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Saint Antoine de Padoue et Saint François d’Assise recevant les stigmates

Chapitre 2. Analyse iconographique et formelle des peintures murales

2.1 Analyse de chaque œuvre

2.1.12 Saint Antoine de Padoue et Saint François d’Assise recevant les stigmates

Saint Antoine de Padoue (fig. 54)232 et Saint François d’Assise recevant les stigmates (fig. 56), qui illustrent deux frères franciscains, se situent l’un en face de l’autre dans les chapelles des transepts. Le début et la fin de la vie terrestre de Jésus contenus dans ces apparitions, où saint Antoine tient l’Enfant dans ses bras et où saint François témoigne de la Crucifixion de Jésus, se présentent chronologiquement, de gauche à droite, au fidèle qui entre dans la nef par la porte centrale du massif occidental. Comme La Communion

de saint Louis de Gonzague et La Présentation de Marie au temple, ces deux toiles sont

des pendants, ce qui est confirmé par Réau (1955-1959 : 116), dans la première partie du troisième tome de son Iconographie de l’art chrétien. Concernant saint Antoine de Padoue, l’auteur mentionne aussi qu’ « On l’invoque surtout aujourd’hui pour retrouver

les objets perdus… » (1955-1959 : 117). Or, pour le spectateur se tenant dans l’église

Saint-Romuald et face à l’entrée principale du massif occidental, un ancien écriteau portant le nom de saint Antoine se trouve à la droite de la porte centrale. C’est à cet endroit que les fidèles faisaient autrefois des donations en argent au saint pour le remercier lorsqu’ils avaient retrouvé un objet perdu233. Pourtant, selon nous, cette

coutume ne justifie pas à elle seule le choix de ce sujet par Leduc et le curé Laflamme. Il est fort possible que les collaborateurs aient décidé d’inclure des œuvres concernant ces deux saints dans le programme iconographique parce que le Tiers Ordre Franciscain était présent à Farnham.

L’apparition de l’Enfant Jésus à saint Antoine de Padoue est, entre autres, racontée par l’Abbé Jean-Augustin Guyard (1860). Pour réaliser son tableau de l’église de Farnham, Leduc copie le Saint Antoine de Padoue adorant l’enfant de Bartolomé Esteban Murillo (fig. 115), où des angelots tiennent un livre et un lys, l’attribut du saint. Selon l’expertise

232Le premier décor de Saint-Michel de Rougemont (1901-1902) comprenait également un Saint Antoine de

Padoue, dont nous ne possédons aucune reproduction.

de Legris234, aucun surpeint n’apparaît sur cette œuvre, mais Corrivault-Lévesque235 considère qu’elle fut restaurée en 1965. Pour notre part, nous nous accordons avec l’affirmation de Legris parce que nous n’apercevons pas distinctement de repeint sur cette toile. Au contraire, selon nous, la facture de Leduc y est visible et un motif figuratif, celui de l’arbre, nous intéresse particulièrement. Comme la facture hachurée du peintre devient de plus en plus visible, elle commence à dominer le dessin qui entoure les motifs figuratifs. Elle les modèle et détermine leur forme comme c’est le cas de l’arbre à droite du tableau, dont le feuillage mouvementé, qui se fond avec le ciel, rappelle celui peint dans Cumulus bleu (1913), le premier grand paysage symboliste de Leduc. D’ailleurs, dans la notice de ce tableau de son catalogue, Lacroix (1996 : 182-183) explique que l’arbre, dont le tronc fut brisé par les vents violents d’une tempête, qui repose au second plan de la toile, représente l’homme dans ses moments d’adversité. Comme l’arbre qui tend sa branche vers le cumulus et la lumière qui le surplombe pour tenter de l’atteindre, l’être humain tend vers un « idéal » auquel il aspire de toutes ses forces. Cette interprétation se rapproche de celle véhiculée par le décor de Saint-Romuald dans son ensemble, où le fidèle est toujours incité à s’améliorer236 dans les peintures murales de Leduc et à s’unir au Divin. Saint Antoine de Padoue illustre bien le parachèvement de cette quête.

L’épisode de Saint François d’Assise recevant les stigmates est raconté par Thomas de Celano (1952) en 1244, par Saint Bonaventure (1951) en 1263 et par un auteur anonyme dans I Fioretti di San Francesco. À Saint-Romuald, Leduc produit une œuvre originale, dont il photographie l’esquisse qu’il dessine sur la toile (fig. 82). Cette composition relève d’une extrême simplicité. De plus, sur cette esquisse, le dessin met en évidence les mouvements tourbillonnant, inspiré de l’Art nouveau, des nuages entourant le séraphin, mouvements repris par la touche qui représente le ciel dans le tableau. Dans la dernière partie du présent chapitre, nous démontrerons toute l’importance qu’acquiert ce détail en

234APF, Devis pour la restauration des peintures de Ozias Leduc. Église St-Romuald de Farnham, Patrick

Legris, 15 février 2005, Ibid.

235APF, Étude de huit ensembles religieux décorés par Ozias Leduc, Louise Corrivault-Lévesque, 1975,

Ibid.

le comparant à d’autres peintures murales de la carrière du peintre. Saint François

d’Assise recevant les stigmates ne fut pas retouché, ni restauré. Comme dans La Communion de saint Louis de Gonzague et La Présentation de Marie au temple, des

pertes de matière picturale s’observent aussi en certains endroits et sous la couleur se décèle le dessin de l’artiste. En résumé, dans la troisième étape de production se poursuit le cheminement de l’artiste au cours duquel il met les éléments formels au service des messages transmis dans l’ensemble de Saint-Romuald. Ce procédé correspond à celui expliqué par Beaudry (1983) tout au long de son mémoire, qui concerne les paysages de Leduc.