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2. ENSEIGNEMENT DE L’ÉCRITURE

2.1 Approches et modèles issus d’une conception rigide ou variationniste de la langue

2.2.1 Différents approches et modèles issus d’une conception plutôt cognitiviste

Le deuxième modèle présenté par Bucheton est le modèle des types de texte et processus rédactionnels. Le postulat central, émis par les didacticiens de l’époque, était « qu’écrire [est] affaire avant tout de savoirs sur le fonctionnement des textes et des discours, sur les contextes et supports nécessitant des analyses précises » (p. 168). Dans ce modèle, le brouillon acquiert un statut scolaire valorisé. Un problème est cependant mis en relief : « [l]’enseignant enseigne, mais il est constamment en évaluation et en contrôle. Il s’y épuise d’ailleurs! » (p. 170).

des Rosiers (2019) présente le modèle de la narratologie, lequel a eu des impacts considérables sur les manuels scolaires : « [m]algré une tendance à la simplification, il [le modèle de la narratologie] a contribué à l’avancement de la didactique de l’écriture » (p. 14).

Le troisième modèle que présente Bucheton (2014), soit les ateliers d’écriture, prend en considération l’individu : il n’est ni scolaire ni normatif. En ce sens, les « productions et progrès des élèves sont difficilement évaluables en termes de standards scolaires » (p. 171), ce qui soulève un problème d’un ordre bien différent puisqu’on s’attend à ce qu’un élève, dans l’institution scolaire, soit évalué sur des standards scolaires.

60 Deuxième chapitre Le quatrième et dernier modèle présenté par Bucheton (2014) est celui du sujet écrivant axé sur « le sujet, son développement et ce qu’il dit » (p. 172). Ce modèle s’inspire des modèles précédents,

mais s’inscrit dans un paradigme nouveau plus large qui conjugue les apports de la didactique, des sciences du langage, de la sociologie, les apports de la psychologie sociale et culturelle en matière de conception de l’apprentissage et du développement (p. 172).

des Rosiers (2019) présente, quant à elle, un troisième modèle qui lie l’atelier d’écriture avec la prise en considération du sujet apprenti scripteur : « la macrostructure du texte est mise en évidence et elle ne peut pas se travailler indépendamment du sujet-scripteur. Il y a donc un arrimage entre la production et le sujet écrivant, ce qui mène à l’élaboration d’un texte en plusieurs phases » (p. 14-15).

Les derniers modèles et approches décrits ont un élément en commun et il s’agit de la considération accordée au sujet-écrivain, considération qui était jusque lors pratiquement inexistante.

2.2.1.1 Apprenti scripteur

des Rosiers (2019) établit clairement les rôles des élèves dans le processus d’enseignement- apprentissage de la compétence à écrire : « [l]es élèves du primaire sont des apprentis scripteurs et doivent être assistés dans leurs apprentissages » (p. 46). Pour ce faire, elle valorise, entre autres, l’utilisation d’outils organisationnels qui « font partie d’un ensemble de moyens d’assistance

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cognitive, linguistique ou encore physique [et qui sont] utilisés pour améliorer les compétences scripturales des élèves » (p. 46).

des Rosiers (2019) illustre la chronogénèse des différentes phases de l’apprentissage de l’écriture chez les élèves :

Tableau 1. Chronogénèse des phases de l’apprentissage de l’écriture chez l’élève

Phases Objectifs Tâches Attentes Évaluation Auteurs

Sensibiliser à un nouveau savoir Pratique quotidienne Développement de l’aisance face à la tâche Diagnostique Formative Guay, Legault et Germain (2006) Favoriser la prise de

risque Atelier d’écriture Plaisir d’écrire Formative Graham et al (2007) Favoriser la créativité et l’invention Valorisation des initiatives Formative Dolz (2000) Développer la

confiance Lecture des textes des élèves Valorisation des efforts Formative Marquis et Guy (2007) Systématiser et automatiser Alternance entre exercices et situations problèmes Transfert des connaissances dans divers contextes de production écrite

Formative Saada Robert (2007)

Introduire des connaissances par des activités de

découverte

Mise en place des situations d’écriture favorisant les échanges entre pairs Développement du processus réflexif des élèves S’approprier les contenus notionnel

Formative, ajustement des contraintes d’écriture selon les individus

Élalouf (2006) Chabanne (2002)

Favoriser la prise de

risque Lecture des textes des élèves Développement du processus réflexif lors de la relecture

Formative sur des

textes en évolution Bishop (2005

Initiation

62 Deuxième chapitre Utiliser des stratégies

d’écriture Alternance entre exercices et utilisation des stratégies

présentées dans des situations d’écriture Utilisation de stratégies d’écriture présentées S’approprier les contenus notionnels

Formative sur des

textes en évolution Barré-De Miniac (2007) Noël et Pigeyre (2008)

Écrire des textes en utilisant les stratégies et les savoirs

enseignés

Production écrite selon les contenus notionnels abordés

Adaptation des élèves aux contraintes d’écriture fixées par l’enseignant Évaluation sommative des productions Pritchard et Honeycutt (2007) des Rosiers, 2019.

