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Chapitre II. Déterminants de la plainte subjective de mémoire

II. P e tio de la aladie d Alzhei e

II.3. Plainte subjective de mémoire : une fragilité psychologique

II.3.6. Schémas précoces inadaptés de Young

Pearman et al. (2014), suggèrent que la plainte de mémoire pourrait émaner des croyances que le sujet porte sur lui-même. Ces croyances provenant elles-mêmes de schémas og itifs fo g s tout au lo g de l e iste e. À e jou , ous a o s pas ele de t a au s i t essa t di e te e t au lie s e t e les schémas cognitifs et la plainte de mémoire subjective.

Nous allons dans ce paragraphe présenter les schémas précoces inadaptés de Young, ui ous pa aisse t d u i t t pa ti ulie da s l tude de la plai te su je ti e de oi e.

II.3.6.1. Schémas cognitifs : de Beck à Young

La notion de schémas a intéressé divers domaines de la psychologie (Barlett, 1932 ; Piaget, 1968 ; Neisser, 1976 ; Markus, 1977). En ce qui concerne la psychopathologie cognitive, est Be k (1976) qui introduit le concept de schéma. Son modèle (Beck, 1976, 1979 ; Beck, Emery et Greenberg, 2005 este aujou d hui e o e au œu de l app o he og iti e de la d p essio , de l a i t et des troubles de la personnalité (Rusinek, 2006).

Beck (1976) définit les schémas comme des structures cognitives stables, stockées en mémoire à long terme, et contenant des informations sur le monde qui vont guider la pe eptio ue l i di idu se fait du o de ui l e tou e. Les schémas agissent comme un « filtre » de lecture. Ils correspondent à un niveau cognitif très profond et ne se limitent pas à se i de ase à l o ga isatio og iti e de l i di idu, puis u ils o t gale e t i flue e le

appel d i fo atio s.

À la suite de Beck, un de ses élèves, Jeffrey Young, a enrichi le substrat théorique des schémas cognitifs. Il y ajoute une proposition plus détaillée de la genèse des schémas et développe une thérapie dont les fondements reposent sur les schémas. La thérapie des schémas (Young et al., 1990, 1999, 2003) a été élaborée pour traiter les « patients présentant

91 des t ou les de la pe so alit ue la th apie o po te e tale et og iti e lassi ue a ait pas suffisamment pu aider ». Prolongement de la thérapie comportementale et cognitive, cette thérapie se veut également intégrative et rassemble des éléments issus de la théorie de l atta he e t, de la Gestalt-thérapie, du constructivisme et de la psychanalyse.

II.3.6.2. Schémas précoces inadaptés

Pour Young et al. (2003), le d eloppe e t des s h as se fe ait d s l e fa e à pa ti des expériences de vie précoce et de l i flue e de fa teu s o e l atta he e t au p o hes, l i te a tio a e les pai s, la ultu e et le te p rament.

De li te a tio e t e le te p a e t de l i di idu et so ilieu p i ipale e t la famille) résulterait la satisfaction ou non, des cinq besoins affectifs fondamentaux que sont : la s u it li e à l atta he e t au aut es ; l auto o ie, la o p te e et l ide tit ; la liberté d e p i e ses esoins et émotions ; la spontanéité et le jeu ; et enfin les limites et l auto o t le.

De a i e si plifi e, si les esoi s e o t e t u e satisfa tio , alo s l e fa t d eloppe des s h as positifs. Da s le as o t ai e, l e fa t d eloppe des s h as précoces inadaptés dysfonctionnels.

Ainsi, les schémas peuvent être positifs ou négatifs, précoces ou tardifs. Young s i t esse plus sp ifi ue e t au s h as p o es i adapt s “PI u il o sid e o e le noyau des troubles de la personnalité et des t ou les h o i ues de l a e I.

Young et al. (2003) définit le SPI de la manière suivante : « modèle ou thème important et envahissant, o stitu de sou e i s, d otio s, de og itio s et de sensations corporelles, concernant soi-même et ses relatio s a e les aut es, o stitu au ou s de l e fa e ou de l adoles e e, e i hi tout au lo g de la ie de l i di idu, et d sfo tio el de faço sig ifi ati e ». Cette d fi itio s appa e te à elle de “egal ui d fi it les s h as comme : « les éléments organisés à partir des expériences et des réactions du passé qui forment un ensemble de connaissances relativement cohérent et durable, capable de guider les perceptions et les évaluations subséquentes ».

