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A-1.b- Sélection des fragments d’anticorps sous forme de scFv par la technologie du phage

La sélection des phages spécifiques à la MC-LR a été effectuée sur un support solide. Afin d’optimiser la qualité de la sélection et de l’adsorption de la cible (Cuccuru et al., 2012), la MC-LR a été couplée à une protéine porteuse : soit l’ovalbumine (OVA), soit la KLH (Keyhole Limpet Hemocyanin). Ce

112 couplage a été contrôlé par trois approches distinctes (ELISA, SDS-PAGE et Western Blot) préalablement aux étapes de sélection.

La sélection de fragments d’anticorps par la technologie du phage display a longtemps été comparée à la recherche d’une aiguille dans une botte de foin. Ici 81 clones ont été isolés à partir d'une banque riche de plus de 109 entités. Deux stratégies de sélection différentes ont été appliquées : SOM et SOKM, désignant respectivement la Sélection contre l’OVA-MC et la Sélection contre l’OVA et la KLH conjuguées à la MC.

A l’issue des cinq tours successifs de sélection dans la stratégie SOM, un enrichissement des phages spécifiques à la MC-LR a été observé par Phage ELISA lors des 3 premiers cycles de sélection positive des phages exprimant des scFv spécifiques à l’OVA-MC. La diminution observée dans le profil d’enrichissement au niveau du 4ème cycle correspond à la pression de sélection appliquée pour garder les clones les plus affins. Néanmoins, ce profil a augmenté au cours du 5ème cycle où une sélection négative a été effectuée pour éliminer les phages spécifiques à la protéine porteuse OVA. 36 clones ont été isolés à partir des deux derniers tours. Ces clones sont appelés SOMa (le « a » reflète l’élution acide appliquée), suivi d’un chiffre correspondant à chaque clone.

En ce qui concerne la stratégie SOKM, une diminution d’enrichissement a été observée au cours des 3 cycles effectués. La diminution entre le premier et le second tour est justifiée par le changement de la protéine porteuse de la MC-LR supposant l’élimination des phages spécifiques à l’OVA seule. En revanche, au niveau du troisième tour, alors qu'un taux d’enrichissement plus élevé par comparaison avec le tour de sélection précédent était attendu, nous avons constaté une diminution du signal. Celle-ci est peut-être liée à un manque de stabilité de la protéine cible, dans les conditions expérimentales utilisées. 45 clones ont été isolés à partir de la stratégie SOKM. Ces clones sont appelés SOKMa, SOKMc et SOKMd selon le mode d’élution utilisé (acide, compétition avec la MC, ou compétition avec AD4G2), suivi d’un chiffre correspondant à chaque clone.

Afin de déterminer les clones les plus affins pour la MC-LR en surface de phages, un phage ELISA a été effectué. Après analyse des résultats, 11 clones ont été finalement retenus. Dans le but d’étudier les fragments scFv libres, c’est-à-dire sous forme soluble puisque non-fusionnée à un phage, il est essentiel d’analyser leurs séquences et de les cloner dans des bactéries non-suppressives. Concernant la sélection SOMa, l'analyse des séquences a montré que tous les 4 clones produisent des scFv codés par des séquences nucléotidiques identiques, bien qu’ils proviennent chacun d’isolats bactériens différents. En outre, cinq autres clones provenant de la sélection SOKM, n’ont pas été conservés puisque les séquences des domaines VH ou VL correspondants se sont avérés non fonctionnels. Enfin, concernant la sélection SOKMc, deux derniers clones avec un format classique de scFv ont également été retenus, aboutissant à un nombre final de trois scFv distincts, a priori fonctionnels.

