Le secteur sud-est

La bathymétrie du sud du delta du Sierroz a permis l'identification d'un large dépôt de mouvement de masse (fig. 17). Il se caractérise par une surface chaotique se terminant par un lobe dans sa partie distale. Ce dépôt atteint une superficie d'environ

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0,95 km . Des cicatrices de glissement sont clairement identifiables dans la partie proximale du dépôt. Du gaz biogénique est observé dans la majeure partie de ce dépôt, limitant la pénétration du signal acoustique. Il est donc impossible d'identifier précisément de quel type de dépôt il s'agit. Or, sa géomorphologie s'apparente fortement à un dépôt de glissement rotationnel (Varnes, 1978), ce qui permet de l'associer à ce type de mouvement de masse. L'absence de gaz au niveau du lobe de sa partie distale indique un faciès chaotique caractéristique des coulées de masse (Prior et al., 1984; Mulder 8c Cochonat, 1996; Schnellmann et al., 2006). Ce lobe de coulée de masse est positionné au même niveau stratigraphique que les deux

principaux dépôts de coulées de masse situés au sud de la faille du Col du Chat et datant de la transition Holocène inférieur/Holocène moyen (voir section 5.4.3), ce qui indique qu'il est probablement du même âge.

Un horizon transparent à chaotique de quelques dm à près de 2 m d'épaisseur peut être identifiée dans le bassin sud du lac (Fig. 16b et c, 17b et Annexe B). Cet horizon est conforme avec la stratification des sédiments sus- et sous-jacent. Il est situé à 1,9 m au-dessus du lobe de coulée de masse du secteur sud-est et pourrait être le produit d'une perturbation sédimentaire survenue il y a 6316 ± 300 ans cal. BP (voir section 5.4.3). Un éventuel carottage serait toutefois nécessaire afin de préciser son âge. Cet horizon perturbé est davantage transparent vers le sud-est du lac. La présence de gaz dans les sédiments de ce secteur empêche de l'identifier sur l'ensemble des profils sismiques. Vers l'ouest et vers le nord, cet horizon perturbé devient plus chaotique. Ces caractéristiques suggèrent donc une perturbation en provenance du secteur sud- est. Dans les profils sismiques, cet horizon perturbé peut être suivi jusque dans le centre du bassin profond où sa géométrie en lentille et son faciès acoustique rappelle les dépôts de mégaturbidite identifiés dans les lac périalpins (Fig. 19b; Schnellmann et al., 2002; 2006; Fanetti et al., 2008). Cet horizon pourrait donc s'agir d'une mégaturbidite ayant affectée une grande superficie du lac ou de l'évolution d'une coulée en mégaturbidite, tel qu'observé au lac Como, en Italie (Fanetti et al., 2008). Un large mouvement de masse pourrait donc avoir affecté le secteur sud-est du lac du Bourget et avoir causé cet horizon perturbé. Dans la bathymétrie du secteur le seul mouvement de masse observable susceptible d'avoir occasionné cet horizon perturbé est le dépôt de glissement situé au sud du delta du Sierroz. Toutefois, le lobe de coulée de masse observé dans les profils sismiques est situé sous cet horizon perturbé. Ceci suggère donc que le dépôt de glissement observé au sud du delta du Sierroz pourrait correspondre à un dépôt polyphasé. Ainsi, le lobe de coulée de masse observé en sismique pourrait être recouvert par un second événement plus récent à l'origine de l'horizon perturbé, mais non identifiable en sismique en raison de la présence de gaz dans les sédiments. Dans ce cas, une première coulée de masse aurait d'abord affecté le secteur à la transition Holocène inférieur/Holocène moyen. Puis, il

y a 6316 ± 300 ans cal. BP, un second mouvement de masse (glissement?) aurait affecté ce même secteur et serait à l'origine de la formation de l'horizon perturbé.

Une forme .arquée s'apparentant à une forme d'origine glaciaire peut également être observée dans la bathymétrie du secteur sud-est (Fig. 17a). Son côté nord-est est convexe alors que son côté sud-ouest est concave. Cette caractéristique suggère qu'il pourrait s'agir d'un lambeau morainique mise en place lors du recul vers le sud du glacier de l'Isère. L'hypothèse d'un esker n'est pas éliminée.

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Figure 17. Bathymétrie multifaisceaux du secteur sud-est montrant un dépôt de coulée de masse/glissement rotationnel et une forme morainique (a); profil sismique montrant le dépôt de coulée de masse et une mégaturbidite (b).

5.4.5 Le delta du Sierroz

Le delta du Sierroz est caractérisé par la présence de nombreux lobes situés à sa base (Fig. 18). Ces lobes sont interprétés comme étant des lobes de coulées de masse ayant affecté le delta du Sierroz. Dans la partie nord du delta, certains lobes sont situés à la base de chenaux d'érosion. Des lobes de coulées de masse sont également observables le long de la pente est, au bas de la pointe de l'Ardre. Ces lobes s'observent à l'embouchure de canyons fortement incisés qui semblent canaliser ces coulées de masse. La plupart de ces lobes sont situés dans les sédiments à forte teneur en gaz, ce qui empêche de leur attribuer un âge. Toutefois, la partie distale de certains d'entre eux peut être identifiée dans les profils sismiques. Il apparaît que le delta du Sierroz a été et est toujours régulièrement affecté par des coulées de masse. Ces

coulées de masse pourraient être associées à l'effondrement et la remobilisation du front du delta du Sierroz (e.g., Strasser & Anselmetti, 2008). En effet, le delta du Sierroz possède les éléments principaux à l'origine de l'effondrement du front deltaïque soit : un haut taux de sédimentation qui augmente la surcharge et la pression interstitielle (Sultan et al., 2004) et la présence de gaz biogénique qui réduit la friction et la cohésion inter-particule (Coleman et Prior, 1988).

La bathymétrie du secteur permet également d'identifier un dépôt de mouvement de masse au sud de la pointe de l'Ardre. Sa morphologie ainsi que la présence de cicatrices le long de la pente abrupte de ce secteur suggèrent qu'il s'agit d'un dépôt de glissement translationnel ayant évolué en coulée de masse. L'âge de ce dépôt n'a pu être déterminé en raison de l'absence de profils sismiques dans ce secteur où les sédiments sont riches en gaz.

Le long de la pente du delta du Sierroz, l'apparence ondulée des sédiments suggère la présence de reptation (e.g., Syvitski et al., 1987). La forte teneur en gaz des sédiments et l'absence de profils sismiques dans ce secteur empêche toutefois de le confirmer.

Figure 18. Bathymétrie multifaisceaux du delta du Sierroz montrant une série de lobes de coulée de masse (lignes pointillées noires), un dépôt de mouvement masse (ligne blanche), de la reptation, des chenaux d'érosion et des ravins au pied de la Pointe de l'j\rdre.