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3. Enseignement et PE

3.1 Secteur universitaire

Daems et al. (2015) se sont penché·e·s sur la question de l’influence des types d’erreurs produites par la TA sur les indicateurs d’effort de post-édition. L’expérience a été conduite auprès d’étudiant·e·s en dernière année de master dont la langue maternelle était le néerlandais. Elle consistait à post-éditer des textes à l’aide d’un logiciel similaire à un outil de TAO. Les erreurs présentes dans ce corpus qui provenaient de la TA étaient réparties de la manière suivante (voir Figure 16) :

Figure 16 : Regroupement et nombre des types d'erreurs du corpus de TA (Daems et al., 2015, p. 7)

34 Nous observons que les catégories grammar and syntax et adequacy contiennent le plus grand nombre d’erreurs, ce qui rejoint les résultats que nous avons obtenus pour notre propre expérience (voir section 5.4.2). Daems et al. ont observé que les erreurs ayant trait à la grammaire et à l’ordre des mots étaient facilement repérées et corrigées, car les participant·e·s effectuaient un temps de pause plus court pour celles-ci. L’effort de post-édition semble donc moins important pour ces types d’erreurs que pour celles qui concernent la cohérence par exemple. Ces dernières demandent un plus gros effort de post-édition, car le post-éditeur ou la post-éditrice doit comprendre la logique sémantique du texte et effectuer les changements en conséquence ; l’effort cognitif pour ce processus est donc plus élevé. Si cette étude n’avait pas comme objectif premier d’utiliser ces résultats à des fins d’enseignement, il est tout de même intéressant d’observer que l’effort de post-édition varie en fonction des types d’erreurs, ce qui pourrait être pris en compte lors de l’élaboration d’un cours de post-édition. En effet, ces résultats permettront de mettre en garde les étudiant·e·s contre les types d’erreurs plus subtiles à repérer et à corriger.

Saint-André (2015) s’est intéressée aux compétences que les éditeurs et post-éditrices doivent posséder et si elles sont enseignées lors des cursus universitaires des étudiant·e·s. Des professionnel·le·s ont jugé que les compétences les plus utiles pour leur travail de post-édition étaient les suivantes (2015, p. 105) :

• « code • maîtrise de LC

• décider rapidement • repérer quoi modifier »

• repérer les différences

Sachant cela, ces professionnel·le·s ont été amené·e·s à déterminer quelles compétences ont été acquises lors de leur formation. Ils et elles en ont mentionné six qui ont été faiblement acquises (Saint-André, 2015, p. 128) :

• « mandat changeant • gestion du temps

• communication • capacité des outils

• programmer des macros • spécialisation en P[E] »

Notons qu’elles ont toutes trait aux aspects professionnels ou à l’informatique.

35 Quant aux « catégories » de compétences les plus utiles, ils et elles ont mentionné les quatre suivantes (Saint-André, 2015, p. 119) :

• « compétences en rédaction • compétences en traduction

• aspects professionnels • compétences en correction »

Il ressort de l’expérience que les compétences en rédaction et en traduction sont les mieux assimilées. Quant aux compétences en correction et aux connaissances spécialisées, elles sont généralement acquises lors de la formation. Toutefois, les compétences en informatique et les aspects professionnels sont largement moins bien assimilés. Saint-André conclut qu’il serait judicieux d’intégrer ces compétences à la formation des traducteurs et traductrices, même si un cours dédié exclusivement à la post-édition devrait rester optionnel selon elle. Élle ajoute qu’un enseignement inspiré d’une formation continue serait également une bonne alternative, car celui-ci encouragerait les jeunes traducteurs et traductrices à développer leurs connaissances de manière autonome. Nous pouvons donc en déduire que, dans le cadre d’une intégration de la post-édition à l’enseignement de la traduction, les compétences en informatique et les aspects professionnels ne devront pas être négligés (gestion du temps, communication, etc.), afin de préparer les étudiant·e·s au mieux pour leur future carrière.

Tomaszkiewicz (2019) a conduit une expérience auprès d’étudiant·e·s qui étaient inscrit·e·s en maîtrise de traduction professionnelle et spécialisée à l’Université Adam Mickiewicz de Poznań et qui suivaient le cours de traduction automatique proposé. Les étudiant·e·s ont effectué une tâche de post-édition sur un texte spécialisé traduit par Google Translate, ainsi qu’une tâche de traduction humaine. Il est ressorti de cette expérience que les suggestions de TA peuvent parfois brider la créativité des jeunes traducteurs et traductrices qui ont alors tendance à se fier à la TA. Aussi la chercheuse propose-t-elle de sensibiliser les étudiant·e·s à la confiance aveugle accordée à la TA et d’adapter la formation en post-édition au niveau des participant·e·s. Cette opinion rejoint celles des enseignant·e·s que nous avons interrogé·e·s (voir section 5.3).

