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La sagesse comme connaissance des premiers principes La première définition de la sagesse que soumet au lecteur le prologue du

Dans le document Penser par exemple (Page 52-63)

l'inscription institutionnelle Le Commentaire au livre de la Sagesse de Robert Holkot est issu d’un cours

chapitre 1 chemins qui mènent autre part

I. La sagesse comme connaissance des premiers principes La première définition de la sagesse que soumet au lecteur le prologue du

Commentaire à la Sagesse affirme avec force sa distinction suréminente. Elle se

conçoit en effet comme la vertu intellectuelle la plus noble. Les trois lieux aristotéliciens que convoquent le prologue, l’Ethique nichomaquéenne, VI, 7 1141a12-20 et la Métaphysique A, 2 982a 7-20 et A 1, 981b28-29, ne sont pas développés à parts égales.

L’Ethique nicomaquéenne La sagesse (sophia) est pour Aristote la connaissance certaine des premiers principes. Dans l’Ethique nicomaquéenne, le philosophe du Lycée note de manière abrupte :

Nous croyons cependant qu’il est des personnes sages en général, qui n’ont pas de secteur particulier et ne sont pas par ailleurs des sages dans un domaine quelconque. Comme dit Homère dans son Margitès : Mais en voilà un que les dieux n’ont pas fait terrassier, ni laboureur, ni expert en quoi que ce soit … Il est clair par conséquent que la sagesse doit être la plus rigoureuse des sciences. Donc, le sage doit non seulement savoir ce qui résulte des premiers principes, mais, quand les principes sont en jeu, atteindre encore à la vérité.

Si bien que la sagesse doit être intelligence et science ; une science en quelque sorte pourvue de tête, qui connaîtrait ce qu’il y a de plus honorable (VI, 7, 1141a12-20, Bodéüs 310- 11)88.

Dans la logique textuelle de ce prologue, la mention de « sexto Ethicorum

cap. 6 » vise cette citation d'Aristote et les notions qui en résultent. La sagesse

ressortit { la science. Mais pas { n’importe quelle science, c’est « la plus rigoureuse » (Bodéüs), « la plus achevée » (Tricot), c’est-à-dire la plus certaine, « certissima ». La certitudo est l’élément qui l’emporte dans cette définition, car elle autorise un jugement toujours identique : « tout le monde doit aussi parler de la même chose lorsqu’il parle de ce qui est sage » (EN VI, 7, 1141a24, trad. Bodéüs)89.

La Métaphysique La Métaphysique développe cette conception de la sagesse comme connaissance suprême. Ainsi

« le sage sait-il toutes choses, en la manière qu’il est possible de savoir toutes choses : non point par le particulier ; ensuite que celui-là est sage qui sait connaître les choses difficiles et non aisées { connaître pour l’homme (ainsi, percevoir par les sens est chose commune à tous, et par conséquent facile, aussi n’est-ce point du tout sagesse) ; de plus, qu’en toute science plus sage est celui qui connaît exactement, et celui

88 Tricot traduit à sa manière : « il est clair, par conséquent, que la sagesse sera la plus

achevée des formes de savoir. Le sage doit donc non seulement connaître les conclusions découlant des principes, mais encore posséder la vérité sur les principes eux-mêmes. La sagesse sera ainsi à la fois raison intuitive et science, science munie en quelque sorte d’une tête et portant sur les principes eux-mêmes » (p. 290).

« Esse autem quosdam sapientes existimamus totaliter non secundum partem, neque aliud aliquid sapientes, quemadmodum Homerus ait in Margite, hunc autem neque utique fossorem dii posuerunt, neque aratorem, neque aliter quidem sapientem. Quare manifestum quoniam certissima utique scienciarum erit sapiencia. Oportet ergo sapientem non solum que ex principiis scire, set et circa principia verum dicere. Quare erit utique sapiencia, intellectus et sciencia. Et quemadmodum capud habens, sciencia honorabilissimorum ». AL XXVI 1-3, fasc. 4, trad. Grosseteste, rec. recognita, ed. R.-A. Gauthier, pp. 483-484.

