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2. L’ANALYSE

2.1. Un exem ple

2.1.2. Seconde voie

Ces difficultés ont entraîné la recherche d’une seconde voie d’analyse. Il apparait en effet que la spatialisation s’effectue par rapport à différentes

catégories d’objet. Je suis proche de mon boss relie deux personnes ; un pi­ lier qui passe à travers mon bureau, concerne seulement des objets maté­ riels (encore que mon...) ; c ’est une agence d ’information indique une définition sociale (ou institutionnelle) de l’espace ; on peut donc traiter séparément ces différents types de spatialisation.

Une première tentative dans ce sens a été de caractériser toute les phrases ou morceaux de phrases d’une séquence d’entretien en fonction de ces types de spatialisations : de dispositifs matériels, de personnes, institu­ tionnelles. L’idée sous-jacente est celle d’une sorte de superpositions d’es­ paces, chacun pouvant avoir son existence propre, et donc ses propriétés formalisables propres. Ainsi les critères de confort concernent les dispo­ sitifs matériels ou les déplacements intéressent les personnes. On a ajou­ té une quatrième catégorie, rendue nécessaire par l’introduction d’une autre variable, temporelle : les transformations de l’espace. Ensuite, on a cherché dans chaque type les structures d’application spatiale utilisée par le locuteur. Ainsi retrouve-t-on assez fréquemment les termes comme c ’est, ce sont, etc (opérateurs donnant l’essence de la chose) pour les dé­ finitions institutionnelles. De même les termes avec et où sont fréquem­ ment utilisés pour situer des personnes : avec beaucoup de monde, où beaucoup de monde travaille dans le même espace ; etc.

En fait, cette façon de faire trouve très vite sa limite dans les combinai­ sons des différentes catégories d’objets (personnes, institutions, disposi­ tifs matériels, ...Il est bien rare que l’on puisse isoler de façon significative ces types d’espace. Plus, c’est justement cette imbrication des compo­ santes de la spatialité qui nous intéresse prioritairement : vouloir la ré­ duire artificiellement conduirait à détruire l’objet même de notre recherche en pré-définissant les spatialisations possibles. La multiplica­ tion de plans de projection séparés arbitrairement ne fait que souligner la prégnance du mode projectif de spatialisation et le reproduire.

On a donc repris cette catégorisation des objets spatialisés en acceptant les croisements, suivant une formule classique de tableau carré (lequel pourrait d’ailleurs être à plus de deux dimensions). Peuvent se distinguer ainsi trois listes de caractérisation des objets spatialisés :

- selon la nature de l’objet : - des personnes

- des objets mobiliers (imprimante, bureau-meuble) - des objets immobiliers (escalier, bureau-pièce) - des institutions (direction, service de ceci) - selon le type de propriétés :

- propriétés physiques (fermé, petit, haut) - propriétés d’ambiance (bruyant, feutré)

- propriétés relationnelles (grouillement, proche) - propriétés institutionnelles (c’est la direction)

- nommés ou non nommés (endroit vs mon bureau)

- finis ou indéfinis (mon bureau vs des bureaux plutôt ouverts) - concrets ou abstraits (l’escalier vs la direction)

Les matrices que l’on peut ainsi composer sont alors reliées par les opé­ rateurs spatiaux :

- opérateurs de localisation : où - opérateurs de définition : c ’est

- opérateurs de qualification : avec, dans lequel on peut distinguer : - des qualifications de contenu

- des qualifications d’aspect - opérateurs d’attribution : est réservé à - opérateurs d’abstraction : les bureaux - opérateur de concrétisation : il y a

Ces différents opérateurs peuvent d’ailleurs se démultiplier, ainsi pour les opérateurs de localisation, peut on distinguer ceux qui séparent, réunis­ sent, remplissent, etc.

On s’aperçoit alors très vite que l’on a seulement déplacé les difficultés rencontrées dans le premier mode d’analyse. Il n’est certes pas difficile de réaliser un certain nombre d’opérations dans la matrice constituée de cette façon : ainsi l ’endroit où je travaille c’est une agence d ’information, va devenir lieu non nommé (endroit) * opérateur de localisation remplis­ sage (où) * personne (je) * opérateur de définition (c’est) * institution (agence). On peut alors chercher, sur un ensemble d’opérations ainsi construite les fréquences structurelles, les constantes éventuelles, les opé­ rations interdites, etc. Sur un échantillon de phrases suffisant, un traite­ ment informatisé des propos ainsi codés est susceptible de donner quelques résultats.

Le traitem ent que nous avons fait à la main sur cet exemple était toute­ fois insuffisant pour faire apparaître ce type de structuration des repré­ sentations spatiales. Surtout, et dans des conditions proches de l’essai précédent, il est difficile dès maintenant de se satisfaire des catégories re­ tenues. L’empirisme de leur mise en place est normal. Par contre, une analyse de ce que l’on obtient ainsi montre la fragilité de leur valeur heu­ ristique. D ’une part, parce que les termes n’en sont pas bien fixés : ainsi des notions comme remplissage ne sont pas vraiment claires, de même celle de propriété relationnelle, etc. Ceci pourrait se régler, par hypo­ thèse, en y travaillant plus longuement, en cherchant de meilleurs caté-

gorisations, en évitant toute superposition entre elles, etc. D ’autre part, à les employer, ces catégories ne semblent pas appartenir à un ensemble fi­ ni. Sans cesse on est conduit à compléter, à affiner, à trouver une nouvelle catégorie d’objet ou d’opérateur pour rendre compte d’une formulation du discours. Là encore on peut penser parvenir à arrêter à un moment l’inflation, quitte à devoir réaliser ensuite quelques arbitrages délicats lors du codage.

Mais à quoi cela nous conduit-il ? A mettre au second plan la préoccupa­ tion de l’espace au profit d’une catégorisation des substances, propriétés, opérations, objets, etc., rencontrés, et finalement d’un travail de sémioti­ que. Lequel en soi n’est évidemment pas inintéressant, mais nous éloigne de notre objet de recherche. En effet, plutôt qu’une représentation spa­ tiale du lieu de travail, on abouti à une recherche du sens des choses, éven­ tuellement à des relations entre éléments signifiants, où l’espace sinon s’abolit, du moins devient largement secondaire.

Si ces tentatives n’ont pas été inutiles, elles se sont donc révélées insatis­ faisantes. A vrai dire, il n’y a pas lieu de s’en éto n n er, et nous savions dès le départ que notre démarche se heurterait à ce genre de difficultés. La question qui s’ouvre est alors celle de leur dépassement.

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