relativement décevantes et quelques méta-analyses montrent même un effet délétère de certains antioxydants [190]. Ces constatations ne remettent pas en cause le rôle clef du stress oxydant dans l’IC, mais soulignent l’importance de cerner les sources de ROS et de mieux cibler leur mode d’action.

I.A.8

CONCLUSION

L’IC est la résultante d’un déséquilibre entre la demande de l’organisme et les capacités de la pompe cardiaque. Quelle qu’en soit sa cause, elle s’accompagne d’un remodelage d’abord adaptatif, mais qui, à terme, contribue à la défaillance myocardique. La meilleure appréhension des mécanismes à l’origine de ce remodelage permettrait de mieux comprendre les événements à l’origine de la transition hypertrophie/IC.

Les ROS sont présents dès les phases précoces de l’IC. À l’origine de dommages oxydatifs qui s’accumulent au cours de l’évolution de l’IC, ils sont certainement par leur action cellulaire et tissulaire un acteur clef du remodelage et de la défaillance cardiaque.

Documents relatifs