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qui sait mieux enseigner ; nous croyons aussi que parmi les sciences, celle qu’on cherche pour elle-même et en vue de savoir, est sagesse plus que la science qu’on recherche pour les avantages qui en dérivent ; et nous croyons qu’est sagesse, plus que la science qui sert, la science hiérarchiquement supérieure. Car il nous paraît qu’il ne convient pas au sage de recevoir des ordres, mais d’en donner, ni d’obéir { autrui, mais d’être obéi par moins sage que lui. Telles sont, et en tel nombre, les conceptions que nous avons au sujet de la sagesse (A 2, 982a 7-20)90.

Or, { suivre de près le montage citationnel d’Holkot, il est étonnant de constater que, si les disciples d’Aristote sont mentionnés pour une définition de la sagesse, le texte continue, quant à lui, par un renvoi à deux occurrences

90 trad. G. Colle, Institut supérieur de philosophie/ F. Alcan, Louvain/ Paris 1912. « Si

ITAQUE ACCIPIAT aliquis EXISTIMATIONES quas de sapiente habemus, fortassis ex hiis manifestius fiet. Itaque primum EXISTIMAMUS sapientem omnia maximum scire UT CONTINGIT [accipimus], non singularem scientiam eorum habentem. Postea difficilia cognoscere POTENTEM nec leuia homini noscere, hunc dicimus sapientem ; SENTIRE ENIM OMNIUM EST COMMUNE, QUARE FACILE EST ET NON SOPHON. Adhuc certiorem et magis causas DOCENTEM sapientiorem circa omnem scientiam esse. ET scientiarum AUTEM EAM que SUI IPSIUS CAUSA * et SCIENDI gratia ELIGIBILIS EST : mais est sapientia quam que * EUENIENTUM GRATIA. ET PRINCIPALIOREM SUBSERUIVENT magis esse sapientiam ; non enim ordinari sed sapientem ordinare oportet, neque hunc ab altero, sed ab hoc minus sapientem suaderi. TALES enim IGITUR EXISTIMATIONES et TOT de sapientia et SAPIENTIBUS habemus ». AL XXV 3.2, Metaphysica, recensio et translatio Guillelmi de Moerbeka, ed. G. Vuillemin-Diem, 1995, pp. 14-15, 86-101. La graphie est respectée. Les majuscules indiquent les innovations de Guillaume de Moerbeke par rapport à la traduction anonyme ; les étoiles * les mots omis par le traducteur médiéval. Nous n’avons pas repris les signes diacritiques indiquant les transpositions verbales ; l’éditrice précisant ne pas toutes les indiquer.

Une remarque générale s’impose sur la manière de citer. Même si elle n’est pas toujours la plus adéquate, je conserve l’orthographe des éditions que je cite, mais pas toujours leur ponctuation. Une normalisation médiévisante a posteriori serait ridicule, même si de prestigieux éditeurs s’en lamentaient : « Avec la collaboration de tous les instants du P. Gils, et l’aide de toute la commission léonine, j’ai préparé l’édition critique de cette œuvre [Sententia Libri Ethicorum] qui paraîtra prochainement (en 1969) dans les Opera omnia de saint Thomas, édition lénonine. Les règles (absurdes) suivies par cette collection m’ont contraint, bien malgré moi et en dépit de mes efforts pour les faire modifier, à adopter dans cette édition l’orthographe scolaire élémentaire, qui n’est plus suivie par aucune édition sérieuse des auteurs classiques, et qui est encore moins excusable dans l’édition d’un auteur médiéval, puisqu’elle s’écarte des usages médiévaux plus encore que des usages classiques. L’attachement de certains milieux ecclésiastiques aux habitudes des petites classes est d’autant plus déplorable qu’il ne fait que manifester le niveau navrant auquel est tombé dans ces milieux la culture latine ». R.-A. Gauthier, « Introduction » dans : Aristote, Ethique à Nicomaque, trad. R.-A. Gauthier, J.-Y. Jollif, Louvain-la-Neuve/ Paris, Peeters/ Vrin, 2002 (2è éd.), I, n. 136, pp. 129-130.