92 Cousineau (2004) résume bien la nature des schémas : « La façon la plus simple de voir un schéma est de le considérer comme une mémoire dont la composante émotionnelle est très marquée ». Ainsi, à la différence de Beck, les schémas ne sont plus uniquement cognitifs mais également émotionnels. Les SPI ont été initialement considérés comme inconditionnels (Mihaescu et al., 1997 ; Schmidt, Joiner, Young et Telch, 1995) puis ce propos a été nuancé, puisque certains schémas se aie t o ditio els et d aut es i o ditio els (Young et al., 2003).

Les s h as so t di e sio els et ils de ie e t pathologi ues d s lo s u ils acquièrent un caractère rigide et inflexible et occasionnent des pensées et comportements à l o igi e d otio s négatives.

Par ailleurs, les schémas peuvent être latents et se réactiver uniquement face à une situatio a e si e ou p o he de elle ui a t à l o igi e du s h a You g et al., 1993). Une fois activés, les schémas tendent à se maintenir car procurant une vision stable de soi-même et du monde (Young et al., 2003). Les schémas se maintiennent par des processus de disto sio de l i fo atio , d ite e t ou de o pe satio (Young et al., 2003). Young d it t ois st les d adaptatio au schémas : la sou issio , l ite e t et la compensation.

Ainsi, les SPI prennent forme de vérités absolues, difficiles à modifier. Ils sont activés par des évènements environnementaux.

Young et al. (2003) a aussi développé le concept de « mode ». Le mode est constitué d u e se le de s h as et des po ses d adaptatio ui so t a tifs à u o e t do . Nous ne détaillerons pas plus ici cette notion complexe.

À partir de so e p ie e li i ue, You g p opose d o ga ise les “PI e i g a ds do ai es e fo tio des esoi s otio els de l enfance non comblés. Une analyse factorielle confirme la structure proposée par Young (Schmidt et al., 1995).Le nombre de SPI a évolué au fil des années passant de 11, à 15, puis à 18.

Le nom attribué en français, à chacun des schémas est assez variable selon les auteurs. Nous utilise o s la e te i ologie ue elle p opos e da s l a ti le de Cothias et al. (2011) pour les 15 schémas évalués dans le questionnaire YSQ-S1.

93 Les 18 schémas sont présentés dans le tableau ci-après :

Tableau 4. Description des schémas précoces inadaptés de Young

Domaine Schémas Description

I. Séparation et rejet « Incapables de former des liens sûrs et satisfaisants »

Abandon Perception du a ue de sta ilit da s le lie , peu o sta te d t e a a do

Abus-méfiance “e ti e t d t e a ipul , d fa o is . M fia e envers les autres.

Carence affective Certitude de ne pas recevoir le soutien affectif nécessaire

Imperfection Sentime t d t e i pa fait

Hypersensibilité aux critiques et au rejet Isolement social “e ti e t d t e isol , oup du o de, d t e

différent II. Ma ue d’auto o ie et de

performances

« Incapables de se forger une identité propre et de créer leur propre vie »

Dépendance - incompétence

“e ti e t d t e i apa le de fai e fa e au espo sa ilit s, sa s l aide des aut es Passi it ou a ue d i itiati e

Vulnérabilité Peu e ag e d u e atast ophe sa t , émotion, phobies)

Relation fusionnelle Attachement excessif à une ou plusieurs personnes

Échec C o a e d houe i ita le e t

III. Manque de limite « Difficultés à respecter le droit des autres et à maintenir un but à long terme »

Tout est dû Sentiment de supériorité aux autres et de bénéficier de droits spéciaux et de privilèges Manque

d auto o t le

A se e de o t le de soi et d autodis ipli e

IV. Orientation vers les autres « Importances excessives accordée aux autres »

Assujettissement Soumission excessive au contrôle des autres (aux besoins ou aux émotions)

Sacrifice de soi Soucis de combler le besoin des autres Recherche

d app o atio 1

Besoi e essif de l atte tio et de l app o atio des autres

V. Sur-vigilance « Contrôle exagéré des réactions »

Négativité- pessimisme1

Focus sur les aspects négatifs de la vie Contrôle émotionnel à

outrance

Contrôle excessif des réactions spontanées Exigences élevées Co i tio u il faut attei d e u i eau de

perfection

Punition1 Intolérance et critique envers soi-même et les

autres

94 Les schémas sont décrits comme stables au cours du temps (Young, 2003 ; Riso et al., 2006) et correspondent à des variables « trait ». Nous percevons des similitudes avec la notion des dimensions de personnalité, eux aussi, facteurs de risque pour les troubles psychopathologi ues. Cepe da t, es deu otio s so t ie disti tes l u e de l aut e (Thimm, 2010). Selon Thimm (2010), la différence principale réside dans le fait que le modèle de personnalité Big Five est principalement un modèle du fonctionnement normal de la personnalité, alors que les schémas de Young, font référence à des thèmes envahissants mal- adaptatifs vis-à-vis de soi-même, des autres et des relations interpersonnelles. Ils renvoient donc à un fonctionnement davantage pathologique.