Ainsi, la sélection par phage display a permis d’isoler trois clones de scFv à partir d’une banque exprimant un milliard de scFv différents, tandis que la technologie des hybridomes a permis de sélectionner des anticorps polyclonaux spécifiques à la MC-LR après immunisation de deux souris avec la KLH-MC. Cependant, la sélection par phage display nécessite moins de temps et de ressources que la technologie des hybridomes. Cinq cycles de sélection ont été effectués avec la stratégie SOM et trois cycles avec la stratégie SOKM. Selon Heng et al., il n'est pas recommandé d'effectuer plus de quatre cycles de sélection afin de maintenir la diversité de séquence parmi les phages liés à la cible (Heng et

al., 2007). Des cycles supplémentaires pourraient aboutir à la sélection de phages qui infectent mieux

ou sont mieux élués plutôt que les phages spécifiques à leurs cibles (Kay et al., 2001). À la fin d'un processus de sélection, plusieurs paramètres peuvent être utilisés comme indicateurs afin d'évaluer le degré de réussite de la sélection. Parmi ceux-ci :

113 - L'allure de la courbe d’enrichissement : A pression de sélection constante, la courbe

d’enrichissement devrait avoir une évolution croissante (Eldridge and Weiss, 2015). Ceci est le cas avec la stratégie SOM où les signaux de phage-ELISA sur la population globale augmentent à chaque tour de sélection et où la pression de sélection est maintenue constante (Figures III-10 et 12). En revanche, dans le cas de la stratégie SOKM, l’allure de la courbe d’enrichissement est décroissante. Ce profil peut s’expliquer par une adsorption peu efficace dans les conditions expérimentales utilisées car s’il y a moins de protéine-MC fixée au fond du puits, alors le signal peut diminuer puisque moins de phages seront retenus (Figure III-12).

- La redondance des séquences des clones retenus : Cet effet a été observé dans le cas des SOM

où le séquençage a révélé 4 clones ayant la même séquence nucléotidique, bien que provenant de clones bactériens différents. Cette redondance montre que la pression de sélection exercée a favorisé l’enrichissement d’une séquence particulière, illustrant son intérêt dans la reconnaissance de la cible (Derda et al., 2011), la réalisation de plusieurs tours de sélection (> 4) améliore la capacité de liaison des phages sélectionnés, mais présente l’inconvénient de réduire la diversité des séquences. Enfin, un 4ème scFv a été ajouté à notre étude, provenant d’un scAb (single chain Antibody) le 3A8, déjà sélectionné à partir d’une banque humaine naïve semi synthétique, et caractérisé par l’équipe d’Andrew Porter (McElhiney et al., 2002).

Afin de confirmer la fonctionnalité de ces 4 scFv en dehors du système phagique, chacun d’eux a été produit en système procaryote par voie cytoplasmique, suivi d’un protocole de renaturation déjà optimisé au sein de notre laboratoire. Cette stratégie a été choisie au regard (i) de la relative simplicité de la production chez les bactéries, et (ii) du rendement de la voie cytoplasmique, reconnu pour être plus élevé que la voie périplasmique (Ben Naya et al., 2012). Le tableau IV-1 résume les différentes caractéristiques de ces deux voies.

Tableau IV- 1: Caractéristiques des voies d’expression périplasmique et cytoplasmique.

Une fois les scFv exprimés sous forme soluble, leur fonctionnalité envers la MC-LR a été validée par différentes approches.

Voie périplasmique Voie cytoplasmique

- Les protéines sont sécrétées dans le périplasme, localisé entre la membrane externe et la membrane plasmique de la bactérie.

- Le périplasme constitue un milieu oxydant favorable au repliement des protéines.

- Afin d’adresser la protéine vers le périplasme une séquence signale est ajoutée en N-ter de la protéine (Ritz and Beckwith, 2001).

- La co-expression de protéines chaperonnes peut être exploitée pour optimiser le repliement de la protéine (Padiolleau-Lefèvre et al., 2006).

- Les protéines sont sécrétées dans le cytoplasme de la bactérie.

- Peut entraîner une agrégation dans le cytoplasme et la formation de corps d’inclusions.

- Les corps d’inclusions sont traités afin de les rendre solubles, généralement au moyen d’agents chaotropiques induisant la dénaturation des protéines

recombinantes.

- Les étapes permettant de recouvrir leur activité sont très délicates et nécessitent de nombreuses mises aux point souvent très spécifiques de la protéine produite.

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