qui ne permettent pas de cerner la sagesse en tant que telle, mais qui dressent le portrait du sage :

Et sic de ea tractat Aristoteles sexto Ethicorum cap. 6 et primo Metaphysice cap. 2, ubi sapientiae descriptionem investigat talem : sapiens est qui scit omnia et difficilia propter certitudinem et causam, ipsum scire propter se quaerens, et alios ordinans et persuadens ; etiam ibidem dicit quod sapiens non debet solum scire per causas, sed etiam per altissimas causas.

Aristote traite de la sagesse dans le sixième livre des Ethiques au chapitre six et dans le premier livre de la Métaphysique au chapitre deux. Il propose à notre investigation la description suivante de la sagesse : le sage est celui qui sait toute chose, aussi les moins évidentes, par la certitude et par la cause ; il cherche à se connaître lui-même par lui-même et il ordonne et persuade les autres. Il y dit aussi que le sage ne doit pas seulement savoir par les causes, mais aussi par les causes les plus éminentes.

La sagesse in persona

La sagesse n’est pas analysée abstraitement, mais elle est personnifiée, inscrite de fait dans le monde par une stratégie de référence ad personam91. Le

sage est « celui qui sait toutes choses », et aussi lui-même ; il persuade et il met les autres dans de bonnes dispositions (alios ordinans). Cette description concise met l’accent sur l’effort de connaissance non seulement du monde, mais aussi soi-même, thème philosophique essentiel92. A tout le moins, cette

connaissance omnisciente connaît un prolongement pratique qui voit le sage devoir transmettre son savoir par la persuasion et ordonner les autres

91 Contrairement à la promesse du texte de Balliol : « sapiencie descripcionem », alors que

les éditions Bâle et Hagenau donnent : « descriptionem sapientis ».

92 P. Courcelle, Connais-toi toi-même : de Socrate à saint Bernard, Etudes augustiniennes,

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mortels. Comme ce savoir est acquis par les causes les plus élevées, donc les plus certaines, son détenteur peut diriger les autres.

Un double tour de force

Loin d’être originale, cette description du sage est totalement redevable, dans la lettre et dans l’esprit, à celle, thomiste, du Commentaire à la

Métaphysique d’Aristote. Thomas d’Aquin soutient en effet que : Istae igitur sunt tales opiniones quas homines accipiunt de sapientia et sapiente. Ex quibus omnibus potest quaedam sapientiae descriptio formari, ut ille sapiens dicatur, qui scit omnia etiam difficilia per certitudinem et causam, ipsum scire propter se quaerens, alios ordinans et persuadens93.

Donc telles sont les opinions que les hommes forment à propos de la sagesse et du sage. De toutes celles-ci, on peut en tirer une description de la sagesse : est réputé sage celui qui sait toute chose, même les moins évidentes en raison de la certitude et la cause ; par lui-même, il cherche à se connaître lui-même et il ordonne et persuade les autres.

Quand le dominicain anglais impute aux « peripatetici » telle définition de la sagesse, il cite en fait ad litteram son illustre confrère, non seulement dans le contenu :

Robert Holkot Thomas d'Aquin

sapiens est qui scit omnia et difficilia propter certitudinem et causam, ipsum scire propter se quaerens, et alios ordinans et persuadens

ut ille sapiens dicatur qui scit omnia etiam difficilia per certitudinem et causam, ipsum scire propter se quaerens, alios ordinans et persuadens94.