II.3.6.3. Schémas et troubles psychopathologiques

Selon Young (1999, 2003), les SPI « rendent le sujet vulnérable à développer de la d p essio , de l a i t , des elatio s d sfo tio elles et des troubles psychosomatiques ».

Les SPI ont été identifiés comme un facteur général de vulnérabilité à la psychopathologie. Ils ont une forte influence sur les cognitions et les affects (Riso et McBride, 2007). Ils jouent un rôle dans les troubles de la personnalité mais aussi dans les troubles de l a e I (Young et al., 2003). Les SPI ont été étudiés dans le cadre des troubles de personnalité (Jovev et Jackson, 2004), des t ou les de l hu eu (Cormier, Jourda, Laros, Walburg et Callahan, 2011 ; Delattre et al., 2004), des troubles anxieux et des troubles psychotiques (Bortolon, Capdevielle, Boulenger, Gely-Nargeot et Raffard, 2013). Nous nous intéresserons plus spécifiquement aux SPI dans la dépression et l a i t .

II.3.6.3.1. SPI et dépression

Les tudes se so t atta h es à e plo e les lie s e t e les s h as et l i te sit de la symptomatologie dépressive en population générale (Calvete, Estévez, López de Arroyabe et Ruiz, 2005 ; Harris et Curtin, 2002) ou clinique (Halvorsen, Wang, Eisemann et Waterloo, 2009 ; Petrocelli, Glaser, Calhoun et Campbell, 2001 ; Renner, Lobbestael, Peeters, Arntz et Huibers, 2012). Il est appa u ue le s o e total des s h as ai si u u e tai o e de schémas spécifiques, appartenant majoritairement aux domaines « a ue d autonomie et performance » et de « séparation et rejet » (domaines I et II dans le tableau 4), sont associés à l i te sit de la s pto atologie d p essi e.

95 Le schéma « imperfection » apparait être un schéma clé de la symptomatologie dépressive et du trouble dépressif (Hawke et Provencher, 2011). Ce sultat est pas surprenant car ce schéma contient des items avec une vision négative de soi.

II.3.6.3.2. SPI et anxiété

De même que pour la dépression, Les études se sont attachées à explorer les liens entre les s h as et l i te sit de la symptomatologie anxieuse en population générale (Calvete, Estévez, López de Arroyabe et Ruiz, 2005 ; Harris et Curtin, 2002) ou clinique (Atalay, Atalay, Karahan et Çaliskan, 2008 ; Delattre et al., 2004 ; Dutra, Callahan, Forman, Mendelsohn et Herman, 2008 ; Hinrichsen, Waller et Emanuelli, 2004).

Le SPI « vulnérabilité » apparaît être central dans l a i t . Il est associé au TAG, au trouble panique, au trouble de stress post-traumatique et au trouble obsessionnel compulsif (Hawke et Provencher, 2011). Noto s ue e s h a est ota e t alu à l aide de l ite « Il e e se le pas possi le d happe au sentiment que quelque chose de mauvais va se produire ». Les schémas « dépendance-incompétence », « isolement social » et « inhibition émotionnelle » sont également élevés dans les troubles anxieux.

Ainsi, de manière globale, les pe so es souff a t d un trouble thymique ou anxieux ont des s o es plus le s su p es ue l e se le de tous les s hémas (Hawke et Provencher, 2011). Au-delà de cet effet général, certains symptômes ou troubles semblent être caractérisés par des schémas spécifiques.

II.3.6.3.3. SPI et plainte de mémoire

Les schémas constituent une vulnérabilité psychologique qui influence la manière dont les individus perçoivent leurs propres compétences personnelles. Ils pourraient donc teinter la lecture que le sujet se fait de ses capacités cognitives. En fonction de la ti atio ou non d u s h a, les ou lis i s li s à l âge pou aie t être perçus de manière différente. Nous avons formulé des hypothèses, quant aux liens entre certains schémas et la plainte subjective de mémoire qui sont décrites dans le chapitre V.2.1.

96 II.3.6.4. SPI en population âgée

Par ailleurs, Cothias, Camart, Martinez et Deseez, (2011) se sont intéressés aux SPI chez les sujets âgés de 64 à 102 ans. Les participants ont obtenu un score global au questionnaire YSQ-“ si ilai e à elui d u e populatio tudia te “i os et al., . Au i eau sp ifi ue des schémas, les sujets âgés ont plus de schémas « échec » et « vulnérabilité » alors que les étudiants ont plus de s h as « e ige es le es » et « tout est dû ». Les scores obtenus dans cette population sont résumés dans le tableau 29 (page 170) issu de l a ti le de Cothias et al. (2011).