Yamada (2019) s’est intéressé à l’influence de la traduction neuronale de Google sur l’effort de post-édition des étudiant·e·s, selon le même modèle d’expérience effectué précédemment sur la traduction statistique (Yamada, 2014). Les étudiant·e·s ont fourni de meilleures post-éditions de la TAN que de la TAS, mais l’effort cognitif ainsi que l’effort

36 de post-édition sont restés inchangés. Ces deux éléments ont été mesurés selon la perception des étudiant·e·s. En outre, ces derniers et dernières ont déclaré avoir ressenti un effort de post-édition similaire pour la TAN et la TAS, alors qu’ils et elles ont effectué moins de corrections pour la TAN. Ce phénomène est dû aux types d’erreurs commises par les systèmes neuronaux, qui sont relativement semblables à celles commises par les traducteurs et traductrices humain·e·s (voir section 2.4.6). Puisque la post-édition de la TAN nécessite les mêmes compétences qu’une traduction humaine, il semble qu’une formation en traduction soit nécessaire pour que les étudiant·e·s puissent être efficaces dans leur tâche de post-édition.

O’Brien (2005) a proposé un module d’enseignement en post-édition qui se divise en deux parties. La première est d’ordre théorique et traite des sujets suivants : introduction à la post-édition, introduction à la traduction automatique, introduction au langage contrôlé, gestion avancée de la terminologie, linguistique des textes avancée et notions élémentaires de programmation. La seconde est d’ordre pratique et a pour objectif de permettre aux étudiant·e·s d’acquérir de l’expérience en post-édition. Ils et elles sont encouragé·e·s à s’entraîner sur différents types de textes, différents types de systèmes, et ce dans toutes leurs langues de travail. Ils et elles pourront également se familiariser avec des outils de gestion de terminologie, des systèmes d’édition contrôlée ainsi que des outils d’analyse de corpus. Én outre, O’Brien conseille de proposer ce module aux étudiant·e·s inscrit·e·s en master plutôt qu’en bachelor, ce qui rejoint l’opinion des enseignant·e·s que nous avons interrogé·e·s (voir section 5.3).

Doherty et Moorkens (2013), quant à eux, ont proposé un module de cours de technologies de la traduction comprenant des travaux pratiques qui traitaient notamment des outils de TAO, des mémoires de traduction, ainsi que de la pré- et post-édition. Ils insistent sur l’importance d’intégrer des sessions en salle informatique dans l’enseignement des technologies, car les étudiant·e·s jouent ainsi un rôle actif plutôt que passif, ce qui leur permet de consolider leurs acquis. Par ailleurs, ils ont remarqué que l’attitude des participant·e·s vis-à-vis de la TA a une influence sur l’apprentissage : plus les étudiant·e·s perçoivent la technologie comme un avantage pour leur future carrière, plus ils et elles seront motivé·e·s pour approfondir leurs connaissances en la matière. Si le cours en question n’est pas consacré à la post-édition, ces observations sont tout de

37 même applicables à notre cas et pourront être utiles lors de l’élaboration éventuelle d’un plan de cours.

Par ailleurs, de nombreuses universités proposent désormais des formations en post-édition, souvent dans le cadre de maîtrises en traduction et/ou en localisation.

Guerberof et Moorkens (2019) détaillent le module de post-édition proposé depuis 2009 à l’Universitat Autònoma de Barcelona. Les étudiant·e·s sont amené·e·s à se familiariser avec les outils de PÉ et à repérer les types d’erreurs fréquemment commises par la TA. Én outre, ils et elles sont sensibilisé·e·s aux notions de productivité et de qualité (voir section 2.4.5). Les chercheurs suggèrent que la pratique de la post-édition est plus adaptée aux étudiant·e·s ayant déjà de solides connaissances en traduction et en révision, ce qui rejoint l’opinion des enseignant·e·s que nous avons interrogé·e·s (voir section 5.3).

Rossi (2017) mentionne un module de PE intégré dans un cours de traduction automatique à l’Université de Grenoble. Ce module était dispensé à la fin du cours de TA par un traducteur ou une traductrice professionnel·le qui proposait aux étudiant·e·s de travailler sur un projet concret.

Jia, Carl et Wang (2019) indiquent qu’un master en traduction et interprétation a été mis en place en 2007 en Chine. La création de ce programme a été difficile, notamment en raison du manque de professeur·e·s compétent·e·s, si bien qu’aucun cours de post-édition n’est proposé à ce jour au sein de ce cursus. En effet, comme le mentionnait Gambier (2012), le choix des enseignant·e·s est primordial, car il déterminera la qualité des cours qui seront proposés et donc les compétences que les étudiant·e·s pourront acquérir en suivant le programme. Par ailleurs, Jia et al. ont conduit une expérience de traduction et de post-édition avec des étudiant·e·s de première année divisé·e·s en deux groupes. L’un devait fournir un premier jet de traduction d’un texte et le second le post-éditer, et vice-versa. Les chercheurs et chercheuses ont observé que la post-édition était généralement effectuée plus rapidement que la traduction, particulièrement pour les textes spécialisés.

En outre, les étudiant·e·s ont démontré une attitude plutôt positive face aux tâches de post-édition, malgré leur manque de pratique en la matière.

Par ailleurs, la FTI propose deux masters basés sur la technologie de la traduction : la MATT (Maîtrise en traduction et technologies) et la MATIM (Maîtrise en traitement informatique multilingue). Des cours de traduction automatique sont dispensés, dont un

38 qui traite de la post-édition en détail. Notons que la PE est actuellement enseignée sous forme de cours optionnel et qu’elle ne fait pas partie des cours communs obligatoires.

Néanmoins, dès le semestre de printemps 2020, les cours de « Traduction et révision » s’intituleront « Traduction, révision et post-édition ». À terme, la PE sera donc effectivement abordée lors des cours de traduction de toutes les combinaisons linguistiques.