93 In duodecim libros Metaphysicorum Aristotelis expositio, M.-R. Cathala, R. M. Spiazzi

Marietti, Torino 1964, I, l. 2, n. 43, p. 13.

Mais aussi jusque dans la lettre, puisque les deux textes, néanmoins issus d’éditions parascientifiques, parlent de « descripition de la sagesse », « sapientiae descriptionem investigat talem ». (C’est d’ailleurs cette correspondance textuelle qui fait préférer la leçon du manuscrit : « sapiencie descripcio » à celle des éditions imprimées : « sapientis descriptio » qui semblait a priori la plus cohérente.) Holkot accomplit ainsi un double tour de force. Il impute implicitement les thèses aristotéliciennes, comme celles des

peripatetici, { Thomas d’Aquin ― c’est un fait ―, mais il prétend encore citer

Aristote, alors qu'il cite en fait le commentaire à la Métaphysique du même Thomas d’Aquin.

L’omniscience du sage

Le sage ne connaît pas par n’importe quelle cause, mais plutôt par les causes les plus éminentes (per altissimas causas). Cette idée forme le cœur de la réflexion thomiste; il en fait même le leitmotiv de sa conception de la sagesse : « le propre du sage est de considérer les causes les plus élevées » (« sapientis est causas altissimas considerare », Somme contre les gentils, I, 1, 2)95. Les textes du « plus grand clerc du monde après frère Albert

philosophe »96 le répètent à satiété : la sagesse est la plus haute forme de

connaissance possible. Dans le Commentaire aux Sentences, la sagesse est aussi définie « selon l’usage de son nom » (secundum nominis sui usum) comme une capacité éminente de connaissance, « eminens quaedam sufficientia in

cognoscendo », qui trouve en chacun la certitude et qui permet de juger toute

chose comme d’ordonner les autres97. La sagesse est donc en quelque sorte

95 Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils, trad. V. Aubin, C. Michon, D, Moreau, Paris, GF,

1999, I, p. 140. Lorsqu’il cherche { différencier l’intellectus, la scientia et la sapientia, dans son commentaire au chapitre initial de la Métaphysique : « denominatam sapientiam circa primas causas et principia existimant omnes versari » (981b 28-29), Thomas d’Aquin affirme aussi que « la sagesse prend en considération les causes premières » (sapientia vero considerat causas primas), In duodecim libros Metaph., ed. cit., l.1, n. 34.

96 Pierre Marsili, Chronica gestorum inuictissimi domini Iacobi primi Aragonie Regis, le ms.

Biblioteca de Catalunya 1018, f. 184r, d’après R.-A. Gauthier, Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils. Introduction, s. l., Editions universitaires, 1993, p. 168 ; texte latin n. 39, p. 168 (ci-après, Introduction).

97 Dans une formulation proche du Commentaire à la Métaphysique, le Commentaire des

Sentences énonce que « dicendum ad primam quaestionem quod sapientia secundum nominis sui usum videtur importare eminentem quamdam sufficientiam in cognoscendo, ut et in

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une connaissance parfaite, qui n’ignore rien, du fait de son caractère omniscient, et qui tire ses informations à la meilleure source possible, puisqu’elle connaît par les causes les plus éminentes. Cette forme cognitive occupe à juste titre le premier rang dans la hiérarchie des connaissances et peut ainsi être qualifiée de « philosophie première »98. Ce qualificatif importe

au plus haut point, car il indique que, dans la conception aristotélicienne du savoir, la sagesse ne diffère pas de la philosophie, mais en constitue la forme suprême.

… et ses devoirs

Le détenteur de ce savoir total ne s’enferme pas dans sa tour d’ivoire afin de jouir, tel un Narcisse, de sa spéculation. La sagesse lui donne des devoirs. Selon ce passage, ordinare est l’office du sage. Selon une vision du monde fortement hiérarchisée, ce qui est supérieur règle ce qui est inférieur99.