Cet outil permet, entre autres, d’aider les enseignants à déterminer, en fonction de la phase d’apprentissage, les différentes tâches à proposer aux élèves, les attentes à retenir en fonction des tâches et aussi le modèle d’évaluation à favoriser au regard des deux éléments précédents. Cette chornogénèse permet aussi d’aider à établir le profil de scripteur de l’élève en apprentissage. En effet, déterminer la phase d’apprentissage dans laquelle il se situe contribuera à développer des activités d’apprentissage significatives pour l’élève.

Des conditions favorables à l’apprentissage de l’écriture résident entre autres dans une pratique quotidienne de l’écriture (Pritchard et Honneycutt, 2007), pratique où s’alterneront les exercices et les ateliers complexes (des Rosiers, 2008). Un environnement positif sans évaluation sommative sera également nécessaire au développement des habiletés de l’apprenti scripteur (Pritchard et Honneycutt, 2007).

2.2.1.1 Compétences du français en interrelation

Ce sont Bautier et Bucheton qui, dès 1997, énoncent une première idée de l’articulation des compétences en français comme une solution pour amener plus de cohérence dans les pratiques d’enseignement : « on pourrait cesser par exemple de cloisonner travail sur le langage et travail

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sur la littérature, écriture fonctionnelle, écriture scolaire et écriture personnelle, écriture en sciences et écriture en français » (p. 13).

Dans les approches d’enseignement de l’écriture issues d’une conception plutôt cognitiviste, la mise en relation des différentes compétences est promue. Comme le rappelle Lord dans sa thèse, l’articulation des compétences en interrelation du français est une orientation didactique

[…] qui vise à ce que les apprentissages effectués en grammaire, en lecture, en écriture, en communication orale et en littérature se recoupent dans une même activité ou séquence d'enseignement; en d'autres termes, il s'agit d'articuler les activités de grammaire aux activités discursives (lecture et écriture) pour permettre aux élèves de faire les liens nécessaires entre leurs connaissances et pour assurer le développement de leurs compétences langagières (Lord, 2012, p. 65).

64 Deuxième chapitre Note. Figure tirée du PFÉQ, 2001, p.73.

Figure 6. Le lien qui unit les différentes compétences en français

Les acteurs gouvernementaux valorisent aussi cette articulation : « [b]ien que chacune des compétences conserve sa spécificité, c’est surtout en interrelation les unes avec les autres qu’elles se développent, notamment lors des activités interdisciplinaires ou de l’apprentissage par projets » (gouvernement du Québec, 2006, p. 73). Le schéma présenté illustre comment les enseignants devraient concevoir les différentes compétences et le lien qui les unit :

2.2.2 Facteurs facilitant le changement des pratiques enseignantes

Les différentes approches et méthodes présentées ne se valent pas toutes (Bucheton, 2014), mais elles ont toutes eu leur rôle à jouer dans le développement de l’enseignement de l’écriture. Ces différentes approches d’enseignement sont ici présentées de manière chronologique. des Rosiers (2019) explique cependant que même si la valeur de toutes ces approches n’est pas la même, l’influence des modèles moins efficients « laisse peu de place aux nouveaux gestes didactiques prescrits » (p. 15). Les prescriptions ministérielles rendent complexe l’adoption d’un style d’enseignement réflexif (des Rosiers, 2019). À la lumière de son analyse de différentes études, elle mesure d’ailleurs l’impact de ce phénomène chez les enseignants du primaire à savoir si « la vision souvent traditionnelle de l’enseignement de l’écriture qu’entretiennent les enseignants du primaire n’est pas ce qui les dirige vers un enseignement de la norme » (p. 28). En ce sens, un changement de pratiques devient nécessaire dans le but d’optimiser les apprentissages des élèves (Borg, 2018; Borko, 2004).

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La chercheuse a synthétisé des facteurs facilitant les changements de pratiques pour les enseignantes et les enseignants. Parmi ses facteurs, on retrouve : la réceptivité, la volonté individuelle, les activités créatives, les connaissances sur le milieu ainsi que la possibilité d’exercer un jugement discrétionnaire (des Rosiers, 2019). Nous estimons que ces facteurs sont d’autant plus tangibles dans une situation où la personne enseignante est impliquée dans un processus de formation continue.

Somme toute, que ce soit par les approches et méthodes d’enseignement de l’écriture qui ont évolué pour s’imbriquer davantage dans une vision cognitiviste de la langue, ou encore par la pluralité des styles des apprentis scripteurs présents dans les classes, les personnes enseignantes doivent composer avec de nombreux défis.

Les différentes compétences du français s’articulant entre elles, nous traiterons maintenant de l’enseignement de la lecture.