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la patience est la mère des vertus

Dans le document Penser par exemple (Page 173-176)

Conclusion Ce contexte, ce réseau textuel, cet enchevêtrement des sources, dessinent

chapitre 3 la patience est la mère des vertus

et le sage son archétype

Le sage hante les définitions de la sagesse. La première définition du prologue au Commentaire du livre de la Sagesse promeut un bougé paradigmatique. Il n’y est en effet pas tant question de la sagesse, en tant que telle, que du sage.

Ce passage constitue le moment signifiant du prologue et souligne la finalité du livre, pratique et propice à la conversion, visant au changement de comportement. Ce n’est pas la sagesse abstraite qui compte, mais son porteur, sorte de wisdombearer. Le sage devient ainsi une fonction incarnative. Personnage conceptuel qui façonne un horizon de perfection, il présente une figure désincarnée qui pointe un idéal humain345. Désigné ainsi, indexé au

cours de la progression du proficiens, le chemin qui mène à la réalisation de soi comme sage trace une pédagogie et ouvre à une pragmatique de la sagesse.

345 « Les philosophes grecs dépeignaient, sous le nom de sage, un être idéal sur lequel ils

accumulaient toutes les perfections », E. Bréhier, « Le sage antique » dans : C. Bouglé, E. Bréhier et alii, Du sage antique au citoyen moderne, Paris, Armand Colin, 1921, préface de P. Lapie, p. 1.

176 LA PATIENCE EST LA MÈRE DES VERTUS ET LE SAGE SON ARCHÉTYPE

Dans ses premières lignes, le prologue du Commentaire au livre de la

Sagesse organise donc le passage subreptice, mais intensément signifiant,

d’une notion abstraite désignée comme sapientia à une notion personnifiée soit sous forme impersonnelle : sapiens, soit par un nom propre : Pythagore.

Selon le prologue, la figure du sage, considéré comme parfaitement vertueux, perfecte virtuosus, exprime, au plus juste, la conception de la sagesse que vise le livre biblique.

Tertio modo accipitur sapientia apud stoicos et morales philosophos sicut fuerunt Socrates, Seneca et Boethius, qui nihil aliud vocant sapientiam quam collectionem virtutum intellectualium et moralium, et isto modo sapiens idem est quod perfecte virtuosus. Unde de sapiente sic accepto, loquitur Seneca in libello quodam qui intitulatur : Quod in

sapiente non cadit iniuria. In quo libro probat quod sapiens

non potest offendi et quod sapientis animus semper est in tranquillitate et quod cor sapientis est sicut adamans et multa talia, de quibus alias erit sermo.

Et sic videtur mihi quod accipit sapientiam autor huius libri. Cuius ratio est quod nomen libri communiter accipitur a materia de qua tractatur. Modo in hoc libro non tractatur praecise nec principaliter de aliqua virtute intellectiva vel morali, sed de omni virtute. Et ideo, nomen sapientiae non hic ponitur pro dono supernaturali nec pro virtute intellectuali, sed pro summa virtutum totali.

L’allure stoïcienne du sage biblique

Les chapitres précédents ont étayé la labilité conceptuelle de la définition de la sagesse dont l’orientation définitionnelle manifeste la substitution d’un discours moral { un discours métaphysique et théologique. La sagesse n’est plus comme pour Thomas d’Aquin ou pour Bonaventure de Bagnoreggio, une

connaissance certaine des premiers principes ou don divin, mais elle s’incarne en un engagement éthique qui confine au martyre, si l’on en juge par les

exempla sapientiae que propose le texte : Socrate, Boèce et Sénèque. Or cette

figure du sage ne reste pas nimbée d’incertaines ombres. Son contour est précisément assumé dans la référence explicite au sage stoïcien, perfecte

virtuosus.

En outre, les deux précédents chapitres ont permis de dégager les ressorts rhétoriques et conceptuels qui forment l’effort de penser du prologue. En faisant apparaître son inscription contextuelle, elles ont mis en lumière le paysage conceptuel de cette démarche. Elles ont enfin conclu à une manière d’envisager la sagesse ad personam.

Description du sage

Le sage qui personnifie la sagesse dont traite, selon l’exégète Holkot, le

Livre de la Sagesse, est un sage stoïcien. Outre l’attribution littérale qui figure

dans le prologue (apud stoicos), deux éléments invitent à cette lecture.

En premier lieu, la description précise du sage : étant donné que la sagesse est une collectio virtutum intellectalium et moralium, le sage est « parfaitement vertueux » (perfecte virtuosus), ce qui invite à reconnaître l’importance de la

collectio virtutum. Or, comme on le sait, l’un des traits essentiels du sage

stoïcien tient en sa possession de toutes les vertus dès le moment où il en possède une. La dispute médiévale de la connexio virtutum, qui se fonde en majeure partie sur l’adage imputé aux « stoyci » « qui a une vertu, les détient toutes » (qui unam virtutem habet omnes habet), rappelle incessamment ce point par ailleurs parfaitement commun, comme en témoigne le ch. 33 du

Speculum historiale de Vincent de Beauvais346.

Un second argument en faveur de cette identification stoïcienne provient d’un autre élément textuel. Le prologue amorce, par un dialogue de Sénèque, le profil d’un sage insensible { l’iniuria et { l’offense (contumelia) :

178 LA PATIENCE EST LA MÈRE DES VERTUS ET LE SAGE SON ARCHÉTYPE

sapiens non potest offendi et quod sapientis animus semper est in tranquillitate et quod cor sapientis est sicut adamans et multa talia, de quibus alias erit sermo.

Le sage ne peut être offensé, son esprit est toujours en repos et son cœur est comme du diamant.

Compendium sapiencie (leçon 55)

Dans le document Penser par exemple (Page 173-176)