128
Voir par exemple la liste des articles consacrés à des « Femmes illustres » dans le
Journal des Demoiselles établie par Christine LEGER-PATURNEAU dans Le Journal des
Demoiselles et l’éducation des filles sous la monarchie de Juillet (1833-1848), Thèse pour
le doctorat, dirigée par Jacques Seebacher, Paris VII, Paris, 1988, p. 128-130. La
chercheuse, malheureusement décédée avant d’avoir pu soutenir sa thèse, a mené un travail
d’une extrême rigueur permettant de dégager le modèle d’éducation donnée aux jeunes
filles par le journal, de surcroît elle dresse une représentation de la destinée féminine
attendue pendant la monarchie de Juillet. Nous invitons à consulter sa thèse à la
bibliothèque des thèses de Paris VII.
129
Etta Palm D’Aelders (1743-1799) est une baronne néerlandaise, installée à Paris. On dit
d’elle qu’elle est espionne jusqu’en 1792 et qu’elle fréquente Olympe de Gouges. On retient
surtout la fondation de la Société patriotique et de bienfaisance des Amies de la Vérité en
mars 1791, premier club politique exclusivement féminin.
130
Claire Lacombe (1765- date inconnue) est une comédienne et révolutionnaire française.
Elle dirige la Société des républicaines révolutionnaires en 1793. Elle participe activement
aux journées du 31 mai et du 2 juin 1793 en plaidant pour l’insurrection. Ses revendications
sont jugées radicales (port d’arme pour les femmes, destitution des aristocrates de l’armée),
on trouve des motifs d’accusation pour la jeter en prison. L’affaire des cocardes aura raison
d’elle et de sa liberté jusqu’en 1795.
131
Pauline Léon (1768-1838) est une révolutionnaire française. Elle participe à la prise de
la Bastille, elle fréquente plusieurs clubs politiques, elle dirige avec Claire Lacombe la
Société des républicaines révolutionnaires, emprisonnée quelques mois avec son mari
Jean-Théophile Leclerc des Enragés (un groupe de révolutionnaires radicaux), elle meurt chez
la philanthropie. Les revendications des femmes s’y font également entendre et sont
portées à l’Assemblée. C’est ainsi qu’Etta Palm, le 1
erjuin 1792 s’y présente à la tête d’un
groupe de femmes : « Les Femmes ont partagé les dangers de la Révolution, pourquoi ne
participeraient-elles pas à leurs (sic) avantages
132? » Elle réclame l’admission des
femmes dans les emplois civils et militaires, l’éducation morale et nationale pour les
filles, la majorité à 21 ans, la liberté politique et l’égalité des droits, le divorce. Les
femmes, appartenant à des clubs ou non, assistent enfin aux discussions des assemblées
de section ou de la Convention depuis les tribunes publiques. On les caricature en
« tricoteuses » du fait qu’elles ne cessent jamais leurs travaux de tricot ou de fabrication
de charpie, ce qui est commenté comme un acte dérogeant aux règles de la bienséance
alors qu’il s’agit de leur participation à l’effort de guerre contre l’Autriche, en plus de
leur implication dans la lutte contre les Girondins. Synonyme de Jacobines ou du moins
de personnes assidues aux tribunes, le mot prend rapidement une signification radicale et
sanguinaire, liée à la Terreur, notamment après la chute de Robespierre (puisqu’on les
associe à sa branche politique). « La tricoteuse, précise Dominique Godineau, évoque des
sentiments de violence, de haine, de mort et de sang ; et c’est sous les yeux de tous, dans
les tribunes publiques qu’elle s’active
133». Elle est alors caricaturée, notamment dans les
Mémoires d’Outre-Tombe de François-René de Chateaubriand dès 1848 : elles « sortent
du spectacle de la guillotine », « ballant » avec « des reptiles immondes autour de
l’échafaud, au son du coutelas remontant et redescendant, refrain de la danse
diabolique
134». Inscrite sous cette figure monstrueuse dans l’imaginaire collectif, c’est
cette définition qui en est donnée dans les ouvrages actuels spécialisés dans la
Révolution
135. La caricature rendant monstrueuse l’activité publique des femmes est un
procédé qu’avaient déjà connu les femmes de lettres, affublées de l’image moqueuse des
« précieuses » et que connaîtront encore leurs consœurs du XIX
esiècle par la peinture du
132
Citée par Paule-Marie DUHET, Les Femmes et la Révolution, op. cit., p. 125.
133
Dominique GODINEAU, Citoyennes tricoteuses : les femmes du peuple à Paris pendant
la Révolution française, Aix-en-Provence, France, Alinéa, 1988, p. 14.
134
François-René CHATEAUBRIAND, Les Mémoires d’Outre-Tombe, IV, p. 45-46 cités par
Dominique GODINEAU dans « La “Tricoteuse” : formation d’un mythe
contre-révolutionnaire », Mots, Révolution Française.net, mis en ligne le 1
eravril 2008, consulté
le 29 septembre 2016.
135
À titre d’exemple, dans Histoire et dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799,
Paris, Laffont, 1987 : « Tricoteuses : c’est ainsi qu’on appela les femmes d’origine
populaire qui suivaient en tricotant les séances de la Convention et apostrophaient les
députés depuis les tribunes. Elles se trouvaient aussi sur le chemin menant à l’échafaud et
participaient aux “messes rouges” trempant leurs mouchoirs dans le sang des victimes. »
« bas-bleu », traitement cynique reçu par toutes celles qui sortent de la sphère domestique
et privée à laquelle on les destine, ou qui rendent publique cette sphère du privé (le tricot,
activité domestique, ne devrait pas être montré ni sortir du foyer).
Les Tricoteuses jacobines. Gouache de Jean-Baptiste Lesueur. 1793, Musée Carnavalet.
Dominique Godineau relève par ailleurs que les femmes sont limitées à un rôle
traditionnel d’émeutières. La présence d’un collège féminin lors des émeutes pour le pain
semble aller de soi en ce que cette caractéristique nourricière correspond à la « nature »
des femmes ; mais dès lors que le mouvement révolutionnaire s’organise en structure
politique, les femmes en sont exclues
136et retournent dans la sphère domestique. Arlette
Farge rappelle comment Michèle Perrot et Natalie Zemon Davis insistent dans leur
analyse :
136
Dominique GODINEAU, « Filles de la liberté et citoyennes révolutionnaires » in Georges
DUBY, Michelle PERROT et Geneviève FRAISSE, Histoire des femmes en Occident. 4, Le
D’une part sur leur présence d’autant plus aisée qu’elles sont moins
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Les écrivaines-journalistes sous la monarchie de Juillet : la presse au service d'une reconnaissance littéraire
(Page 46-49)