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Sammy a toujours eu une vision positive de l’enseignement et de l’apprentissage; cela remonte à son enfance où elle s’amusait à « jouer à l’école ». Avant même qu’elle soit bachelière, elle se positionne dans sa démarche de développement professionnel par ce biais positif, en ce sens où cette vision favorable d’une profession qu’elle n’a pas encore intégrée annonce que l’implication dans son processus de développement professionnel sera plus aisée. Cela dit, quelques embûches se sont dressées sur son chemin, à commencer par sa formation collégiale.

2.1.1 Cégep

Sammy situe le cégep comme une institution anxiogène dans laquelle elle n’a pas eu l’impression de trouver sa place. Ce phénomène est répandu chez les membres des Premières Nations. Bien que, selon Dufour (2015), 70 % des étudiants manifestent un intérêt pour les études postsecondaires, moins de 19 % de la population autochtone recevra, avant ses 34 ans, un diplôme d’études collégial. La peur de ne pas réussir est au cœur de ce phénomène puisque les étudiants

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soulignent que « les études postsecondaires, et plus particulièrement les études universitaires, projettent une image d’inaccessibilité enracinée dans les stigmates historiques et accentuée par les obstacles structurels » (Dufour, 2015, p. 66). Cette problématique ne figure pas au cœur de notre analyse du développement professionnel de Sammy, mais nous estimons que cette remarque qu’elle a formulée doit être soulignée, puisqu’il s’agit d’un facteur de risque à sa réussite. Si Sammy n’avait pas eu une autre alternative pour son cheminement, soit une formation pour devenir aide-enseignante, elle n’aurait pas réalisé son rêve de devenir enseignante.

2.1.2 Formation d’aide-enseignante

Cette formation situe toujours Sammy avant le début de sa formation initiale universitaire, donc en dehors des phases du développement professionnel telles que présentées par Mukamurera (2014), mais malgré cela, l’enseignante se positionne dans une posture de formation à l’enseignement, ce qui la place en quelque sorte dans la perspective professionnalisante du développement professionnel (Uwamariya et Mukamurera, 2005; Mukamurera, 2014). Elle a déjà le désir d’enseigner et elle saisit l’opportunité de faire cette formation proposée par des membres de sa communauté. Ce choix indique qu’elle est déjà investie d’un désir de progression par rapport à sa future profession.

Par ailleurs, le récit fait état des apprentissages qu’elle fait à ce stade de sa formation comme aide- enseignante. Le partage est présenté comme un apprentissage important pour Sammy au sens où elle découvre comment l’enseignement peut lui permettre de partager avec les autres, plus particulièrement en ce qui a trait aux expériences. Cette acquisition de savoir est directement liée à la dimension personnelle du développement professionnel (Mukamurera, 2014), puisque son

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expérience réfère à la valeur du partage, ce qui influencera ses pratiques professionnelles à long terme.

Au-delà de sa posture par rapport à son développement professionnel, la réflexion de Sammy par rapport à l’enseignement à des élèves autochtones par des enseignantes et enseignants non autochtones mérite une attention : au moment où nous avons discuté de l’implication de membres des Premières Nations dans l’école de la communauté, elle a relevé qu’il ne restait que très peu d’enseignants autochtones en poste si elle comparait au moment où elle-même fréquentait l’école primaire de la communauté. À ces yeux, ce phénomène témoigne de l’intensité du changement. La difficulté pour les membres des communautés autochtones de poursuivre des études postsecondaires et d’être diplômés (Dufour, 2015) explique, en partie, la difficulté d’avoir des enseignantes et des enseignants autochtones dans les écoles des communautés.

Pour Sammy, la considération des spécificités des intérêts culturels des élèves (Brabant et al. 2015; Cajete, 1994; Campeau, 2011; Campeau, 2015; Gruenwald, 2008) compte beaucoup et c’est en partie ce qui a motivé son choix de carrière. Une fois de plus, il est possible d’identifier le rôle de la dimension personnelle du développement professionnelle (Mukamurera, 2014) par les valeurs qui importent pour Sammy dans son enseignement.

Au regard de la place que Sammy occupe dans sa communauté et de son vécu, cette réflexion sur les besoins des élèves est déjà bien entamée, et ce, avant même son entrée dans la formation initiale.

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2.1.3 Université

Après qu’elle a eu suivi un parcours non linéaire, c’est l’entrée de Sammy dans sa formation initiale, premier stade (Fessler, 1992 dans Brodeur et al., 2005) et première phase (Mukamurera, 2014) du développement professionnel. La formation comme aide-enseignante lui a permis de se faire créditer quelques cours, ce qui a allégé un peu sa formation universitaire et, surtout, cette formation lui a permis d’entrer au baccalauréat sans retourner au cégep. Elle a obtenu un poste dans l’école primaire de sa communauté dès qu’elle a terminé ses études universitaires; c’est la phase de l’insertion professionnelle (Mukamurera, 2014), qui est un peu différente pour Sammy puisqu’elle a déjà œuvré au sein de l’école de la communauté comme aide-enseignante au moment de l’obtention de son poste et qu’elle est impliquée dans l’école depuis son plus jeune âge.

Au terme de sa formation initiale, avec l’obtention d’un poste dans cette école et avec le regard qu’elle peut aujourd’hui poser sur son enseignement, elle témoigne du fait que son sentiment de compétence (utilisé ici comme synonyme du sentiment d’auto-efficacité personnelle [Bandura, 2007]) était assez bas à ce moment-là. Cette autoévaluation va varier en parallèle avec le mouvement de sa carrière entre les différents stades qui la définissent (Fessler, 1992 dans Brodeur et al., 2005) et avec le travail que Sammy effectue en ce qui a trait à ses pratiques professionnelles.

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3. DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL DE SAMMY AU REGARD DE SES