294
Chiffre avancé par Françoise MAYEUR in L’Éducation des filles en France au XIX
esiècle, op. cit., p. 103.
295
Femme de lettres prolixe, Amable Tastu (1795-1885) se fait d’abord connaître par sa
poésie, puis par des ouvrages pédagogiques et des traductions. Elle participe également
régulièrement au Mercure de France et à La Muse Française.
296
Amable TASTU, Éducation maternelle, simples leçons d’une mère à ses enfants, par Mme
Amable Tastu, Paris, Didier, 1843.
297
On peut notamment citer la très en vogue méthode de l’abbé Gaultier, très proche de la
méthode anglaise Lancaster. L’apprentissage se fait autour de jeux instructifs, des questions
sont posées aux élèves qui gagnent et perdent des jetons en fonction de leurs bonnes ou
mauvaises réponses.
298
Ainsi qu’indiqué ironiquement par le Vicomte de Launay dans sa chronique du 8 février
1837 : « Il [Lévi] apprend aux petites filles à parler des heures entières, sans se reposer,
sur le lever du soleil, sur l’amour filial, sur la mort d’un grand homme quelconque. Si elles
n’ont point d’esprit, elles acquerront au moins de l’aplomb, c’est toujours cela » in Delphine
DE GIRARDIN, Lettres parisiennes du vicomte de Launay, op. cit., p. 86.
l’enseignement mutuel de Jacotot : une leçon par semaine revue par l’élève avec sa mère
ou répétitrice pour aller dans le sens du cours. Cette finalité de complément éducatif se
lit également dans les journaux féminins de notre corpus. La simple lecture des titres
complets des périodiques permet de se faire une idée de cette volonté de prolonger
au-delà du niveau des études primaires le degré d’instruction des lectrices. Le Conseiller des
Dames est sous-titré Journal d’instruction, de littérature, de modes, d’économie
domestique et de travaux à l’aiguille ; le Journal des Femmes est présenté comme un
« recueil consacré à la littérature, aux sciences, arts modes, musique, dessin et peinture »
dans son « Prospectus
300».
Autre cadre possible d’éducation pour les jeunes filles, le couvent ou le
pensionnat. Le couvent, quoique gage d’une éducation rigoureuse est craint par les
familles du XIX
esiècle, on y a peur d’une dévotion exagérée et de la naissance d’une
vocation religieuse chez les jeunes filles. On y critique de surcroît l’imprégnation de la
superstition plutôt qu’une piété sincère. On reproche encore au couvent un type
d’éducation inadapté à la vie qui attend ensuite les couventines, il ne s’y apprend rien qui
se rapproche de la vie courante. Le couvent serait aux filles ce que le collège jésuite était
aux garçons. Si les jeunes filles s’y rendent, c’est pour un séjour assez court, de leur
première communion à leur entrée dans le monde, c’est à dire entre douze et quinze ans.
Françoise Mayeur signale le peu de sources concernant la vie quotidienne des
couventines, le décor est révélé par l’étude des prospectus faisant la publicité des
couvents, on y vante la modération de la religiosité, la salubrité des pièces et le parc qui
garantissent la bonne santé des pensionnaires
301. Les pensionnats laïcs répondent en partie
aux inquiétudes concernant le couvent. Pour autant, comme le précise Michela de Giorgio
dans le chapitre consacré à « La bonne catholique » dans L’Histoire des femmes en
Occident
302, « le point de vue de la société laïque sur l’éducation des femmes ne diffère
pas de celui de l’Église
303». Ainsi, le modèle éducatif laïc relayé dans les pensionnats est
ambigu en ce qu’il véhicule toujours l’idéal de la femme au foyer, la peur d’une
instruction détournant les femmes de leurs missions de mère et d’épouse. Les
enseignements donnés à l’école primaire sont les mêmes pour les petites filles et les petits
300
Fanny RICHOMME, « Prospectus », art. cit.
301
Françoise MAYEUR, L’Éducation des filles en France au XIX
esiècle, op. cit., p. 48-83.
302
Michelle PERROT, Geneviève FRAISSE et Georges DUBY, Histoire des femmes en
Occident. 4, Le XIX
esiècle, op. cit., p. 203-239.
garçons (si ce ne sont les travaux d’aiguille, pratique jamais interrogée ou remise en
question au XIX
esiècle). En revanche, l’enseignement secondaire diffère en durée et en
contenus : on n’y enseigne pas aux filles ni le latin, ni la philosophie ni les sciences. Les
pensionnats laïcs offrent alors principalement un enseignement en histoire et en littérature
au détriment de l’arithmétique et des sciences. Ce sont aussi les arts d’agréments comme
le piano, la danse, le dessin, la peinture et les travaux d’aiguille. Au-delà de l’aspect
convenable de ces savoirs d’agrément (plaire au mari, distraire ses hôtes), la nouveauté
dans la volonté que les jeunes filles apprennent le piano et autres est la perspective
économique. Ces compétences peuvent fournir une ressource financière : si le besoin était
la jeune femme pourrait devenir maîtresse de piano ou d’arts d’agréments. Les
pensionnats de la monarchie de Juillet offrent à leurs pensionnaires un cadre propice à
l’étude. Il se situe dans un quartier aéré, comporte un jardin (on retrouve la précaution
prise dans les prospectus des couvents concernant la salubrité des lieux), des classes de
piano, une grande salle pour le dessin, des salles d’étude et de récréation, un dortoir et un
réfectoire, un salon de réception très soigné. L’organisation de la journée laisse également
beaucoup de temps pour l’enseignement. Le lever a lieu vers 6h du matin. Une heure est
consacrée à la toilette, s’ensuit la prière et une heure d’étude, de leçon ou d’ouvrage à
l’aiguille. Le petit déjeuner se prend entre 8h et 9h, le déjeuner à midi, un goûter est pris
dans l’après-midi, le dîner entre 18h et 19h. Les jeunes filles se couchent avant 21h
304.
Cette structure quotidienne permet d’envisager entre six à huit heures d’études scolaires
par jour, dont le programme est totalement laissé entre les mains de la maîtresse de
pension. Elle se charge de la partie domestique et des usages du monde (le salon de
réception est alors son domaine), des intervenants extérieurs viennent professer des leçons
que les jeunes filles retravaillent avec des sous-maîtresses. Les pensionnaires sortent très
peu et sont quasiment isolées du monde extérieur : les parents peuvent venir deux fois par
semaine, les jeunes filles peuvent sortir uniquement avec leurs parents une fois tous les
quinze jours, le courrier et les lectures arrivant de l’extérieur sont épluchées par la
maîtresse de pensionnat.
304
Agenda précisé par Françoise MAYEUR in L’Éducation des filles en France au XIX
e
Dans le document
Les écrivaines-journalistes sous la monarchie de Juillet : la presse au service d'une reconnaissance littéraire
(Page 86-89)