L’ordre vient toujours d’en-haut, dans les deux sens du terme ‘Ordinare’ ne possède cependant pas un sens très clair, ce verbe peut vouloir dire — comme dans le verbe français ‘ordonner’ — mettre de l’ordre, trouver un bel ordonnancement, mais aussi donner un ordre. R.-A. Gauthier propose de traduire : « faire de l’ordre »100. « Alios ordinans (et persuadens) » peut donc

vouloir dire ‘commander les autres’ ou ‘les mettre dans de bonnes dispositions’. La fin du prologue organisera d’ailleurs une reprise, dans un sens pratique, de l’adage qui constitue le point de départ de la Somme contre

les Gentils : « sapientis est ordinare »101. Or, cette maxime ne se lit dans aucune

traduction latine d’Aristote. La traduction de la Métaphysique de G. de Mœrbeke affirme quant à elle : « non enim ordinari sed sapientem ordinare

seipso certitudinem habeat de magnis et mirabilibus quae aliis ignota sunt et possit de omnibus judicare, quia ‘unusquisque bene judicat quae cognoscit’ (EN 1, 1 1094b 28), possit etiam et alios ordinare per dictam eminentiam ». Sent. n.111, p. 1193. Force détails sur ce texte dans la partie consacrée { l’aristotélisme théologique, versant théologique.

98 Met. I, 1, 981b23.

99 Sent. n. 117, p. 1194 : « oportet quod superiora sint inferiorum regula ». 100 Introduction, p. 144, voir aussi pp. 97-98.

101 Cf. Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, trad. V. Aubin, C. Michon, D, Moreau, I,

oportet »102. Ce véritable mot d’ordre apposé { la sagesse constitue in fine une

manière de proverbe. L’introduction { la philosophie Sicut dicit Ysaac l’affirme par exemple sous un angle différent : « sapiens autem generat doctrinam in alio mediante sermone. Sapientis vero est ordinare et ordinari. Et ideo, cum ordinet alios mediante sermone, oportet quod ipse sermo debito modo ordinatus sit »103.

La sagesse comme cause éminente : diffraction médiévale

Une conception de la sagesse comme connaissance éminente ne constitue toutefois pas l’apanage ni des commentateurs aristotéliciens, ni des théologiens. Ces sources diverses concourent à en faire un véritable élément structurant de la conceptualisation médiévale de la sagesse. Ainsi les introductions à la philosophie partagent-elles généralement ce point de vue. La sagesse, connaissance absolue, subsume les différentes connaissances. Dans son De triumphis ecclesiae, Jean de Garlande la place, par exemple, à la source de la division des sciences :

Hinc speculativam gignit sapientia, gignit Hunc ramum cujus pratica nomen erit104.

102 Met. I, 1, 982a 18-19, ed. cit., p. 15. La traduction de Jacques de Venise est identique, cf.

R.-A. Gauthier, Introduction, p. 97. Précision à toute fin utile, vu l’incertitude philologique d’une certaine littérature secondaire; pour ne citer qu’un exemple, cf. L. Honnefelder qui donne comme référence de cette sorte de proverbe « Aristoteles Latinus, Met. I 1 », cf. « Weisheit durch den Weg der Wissenschaft. Theologie und Philosophie bei Augustinus und Thomas von Aquin », dans : W. Oelmüller (éd.), Philosophie und Weisheit. Kolloquien zur Gegenwartsphilosophie, F. Schöningh, Paderborn/ Zürich 1989, n. 7, p. 66.

103 Cité, selon le ms. Clm 14460, 151ra, par R. Imbach, « Einführungen in die Philosophie

aus dem XIII. Jahrhundert. Marginalien, Materialien und Hinweise in Zummenhang mit einer Studie von Claude Lafleur » dans : Quodlibeta. Ausgewählte Artikel Articles choisis, éds F. Cheneval, C. Pottier, S. Maspoli, M. Mösch, Th. Ricklin, Fribourg, Editions universitaires, 1996, p. 77.

104 Johannes de Garlandia, De triumphis ecclesiae, ed. T. Wright, p. 100. (cité par Thomas

Haye, « Divisio scientiarum: ein bisher unveröffentlichtes Wissenschaftsmodell in der Clavis compendii des Johannes von Garlandia », Vivarium, 32, 1 (1994) p. 60. Dans les vers précédents, le grammairien anglais avait précisé que le sagesse commandait aussi à l’éloquence. Elle préside donc au savoir humain divisé en éloquence (grammaire, logique, rhétorique), connaissance spéculative (métaphysique, physique, mathesis) et connaissance pratique, éthique (politique, économie, souci de soi : monostique).

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Cette suprématie sapientielle n’était pas forcément partagée universellement, ni même d’ailleurs dans le genre littéraire de la division des connaissances (divisio scientiarum). L’anonyme auteur du Tractatus quidam de

philosophia et partibus eius fait quant à lui équivaloir sapientia et eloquentia à

la manière cicéronienne et semble ratifier une définition scientifique de la philosophie qui vienne, selon le bon mot de R. Imbach, « du cercle de Chartres »105 :

Alii vero scientiam primo loco constituentes, eam in eloquentiam sapientiamque distribuunt106.

La sagesse, source de savoir, tient cependant une place essentielle dans la

Division de la philosophie de « Gundissalinus »107. Le prologue de cette œuvre,

inspiré du De scientiis de Farabi108, fait l’éloge de l’âge d’or des premiers temps

de l’humanité qui a produit tant de sages et qui contraste méchamment avec la situation présente ―celle du temps où « Gundissalinus » écrivait― d’une humanité presque aveugle, plongée dans les ténèbres, ne pouvant bénéficier des lumières des sages109. A la manière du Compendium studii philosophiae de

Roger Bacon, le traité est ainsi conçu comme une restauration de la sagesse dont les parties et la nature seront éclairés afin que chacun puisse y goûter. Si le prologue de l’archidiacre tolédan identifie d’emblée la philosophie { la sagesse, puisque le titre annonce les divisions de la philosophie et que le texte

105 R. Imbach, « Einführungen in die Philosophie », n. 18, pp. 68-69.

106 Cf. G. Dahan, « Une introduction à la philosophie au XIIe siècle : le Tractatus quidam de

philosophia et partibus eius », Archives d'histoire doctrinale et littéraire du moyen âge, 49 (1982), p. 181 ; voir aussi p. 187.

107 Je commets sciemment une entorse obligatoire au protocole franco-français de

francisation de noms propres, car on est bien en peine de savoir qui est l’auteur de ce texte, cf. A. Rucquoi, « Gundisalvus ou Dominicus Gundisalvi », Bulletin de philosophie médiévale, 41, 1999, pp. 85-106, et surtout I. Caiazzo, « Gundissalinus » dans : Dictionnaire du Moyen Age, C. Gauvard, A. de Libera, M. Zink (dirs.), pp. 649-650a. L’auteure m’a inspiré les guillemets enserrant le nom de l’auteur putatif, cf. 649b. Voir aussi sur le De divisione les remarques de Th. Ricklin, Die ‹Physica› und der ‹Liber de causis› im 12. Jahrhundert, Fribourg, Universitätsverlag, 1995, pp. 119-120.

108 La correspondance textuelle a été établie par L. Baur, cf. Dominicus Gundissalinus, De

divisione philosophiae, ed. L. Baur, Aschendorf, Münster 1903, p. 166. Cette édition est plus aisément accessible dans : De divisione philosophiae. Über die Einteilung der Philosophie, trad. A. Fidora, Freiburg im Brisgau, Herder, 2007.

parle des « parties de la sagesse » (l. 12), il poursuit toutefois en intégrant la sagesse à la philosophie110. La sagesse occupe néanmoins une place éminente

dans l’architecture philosophique, car non seulement, « la philosophie est

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